Autrefois membre fondateur du collectif soul montréalais Skyjuice, le musicien, producteur et DJ François Simard s’est donné le pseudo Franky Selector au tournant du millénaire et vient de faire paraître Shabby Chic sous étiquette The Good People Records, distribué à grande échelle par Outside Music et disponible en version numérique chez Believe Digital. « Tout est dans le titre. C’est chic, mais c’est aussi un peu déglingué ».

Franky SelectorEntre deux réalisations d’albums sous cette enseigne (un hiatus de six ans), notre homme ne chôme pourtant pas : des remix pour le collectif funk-soul montréalais The Brooks, des collaborations récurrentes avec James Di Salvio (Bran Van 3000), Stéphane Moraille, The National Parks, l’Haïtien Fwonte et Fred Everything, en  plus d’être le DJ attitré des concerts du jam band préféré des campus américains et groupe-culte de son état, Phish, ce qui l’a mené à balancer ses beats contagieux devant des dizaines de milliers de fans après chacun des concerts dudit groupe dans les stades et festivals.

La période d’or de la radio FM, des années soixante-dix au début des années 80, voilà ce qui branche Simard qui a grandi en Floride durant les seventies. « C’était Kool and the Gang avec le monde qui se promène en patins à roulettes en tenant un ghetto blaster. Ce que j’entendais sonne encore plus authentique à mes oreilles comparé à la musique d’aujourd’hui ».

On laisse défiler les treize titres et sans même forcer, on entend sur Shabby Chic des références fort évocatrices de cette décennie bénie : le spoken word de Gil Scott Heron, le soul de Isaac Hayes, l’usage récurrent des cuivres et en filigrane une bienfaisante bouffée d’air des Caraïbes. « J’aime tout ce qu’a produit Chris Blackwell sur son label Island Records, Bob Marley, Toots and The Maytalls, etc. », confie-t-il.

Ses racines libanaises (de sa mère) sont aussi présentes sur Shoo Fi Ma, qui laisse couler les mots en mode spoken word. « Il y va y en avoir de plus en plus dans ma musique, je sens l’appel de l’Orient, laisse-t-il échapper en s’esclaffant ». À moins d’avoir une pierre à la place du cœur, sa musique se boit comme un élixir qui fait du bien. Qui place au-devant les émotions, l’amour et la sensualité. Et plus encore.

« Je mise beaucoup sur l’ambiance et la subtilité avec un groove omniprésent. Il y a toujours une ondulation. C’est comme l’océan. »

« Je mise beaucoup sur l’ambiance et la subtilité avec un groove omniprésent. Il y a toujours une ondulation. C’est comme l’océan, lance Franky Selector en guise d’analogie. C’est possible de danser sur ma musique, mais pas à tout prix ».

Pour y parvenir, ça prend d’abord les bons outils. « Je travaille toujours avec du vieil équipement pour enregistrer en mode analogue. Je suis nostalgique, c’est sûr, mais ma musique n’est pas une reconstitution d’époque ».

Dans cet esprit, ses claviers Fender Rhodes, Mini-Moog, Wurlitzer et autres Clavinet de référence gravitent tour à tour dans ce perpétuel antre du plaisir qui nourrit ses velléités musicales. « Tu ne peux pas reproduire ces sons-là, faut que ça soit les vraies affaires. Mais je travaille aussi avec les ordinateurs, c’est un mariage entre deux procédés, deux techniques ».

Autonome, il s’est loué un local dans le Vieux-Montréal afin d’y implanter son laboratoire, son repaire de création, il s’y rendait presque tous les jours au moment de la création de Shabby Chic. « Je punchais comme à l’usine le matin. Cela commençait à peu près comme ceci : je pars un beat, je fais une progression d’accords, j’enregistre. Il y a plein d’instruments, ce qui me permettait de travailler seul les premières esquisses : des beats et des expériences sonores que j’avais concoctés entre deux spectacles de ma tournée précédente (suivant la parution de son précédent disque Under The Midnight Sun sorti en 2011) et mis en veilleuse ».

L’étape suivante consistait à orchestrer le tout avec une flopée de musiciens qui tour à tour laissent leur empreinte musicale sur des pistes prêtes à être assemblées. Simard enfile ensuite son chapeau de réalisateur, confronté à l’inexorable équilibre entre le cœur et la raison. « Je prends toutes les décisions depuis que j’ai constaté (avec Skyjuice durant les années 90) que la démocratie c’est bien beau dans un collectif de dix musiciens, mais un moment donné ça dilue beaucoup la vision du projet et sa direction ».

L’étape ultime : les concerts, avec la ferme intention de mener sa barque encore plus loin avec un bataillon de huit à dix musiciens dont le maître es claviériste Dan Thouin, prisé de toute la communauté de musiciens du Québec. « Moi je viens de l’école du live. Ceux qui viennent nous voir ne doivent pas s’attendre à des versions scrupuleusement fidèles au disque. Ça évolue beaucoup ! »