Maylee Todd est une auteure-compositrice-interprète, musicienne, artiste de performance, productrice et bombe créative canadienne. Sa chanson « Baby’s Got It » a atteint la 10e position des palmarès radio à Tokyo, au Japon, où elle connaît un immense succès, donnant notamment une prestation au Billboard Live Tokyo ainsi que dans d’autres prestigieux festivals internationaux comme les Trans Musicales en France et le festival C/O Pop, en Allemagne. Sa musique est très variée et elle touche à la pop, à l’Indie rock, au soul, au jazz, à la musique électronique, à l’expérimental et même à la bossa-nova. Elle a un faible pour les instruments exotiques et les séquenceurs, et ses prestations démontrent son talent tant pour la comédie que les arts dramatiques. Le 3 novembre 2017, Todd lançait son troisième album, Acts of Love. Dans cet article, elle partage point par point ses conseils inspirés de sa propre carrière.

Œuvrer comme artiste conceptuelle multimédia, productrice et musicienne signifie que je dois porter plusieurs chapeaux. Je produis mon propre travail et je crée des spectacles concepts qui bonifient la musique à l’aide de mapping vidéo, de waccking, d’installations et de thérapie interactive. Je m’intéresse à l’expérience humaine et souhaite avoir un impact culturel positif grâce à la psychologie, à la spiritualité et à la conscience de soi comme thèmes centraux de mes spectacles.

Qu’est-ce que ça signifie être en vie ? Est-ce que je veux vivre ma vie par dessein ou par défaut ? Si je suis trop réaliste, je sais que je ne serai pas en mesure de contrôler mes expériences, mais je serai en mesure de guider ma vie dans une direction qui a du sens pour moi. Avec cela en tête, je me dois d’être intrépide à plusieurs chapitres. Je ne peux pas avoir peur de présenter du travail qui serait soi-disant « pas assez bon ». L’expression créative et l’authenticité sont l’avenir de l’humanité.

Voici quelques-uns de mes outils de navigation qui m’ont servi dans cette industrie :

Voir les opportunités
Il y a plein d’opportunités, il suffit d’avoir la bonne lentille pour les voir. J’ai demandé à faire partie d’un jury du Conseil des Arts du Canada afin de mieux comprendre comment le système de bourses fonctionne. J’ai travaillé dans un magasin d’instruments de musique pour bien comprendre comment les pédales d’effets fonctionnent, et j’ai pris un café avec des gens de l’industrie afin de connaître leurs expériences et peut-être même travailler pour eux, bénévolement ou non.

Soyez vraiment vous même
Votre authenticité a une valeur. Il y a une tonne de gens dans ce monde, certains sont plus intelligents, d’autres plus talentueux, d’autres plus riches. Qu’est-ce qui vous distingue ? Votre expérience unique, votre style unique et votre perspective unique.

Développement
Je crois qu’il est important de comprendre vos forces et vos faiblesses lorsque vous les développez. J’adore le fait que Michael Jackson ait fait appel à plusieurs auteurs sur Off the Wall tout en continuant à développer ses propres aptitudes en écrivant et réalisant quelques-unes des pièces de l’album. Vous pouvez tout à la fois demander de l’aide, collaborer et vous développer en tant qu’artiste.

Contrats
Les contrats doivent être clairs et concis, ils ne doivent laisser place à aucune supposition. Je « booke », présente mes idées et collabore avec de nombreuses personnes, festivals et salles. Les possibilités de mauvaise communication et de suppositions sont nombreuses. Voilà pourquoi un contrat est préférable. J’essaie toujours d’être très claire dans mes courriels, mais même là, les choses peuvent devenir brouillonnes. J’évolue dans cette industrie depuis assez longtemps pour savoir que même entre amis, il y a parfois des problèmes de communication. Tout le monde avec qui j’ai travaillé a été merveilleux, a compris le processus, saisi le portrait global et ce qu’il y a de mieux pour le projet. J’ai collaboré avec des centaines de personnes, et pourtant je peux penser à peut-être cinq personnes qui ont représenté un défi et occupé mon espace mental. Avec un contrat, tout est clair et net ; la description de tâche, les conditions et le paiement.

La bullshit au sujet du sexe ou de la race
Ce problème est réel et il me donne envie de vomir. Certaines personnes ont choisi de fonctionner avec leur propre sens de la hiérarchie. Ils font fi d’années d’expérience, de talent et de travail acharné au profit de leurs problèmes personnels face à la race ou au sexe. Sortez de là. Ça ne vaut pas le coup.

Utilisez la puissance de votre intelligence
J’ai animé un atelier pendant 10 ans qui s’intitulait The Power Of Wit. Je ne pouvais pas me permettre de dénoncer la misogynie, sans quoi on me congédierait, alors j’ai développé une tactique. Il s’agit simplement, lorsque vous croisez le chemin d’un misogyne en situation de pouvoir, de leur laisser savoir, avec un petit commentaire bien placé, que vous détenez toujours votre propre pouvoir sans qu’il se sente menacé. Je sais, c’est bizarre comme tactique. Mais elle m’a toujours servie quand je devais naviguer dans des eaux patriarcales. Mais pour vrai : dites-leur simplement ce qu’ils sont. Nous ne sommes plus dans les années 80 ou 90. Nous sommes en 2017.

Éparger/Argent
J’essaie de toujours investir dans des projets auxquels je crois, et je prends plus de risques financiers. Cela peut paraître impossible, surtout si vous n’avez pas beaucoup d’argent. J’ai ouvert un compte d’épargne exprès pour des projets artistiques. C’est incroyable la quantité d’argent que je peux dépenser sur des objets qui ne m’apportent aucun sens ou aucune substance. Prioriser m’a beaucoup aidé. À chaque fois que je suis payé pour une prestation, je mets une partie de cette somme dans ce compte d’épargne, même si ce n’est pas grand-chose.

Utilisez les cartes de crédit avec bénéfices
Les systèmes de points sont super ! Ma carte de point m’a permis de payer l’épicerie, des billets d’avion et une imprimante. Je paye beaucoup d’achats avec mes cartes et je les paie aussitôt afin d’éviter de m’endetter.

Improvisez
Les circonstances changent et les choses ne vont pas toujours comme on le souhaite. Tout comme l’évolution naturelle, il faut savoir s’adapter aux circonstances. Il est impossible de tout contrôler et, parfois, ces changements sont de véritables cadeaux. Servez-vous-en.

Gérez votre temps
J’ai été entraîneuse personnelle pendant 10 ans et j’entendais toujours la même excuse : « Je n’ai juste pas le temps. » Ces gens ne priorisaient tout simplement pas leur temps. Et c’est OK. Mais vous ne pouvez pas utiliser cette excuse si vous passez cinq heures par jour sur Netflix ou les réseaux sociaux. Même avec seulement deux minutes par jour, vous pouvez travailler sur vos gammes à la guitare. Ou même une minute pour accorder votre instrument et une minute sur vos gammes. Tout s’additionne en fin de compte.

Patience et persévérance
Je sais que je vais y arriver, peut-être pas la semaine prochaine, peut-être pas l’an prochain, peut-être me faudra-t-il des années. Mais je vais y arriver. Cela vaut pour tous les aspects de votre vie.

En fin de compte
Tout est du travail. C’est recommencer une production sans fin. C’est écrire 100 blagues par jour et il n’y en a qu’une seule qui est vraiment drôle. C’est se pratiquer avec un objectif. Chaque spectacle est une répétition pour le prochain. La vie est un travail en cours. Vérifier les données et vous assurer qu’elles correspondent à votre système de valeurs est important. Mon mantra est : vivre sa vie par dessein et pas par défaut, tout en trouvant le juste équilibre dans l’art de s’adapter.



Ralph James

Ralph James

« 10 000 heures ne suffisent plus, il faut 20 000 heures de nos jours. » Se ces chiffres ne vous effraient pas et que vous voulez tout de même tenter une carrière musicale, continuez à lire. Et si on tient compte de la source — le gérant d’artiste et vétéran de la scène musicale Ralph James — doublant la règle de l’auteur Malcolm Gladwell selon laquelle il faut 10 000 heures de pratique pour devenir maître d’une discipline, il serait avisé de prendre ses conseils à pied de la lettre. Ralph James  de l’Agency for the Performing Arts, à Toronto, cinq fois lauréate du prix de l’Agent de spectacle de l’année de la Canadian Music Week ; il affirme que la clé pour un groupe inconnu de se faire « booker » en spectacle est d’être vraiment, mais vraiment très bon dans son créneau. C’est la base, et ce n’est que le commencement. La SOCAN s’est entretenue avec plusieurs experts en « booking » pour en savoir plus.

Dire que la technologie a complètement chamboulé — et plus d’une fois — l’industrie de la musique au cours des 30 dernières années est sans doute l’un des plus gros euphémismes qui soient. Pourtant, peu importe le degré de changement de certains aspects, d’autres demeurent obstinément inchangés. De fait, il n’a jamais été facile pour un nouveau musicien de se faire engager pour un spectacle. Et, bien entendu, ces grandes avancées technologiques ont fait quelques dommages collatéraux inattendus. L’une de celles-là a été l’immense vague de « one-hit wonders » qui écrivent, enregistrent, produisent un clip et lancent une chanson sans autre expérience que celle acquise dans leur studio maison, diluant ainsi le nombre de musiciens sérieux tentant d’établir leur carrière. L’autre a été que ce nombre croissant de gens qui croient qu’ils ont une chance dans le domaine de la musique — doublé d’une économie qui a vu diminuer le nombre de salles de spectacle — a fait augmenter de manière exponentielle la concurrence pour les places disponibles. Comment, alors, avec toute cette concurrence pour attirer l’attention d’une poignée d’agents de spectacles, arriver à les convaincre d’ouvrir un courriel de sollicitation, sans parler de les convaincre d’écouter votre musique, comment, donc, un néophyte parviendra-t-il à jouer sur scène ?

Derek Andrews est agent de spectacle à Toronto depuis les années 80 (pour The Edge, Albert’s Hall, Harbourfront et désormais Hugh’s Room Live), m’a fait parvenir un courriel avec une liste de contrôle qui est ni plus ni moins que le roc sur lequel les musiciens devraient bâtir les fondations de leurs carrières :

  • 10 000 heures: devenez vraiment bons en jouant sans arrêt.
  • Recherche: fouillez absolument partout pour trouver des occasions de jouer et des données.
  • Consultez: parlez à vos collègues musiciens et à quiconque est au courant de ce qui se passe.
  • Mentor: trouvez-en un, ou plusieurs. Convainquez-les de croire en vous en étant sérieux au sujet de vos objectifs.
  • Vitrine: soumettez votre candidature pour toutes celles où vous vous qualifiez.
  • Conférence: participez à toutes les conférences pertinentes, même si vous n’y présentez pas une vitrine.
  • Réseautage: Partout où vous le pouvez, incluant lors de vitrines, de spectacles et d’autres événement de l’industrie.
  • Vidéo: Vous devez proposer une solide vidéo d’une de vos prestations sur scène sur votre site Web, sur YouTube ou sur vos comptes de réseaux sociaux.
  • Profil : Bâtissez votre profil grâce à une stratégie active sur les réseaux sociaux.
Derek Andrews

Derek Andrews

Voir en personne une prestation sur scène est encore la meilleure façon, pour Andrews, de choisir ses artistes, mais il est bien entendu conscient que ce n’est pas toujours possible. Dans ces cas-là, il cherche deux autres éléments. Premièrement, des références — c’est une petite industrie et tout le monde se parle. Comme l’explique Ralph James, « ce qui attire l’attention des “bookers”, c’est un groupe qui attire les spectateurs. Bâtissez-vous une réputation d’artiste capable de remplir une salle ou d’attirer un bon nombre de clients chaque fois que vous en avez l’occasion. Supposons que vous obteniez une chance de jouer dans un club de Toronto et que vous réussissez bien, tout le monde le saura. Ce n’est pas sorcier. Si, sur une période d’une dizaine de jours, vous entendez parler du même artiste par trois ou quatre personnes différentes, ça risque d’attirer votre attention. »

Et afin de tirer un maximum de bénéfices de ces premières opportunités, il faut savoir où il faut jouer. Réserver un coquet salon de thé pour votre quintette de musique klezmer endiablée n’est sans doute pas idéal et ça ne rendra service à personne. C’est ici que la recherche devient importante. Mike Campbell, qui est agent de spectacles pour le Carleton Music Bar + Grill, à Halifax, depuis 2008, croit que d’avoir une bonne idée des salles à approcher est une excellente première étape. Il saura immédiatement si vous avez fait vos recherches, puisqu’il a préparé, et s’attend à ce que vous ayez lu, la FAQ « So You Want To Book A Gig » (Alors vous voulez vous faire « booker » pour un spectacle) que vous devez consulter sur le site Web de la salle. Jetez-y un coup d’œil : http://www.thecarleton.ca/music/booking-faqs.

Charlotte Cornfield est musicienne professionnelle — à la fois comme auteure-compositrice-interprète et batteuse à la pige — est agente de spectacle pour The Burdock, à Toronto, depuis trois ans. Elle n’accorde aucune importance au genre musical, ne même au catalogue d’un artiste. Ce qui compte avant tout, pour elle, c’est « Comment est-ce que ce sera sur scène ? » Après sa première année au Burdock, dans une entrevue qu’elle avait accordée au magazine NOW, Cornfield avait partagé les cinq questions qu’elle se pose lorsqu’un artiste lui propose son spectacle :

Charlotte Cornfield

Charlotte Cornfield

  1. Est-ce que ça m’enthousiasme ?
  2. Est-ce un bon reflet de la ville et du quartier dans lequel nous nous trouvons ?
  3. Est-ce que ça va attirer les gens ?
  4. A-t-il une présence en ligne ?
  5. Est-ce qu’il dégage de bonnes vibrations ?

Elle a par ailleurs tiré profit de son expérience comme agent de spectacle pour faire avancer sa propre carrière en apprenant à écrire un courriel de sollicitation efficace : « Soyez brefs, ayez de l’impact et allez droit au but : pourquoi choisir mon spectacle, qu’est-ce qui le rend excitant. »

L’autre option de Derek Andrews lorsqu’il ne peut pas se rendre voir un groupe sur scène est de chercher ce que FACTOR et d’autres organismes de financement cherchent : « La taille de votre profil numérique. Nous regardons combien de gens visionnent vos clips ou aiment votre page Facebook. Avant, c’était les ventes de disques, maintenant c’est votre profil numérique. »

L’importance du « booking » groupé
Le principal avantage des événements vitrine listés ici est que les programmateurs et autres producteurs y seront assurément. Ils profitent de ce genre d’occasion pour faire ce qu’on appelle du « booking » groupé. « Les réunions de “booking” groupé ont lieu tout au long de l’automne », explique Derek Andrews. « C’est à ce moment-là que commence le cycle de production des festivals qui auront lieu l’été suivant… Le “booking”  groupé a lieu lorsqu’un groupe de diffuseurs co-ordonne une tournée directement avec un artiste ou son agent, en partie pour assurer l’accès aux subventions de tournée offertes par le Conseil des arts ou FACTOR… Historiquement, il y avait une date butoir en décembre pour soumettre une demande de soutien à la tournée. Alors si vous comptez à rebours à partir de cette date, il fallait commencer à discuter des groupes que l’on souhaitait mettre en vedette l’été suivant dès septembre ou octobre… »

Il y a bien entendu d’autres questions pratiques. Dan Burke, jusqu’à tout récemment, était agent de spectacle pour le regretté Silver Dollar de Toronto — et depuis pour The Horseshoe, Lee’s Palace et The Monarch — ne vous engagera pas si vous êtes surexposés dans le marché. Enfin, peut-être.

« La première chose que je demande aux artistes est : est-ce que votre agenda est libre ? Lorsqu’il s’agit de groupes locaux, il préfère qu’il n’y ait aucun autre spectacle prévu à l’agenda pour les trois semaines qui précèdent et qui suivent le spectacle qu’il “booke”, « à moins que le groupe soit vraiment en pleine explosion de popularité », s’empresse-t-il d’ajouter. Burke ajoute un point important : « Si un groupe promet d’attirer de 50 à 100 personnes, ça n’est probablement qu’une promesse vide. Pourquoi une telle fourchette ? Pour moi c’est immédiatement un signal d’alarme. »

Chacun de cinq experts affirme que le réseautage à plusieurs niveaux est crucial. Et ça ne signifie pas que de communiquer sur les réseaux sociaux avec des communautés de pairs ou une clientèle cible. Ça veut dire sortir de chez soi pour aller à la rencontre des joueurs clés, en personne et aussi souvent que possible. Participer au plus grand nombre de conférences et de vitrines possible peut paraître un investissement d’envergure, mais ça peut aussi être très payant. Depuis quelques années, les « bookers » organisent et se rencontrent régulièrement lors de vitrines comme Contact Ontario, dont le site dit qu’il s’agit ‘d’une opportunité pour les personnes œuvrant dans le domaine des arts de la scène de se réunir pour réseauter et partager leurs informations durant cette conférence de trois jours.’

Il y a de tels événements partout à travers le Canada :

 

Si vous pensiez qu’il existe des raccourcis ou des trucs spéciaux secrets pour vous faire “booker”, il n’y en a pas. Pour réussir dans l’industrie de la musique actuelle, il vous faut des aptitudes sociales et communicationnelles qui n’étaient pas nécessaires auparavant. Écoutez les conseils de Ralph James : « Ne vous laissez pas distraire par le temps que vous consacrez à votre site Web et vos comptes de réseaux sociaux… Il y a tant d’aspects à gérer, tant de dossiers qui doivent être menés de front, que les groupes finissent par oublier que leur priorité numéro un devrait être leurs prestations sur scène et l’écriture de chansons. Il peut sembler qu’il faut 20 heures par jour pour accomplir tout ce qu’il y a à faire, mais, comme il ajoute, ‘le sommeil, c’est pour les humains. »



Rachael Kennedy est l’une des trois membres de l’équipe de création et de production L I O N C H I L D, qui a notamment vu une de ses chansons figurer sur l’album de Britney Spears paru en 2016, qui a participé à la troisième édition du camp de création Kenekt de la SOCAN en 2017, et qui a récemment signé sa première entente d’édition avec Alex Da Kid de Kid in a Korner. Comme c’est toujours le cas, la route a été longue pour en arriver là. Voici comment elle y est parvenue, avec quelques conseils qui pourraient vous être utiles dans votre propre carrière d’auteur-compositeur :

L I O N C H I L D

L I O N C H I L D signe sa première entente d’édition avec Alex Da Kid.

Quand j’avais 14 ans, dans ma chambre à coucher, j’ai écrit ma première chanson et pleuré ma vie. C’est l’une des seules fois de ma vie où je peux affirmer sans l’ombre d’un doute que j’ai vécu une épiphanie : je serais auteure-compositrice pour le reste de mes jours. Ce que je ne savais pas, à ce moment, c’est que ça, c’était la partie facile et que j’étais sur le point d’entreprendre un voyage en dents de scie complètement fou, excitant, incroyable, épuisant et transformant d’une dizaine d’années.

Avant d’aller plus loin, je dois préciser que je n’ai jamais rencontré deux auteurs-compositeurs qui ont la même histoire de parcours, et ce que je veux souligner par là, c’est qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière d’aborder cette industrie musicale complètement folle et en constante évolution. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a beaucoup de gens très talentueux qui tentent aussi leur chance et que la seule chose qui ne sera jamais entièrement sous votre contrôle, c’est votre motivation, alors… DANS L’FOND, MON LÉON !

La période d’hibernation
J’aime décrire la première partie de ce voyage comme une période d’hibernation qui s’est étendue de l’âge de 14 à 17 ans et durant laquelle j’ai canalisé toute mon angoisse adolescente dans l’écriture de chansons, ce que je faisais à la moindre occasion : avant l’école, après l’école, après ces horribles partys du secondaire… Cette étape est très importante, parce qu’elle portait uniquement sur l’art. Je me suis créé un style d’écriture « en ermite » et j’ai développé des instincts qui sont devenus les bases du reste de ma carrière d’auteure-compositrice.

Arrêtez de vous prendre pour un autre : collaborez
Oui, oui, on le sait tous, c’est votre art, personne ne vous comprend vraiment, vous avez un style unique, etc. Grand bien vous fasse, mais si vous souhaitez faire carrière comme auteur-compositeur, tout ça ne vaut pas grand-chose si personne ne vous connaît. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à collaborer avec d’autres artistes que ma carrière a réellement commencé. Lorsque vous collaborez avec d’autres gens, non seulement élargissez-vous vos horizons, mais vous réseautez — vous créez des relations qui vous ouvrent des portes sur d’autres relations qui pourraient devenir des opportunités auxquelles vous n’auriez pas eu accès si vous étiez demeuré dans votre chambre à coucher à écrire des chansons avec pour seule compagnie votre guitare ; rien ne vous empêche de continuer à le faire pour satisfaire votre côté « emo ».

En corollaire, puisqu’il est question de collaboration, je m’en voudrais de ne pas souligner l’importance d’être un bon être humain comme élément clé d’une carrière d’auteur-compositeur couronnée de succès. Si vous êtes un trouduc, ou que travailler avec vous est pénible, ou que votre égo est plus gros que le studio d’enregistrement, personne ne voudra travailler avec vous. Il y a trop de gens talentueux dans cette industrie, et si ce n’est pas agréable d’être en votre présence, il y a plein d’autres auteurs-compositeurs aussi talentueux que vous qui sont plus gentils et avec qui il est plus plaisant de collaborer.

Réseautage
Lorsque j’avais 19 ans, j’ai contacté la SOCAN et j’ai dit « je veux aller à Nashville et écrire des chansons avec des auteurs-compositeurs hallucinants… Par où je commence ? » La SOCAN m’a mis en contact avec son représentant à Nashville, Eddie Schwartz, qui m’a présenté à quelques personnes et m’a expliqué les grandes lignes de la scène nashvilloise. Environ neuf mois plus tard, après plusieurs allers-retours entre Toronto et Nashville pour participer à des séances de création, j’ai décidé qu’il serait bénéfique d’élargir mes horizons vers une autre grande capitale de la musique, Los Angeles. J’ai donc réservé la Maison SOCAN de Nashville pour une semaine et la Maison SOCAN de L.A. la semaine suivante. J’ai fait mes bagages, je suis montée dans ma voiture et j’ai roulé jusqu’à Nashville, où j’ai de nouveau rencontré Eddie, et il m’a dit que puisque je me dirigeais vers L.A., je devrais envoyer mes chansons à Chad Richardson, le directeur du bureau local de la SOCAN.

Chad est devenu mon premier porte-étendard, la première personne qui a vraiment cru que j’avais du potentiel, et il s’est occupé de planifier toutes mes premières séances là-bas. Je suis tombée amoureuse de la ville et de l’énergie qui s’en dégage. De retour à Toronto, j’avais trois emplois entre mes allers-retours afin d’amasser le plus d’argent possible pour pouvoir passer trois mois à L.A. et réseauter avec le plus de gens possible et écrire autant que je le pouvais avant d’obtenir mon visa de travail afin de pouvoir officiellement m’installer là-bas. Une fois de plus, j’ai fait me bagages et roulé jusqu’en Californie, et je me suis mise à réseauter comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je disais oui à tout. Je « bookais » deux sécances d’écriture par jour, j’ai participé à l’atelier d’écriture Lester Sill de l’ASCAP, et c’est là que j’ai rencontré des auteurs-compositeurs nommés aux Grammys et que j’ai bâti des relations que j’entretiens encore aujourd’hui. Je participais à tous les événements de l’industrie, les partys, les spectacles… J’étais partout. Et pendant ce temps, j’ai fait ma demande de visa. Trois mois plus tard, alors que j’étais avec ma sœur dans une épicerie d’une banlieue ontarienne, j’ai appris qu’elle avait été acceptée. Une fois de plus, j’ai pleuré ma vie.

Le saut 
La prochaine étape allait tout changer : je suis déménagée à L.A. À l’époque, quand je disais aux gens que j’allais déménager, tout le monde me disait que c’était immense comme projet, à quel point c’est affolant de déraciner sa vie pour s’installer à l’autre bout du continent. Pour moi, ça semblait parfaitement normal. Je n’ai pas trouvé ça affolant du tout, car je savais en mon tréfonds ce que j’avais à faire et j’étais prête à tout pour réaliser mon rêve. Je crois sincèrement que lorsqu’une passion vous anime et vous donne une direction, rien n’est hors de portée, car tenter de l’atteindre est purement intuitif et complètement naturel.

L I O N C H I L D

L I O N C H I L D avec Latthew Chaim à lédition 2017 du camp de création Kenekt de la SOCAN au Nicaragua.

N’ayez pas peur. Si vous avez peur de l’échec, ce métier n’est pas pour vous. La vie est trop courte et va beaucoup trop vite pour s’empêcher de faire quelque chose parce qu’on a peur de l’échec ou de ce que les gens vont penser de nous. Alors si vous vous lancez, il faut y donner TOUT ce que vous avez.

À L.A., je me suis rapidement liée d’amitié avec ceux qui sont devenus mes meilleurs amis et mes partenaires de création, et nous avons fondé notre boîte de création/production nommée L I O N C H I L D en 2015. Nous avons écrit des centaines de chansons ensemble et sommes même parvenus à en placer une sur l’album de Britney Spears paru en août 2016. Cela ne se serait jamais produit si nous n’avions pas passé des années, séparément et ensemble, à bâtir un réseau de relations qui finirait par nous offrir une telle opportunité. Puis, en 2017, on nous a invités à participer à la troisième édition du camp de création Kenekt de la SOCAN au Nicaragua. Puis, après une année de rencontres avec des éditeurs, il y a environ six semaines, nous avons signé notre première entente d’édition avec Alex Da Kid de Kid in the Korner.

À suivre…
L’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises, c’est que le voyage comportera de nombreuses étapes, et elles seront probablement très différentes de ce que vous aviez imaginé, et c’est très bien comme ça ! Ayez des objectifs et une vision claire de ce que vous voulez, et où vous souhaitez être, mais demeurez ouvert au fait que le chemin pour y arriver pourrait changer en cours de route. Mais par-dessus tout, faites de la musique avec des gens que vous aimez, et profitez des petits plaisirs du métier : déconner en studio, les mauvaises prises de vos démos de voix, la galère, les réunions pas très réussies, les réunions incroyables et tous les gens que vous rencontrerez tout au long de votre route. Car, on va se dire les vraies choses : les auteurs-compositeurs sont les personnes les plus cool de la planète !