Cousins — Aaron Mangle et Leigh Dotey, un duo de guitare et de batterie, originaires d’Halifax —  pourraient bien être le groupe le plus en vogue au Canada. Le duo est en tournée sans interruption depuis les quatre dernières années, présentant ses compositions originales, une musique joyeuse « de garage » à travers le pays et donnant d’innombrables concerts selon leurs propres goûts.

« Nous avons élaboré un plan, » confie le chanteur-auteur-compositeur et guitariste Aaron Mangle. « Dans notre expérience de l’industrie de la musique, nous avons presque tout fait nous-même. C’était moins un choix que, en fait, notre seule option… On se charge de savoir où on va jouer, combien de personnes assistent au concert et comment mettre en valeur notre réputation d’artistes, d’hommes d’affaires et d’amis auprès de nos coéquipiers… Nous savons ce que cela a pris pour nous rendre là et nous en sommes responsables. »

Leur récent album, The Halls Of Wickwire, a été produit par Graham Walsh (de Holy Fuck) et sélectionné pour le Prix de la musique Polaris 2014. Cet automne, ils repartent encore en tournée, cette fois-ci en Europe et au Royaume-Uni avec Chad Vangaalen, et ils reviendront au Canada pour le festival Halifax Pop Explosion avant de travailler à un nouvel album.



Après avoir livré un premier mini-album homonyme en 2012, Philippe Brach s’est mis à accumuler les honneurs. D’abord, grand gagnant de Ma Première Place des Arts en 2013, le jeune homme a par la suite raflé pas moins de trois prix au Festival en Chanson de Petite-Vallée ainsi que celui de la chanson primée SOCAN (pour « T’aurais pas pu nous prendre à deux »). Puis, Brach fut déclaré vainqueur de la dernière édition des Francouvertes.

Une feuille de route impressionnante pour deux ans d’activité : « Les concours ont toujours leur pertinence aujourd’hui même si pour moi, c’est fini de ce côté, lance-t-il d’emblée. Non seulement ça donne une certaine visibilité, mais c’est un méchant bon coup de pied au cul pour écrire d’autres tounes. J’ai une grosse tête de cochon et je sais où je m’en vais, mais ça m’a permis de rencontrer des gens. Et l’échange entre ces gens est le plus beau des prix. C’est une classe de maître avec des artistes à différents stades de leur carrière et c’est du bonbon. J’ai peaufiné ma mécanique de travail et mes réflexes de création et j’ai l’impression de mieux travailler, de faire les choses plus clairement. »

« Je suis plus à l’aise d’explorer des zones sombres, crasses, négatives. »

Brach émet toutefois un bémol : « Mais ce n’est pas pour n’importe qui. J’ai vu des artistes se faire très mal et sortir d’une salle en pleurant et se dévalorisant. L’important avec ces concours, c’est de bien se connaître et de savoir dans quelle direction tu t’en vas. Avec ces munitions, tu peux réussir, aller loin et personne ne te fera chier, » raconte le loquace personnage.

Armé jusqu’aux dents de ces récompenses, le jeune homme de 25 ans faisait paraître La foire et l’ordre en avril dernier, un premier album de folk-rock joyeusement débraillé aux jolies touches country et aux arrangements simples, mais efficaces. Si on pense ici à Bernard Adamus pour l’aspect irrévérencieux des textes, on évoque aussi Pépé pour l’humour omniprésent et Vincent Vallières pour la facture sonore.

« Je n’avais pas de ligne directrice. Je ne voulais pas de disque concept, mais simplement être au service des chansons et non pas de l’album. Et je suis assez content du résultat. C’est croche par bouts mais c’est voulu ainsi. On retrouve quatre ou cinq ans de composition là-dessus. Oui, certaines chansons ne sont vraiment pas de grandes tounes, on va se le dire! Mais c’est bien correct de même! Elles ne sont peut-être pas si accomplies que ça, mais j’avais envie de les jouer sur scène et elles renferment toutes un certain message. Ce disque, c’est une photo d’où j’étais rendu dans ma carrière. J’ai besoin de balises comme ça pour pouvoir tourner la page et ensuite passer à autre chose, » raconte le Saguenéen d’origine et Montréalais d’adoption.

Épaulé par Pierre-Philippe Côté (alias Pilou) à la réalisation depuis son tout premier maxi, Brach se permet d’aborder des sujets délicats (tel que l’Église moderne qui est sévèrement critiqué dans « Race-pape ») avec zèle, sans fioriture ni complaisance. Une plume directe qui mérite qu’on s’y attarde.

« Pour écrire mes chansons, je regarde ce qui m’entoure. Des trucs comme l’amour, la mort, la drogue, la religion, les voyages. Ou alors, je parle de choses que je ne connais pas du tout. Et ça, c’est vraiment intéressant. Chaque être humain a des maux et j’aime transposer mon mal en chanson. C’est un excellent moteur de création et c’est un exercice de compréhension des rouages de l’être humain. J’avoue que je suis plus à l’aise d’explorer des zones sombres, crasses, négatives, » avoue-t-il.

Marqué par la musique d’Harmonium, de Fred Fortin, des Doors et de Frank Zappa, Philippe est également un grand amateur de hip-hop. « J’adore le Wu-Tang Clan et même si on ne retrouve pas de traces de hip-hop sur mon album, l’attitude reste bien présente. Je ne suis pas un gars de texture sonore. Je suis un gars de feeling. L’essentiel est de rester authentique. Je me suis déjà fait dire “hostie de vendu!”, mais ça ne me dérange pas. Tu sais, j’ai des opinions bien arrêtées sur plusieurs sujets, mais j’écoute toujours les autres et je suis ouvert à la possibilité de changer d’idée éventuellement. Je reste quelqu’un de très ouvert, » avance-t-il, un brin amusé.

Alors que Brach foulera les planches d’une poignée de scènes d’ici la fin de l’année, il souhaite essentiellement se concentrer sur l’écriture de son deuxième album. Le but est d’entrer en studio en juin 2015 et faire paraître le nouvel opus en septembre ou octobre. « J’ai l’impression que ce sera plus acoustique, plus assis, peut-être un peu moins fou. J’ai besoin de contrôle et de savoir exactement où je me place. Plusieurs artistes se laissent distraire par des choses extérieures à la musique, mais ce n’est pas mon cas. Je veux mettre de l’ordre, terminer les chansons qui ne sont pas encore terminées. Puis voir le genre de tounes qui me manquent et penser aussi à l’esthétique de l’album. Même si Pilou est un ami à moi, j’ai envie de travailler avec des gens différents à chaque fois. Ça me montre d’autres façons de faire et ça me stimule sur le plan créatif. Ce qui m’intéresse dans ce métier, c’est d’apprendre le plus possible. Avec qui j’aurais envie de travailler? Éric Goulet, Philippe Brault, Philippe B ou Louis-Jean Cormier. J’admire leur boulot. » L’invitation est donc lancée.



Chantal Archambault lançait à l’hiver dernier un petit bijou d’EP intitulé L’amour ou la soif, bouquet de cinq titres enregistrés par la rousse chanteuse originaire de Val-d’Or dans un geste enthousiaste et spontané : « Je suis partie au chalet sans trop me poser de questions, avec presque rien et je suis revenue avec quelques maquettes. Ça sonnait mieux qu’on l’aurait cru, mes musiciens et moi. » Le résultat est en vente sur bandcamp et en spectacle, mais pas en magasin.

Pour son deuxième album, Les élans paru en 2013, elle s’était adjoint les services de son complice Dany Placard à la réalisation. Cette fois, elle joue de tous les instruments, réalise, et s’occupe de la prise de son. Psychoéducatrice de formation, Chantal Archambault n’a pas étudié en musique. Elle évolue dans le métier au fil d’une trajectoire autodidacte : « Je suis une touche-à-tout, j’ai toujours joué de la musique et chanté, mais je lâchais mes cours de solfège car l’approche des professeurs ne me convenait pas. Bref, j’ai appris par moi-même, sans me spécialiser. Ce que je propose musicalement est tout simple, voilà pourquoi j’aime être bien entourée. »

« Il y a quelque chose qui m’interpelle dans la musique country, c’est en moi, c’est moi. »

Lorsqu’on la questionne sur le sens du si joli titre qui coiffe son mini-album, ce choix à faire entre L’amour ou la soif, elle répond : « Ce n’est pas tant de la soif qui donne envie de boire que d’un état d’esprit dont il est question ici. J’ai 33 ans, je ne suis pas venue à la musique au début de la vingtaine comme la plupart des musiciens. Mon premier album, La romance des couteaux, est sorti en 2010. On m’a prédit une trajectoire d’artiste qui se développerait avec le temps, je n’avais pas vraiment d’attentes. Mais après le lancement de mon deuxième album trois ans plus tard, il y a eu un petit creux de vague, les choses ne décollaient pas assez vite à mon goût. J’étais un peu déçue, j’avais investi beaucoup de temps et d’énergie dans cet album. J’étais en état d’attente, comme si j’avais eu soif et que cette soif n’était pas comblée, et je me suis rendue compte que beaucoup de monde autour de moi était aussi dans cet état. Soudainement, j’étais moins dans la gratitude et dans l’appréciation de ce qui m’arrivait alors que ce n’était pas ainsi, jusque là, que j’avais approché la musique. J’ai essayé de replonger dans l’état où j’étais avant : faire les choses pour les bonnes raisons, cultiver l’amour, me grounder. Comme société, on est beaucoup dans la quête d’avoir plus. Ça manque d’amour tout ça, on n’est jamais rassasié. D’où la métaphore de la soif. »

Et pour combler la faim, il y a le boulot de psychoéducatrice. L’auteure-compositrice-interprète a su trouver un bel équilibre entre sa vie d’artiste et un mode de vie plus humble. « Je ne suis pas quelqu’un qui vit nécessairement bien avec le fait d’avoir toujours toute l’attention sur moi. Je trouve ça un peu étrange et démesuré en regard de la reconnaissance qu’on porte à des gens dont le métier est de sauver des vies. J’ai trouvé du boulot dans une garderie qui m’engage pour accompagner des enfants à besoins particuliers. C’est moi qui fait mon horaire, c’est super compatible avec ma vie d’artiste. Ça me permet d’avoir une place où je ne suis pas centrée sur moi. Je côtoie plein de gens, j’offre même de petits ateliers de musique… J’ai besoin de cet équilibre et je peux dire que j’ai vraiment trouvé mon point G de carrière! » Chantal Archambault éclate d’un beau rire ensoleillé. Généreuse en entrevue, loquace et sensible.

La scène folk-country nous a donné ces dernières années quelques nouveaux venus très enthousiasmants, nouvelles venues devrions-nous peut-être écrire : Lisa LeBlanc, Les Hay Babies, Les sœurs Boulay, pour ne citer que trois noms. Comment voit-elle sa filiation musicale? Dans une descendance ralliant Renée Martel (qui reprend « La barque »  de Chantal Archambault sur l’album Une femme libre) et Mara Tremblay? « J’ai toujours écouté beaucoup de musique de filles. J’étais groupie de Tori Amos au secondaire, j’aimais Sinead O’Connor et Alanis Morissette. Pour ce qui est de l’influence folk-country, ma mère écoutait Johnny Cash lorsqu’elle était enceinte de moi. C’était son chanteur préféré et il paraît qu’avant même de marcher et de parler, je réagissais à sa musique! Il y a quelque chose qui m’interpelle dans la musique country, c’est en moi, c’est moi. Ces dernières années j’écoute Eleni Mandell, Lucinda Williams… »

Sur L’amour ou la soif, Chantal Archambault s’est permis une petite fantaisie : l’intégration d’un interlude musical capté dans une église du Costa Rica où une dizaine de femmes s’étaient rassemblées pour chanter, en laissant les portes grand ouvertes. « En voyageant, j’ai constaté à quel point la musique est présente et intégrée au quotidien dans certains pays du monde. Ça se vit, la musique, là-bas. On en fait une expérience collective riche. » Et c’est toute l’ivresse que l’on se souhaite.