La vie d’influenceur TikTok est « hot »… jusqu’à ce qu’elle devienne vide de sens. Le nombre grandissant d’abonnés et l’adulation sont titillants, tout comme la rencontre d’autres créateurs et influenceurs et de trouver des opportunités de promouvoir le travail d’autres musiciens. Mais après avoir passé des années sur la page For You et avoir acquis 800 000 abonnés et près de 25 millions de « Likes », le rappeur canado-soudanais Shareef a fini par arriver à une conclusion : « Je faisais des vidéos pour les chansons des autres alors que ça aurait pu être mes chansons. »
Voilà donc qu’il a fait un saut que bon nombre d’influenceurs souhaiteraient faire, mais que peu font : l’influenceur est devenu musicien.
Sa carrière musicale officielle a commencé il y a un mois après avoir été mis sous contrat par Universal Music Canada à l’été 2023 et avoir lancé son irrévérencieux premier simple, « OMG! (freestyle) » en février 2024, mais en réalité, elle a commencé il y a cinq ans. C’est avec des amis dans le studio d’un ami d’un ami que Shareef a immortalisé ses premières mesures.
« On a fini une “track” cette journée-là et c’était super hype! » raconte-t-il. « Les autres sont partis et je me suis retrouvé seul. J’étais encore plein de l’énergie de la chanson. On “vibait” en studio, mesure par mesure. J’avais aucune idée de ce que j’allais dire la mesure suivante. Je disais ce qui me passait par la tête. »
Shareef est un acolyte du freestyle. Débiter des raps à toute vitesse est un talent qu’il aiguise depuis l’époque des cercles de freestyle après l’école dans sa jeunesse. Les libres associations du genre impliquent une spontanéité que même lui ne peut prédire. Une des lignes clés qui fait partie du « hook de “OMG” est “Oh my God, oh my God, where the fuck is the vape?” et elle est arrivée presque comme un blague alors qu’il cherchait sa vapoteuse alors qu’il était en studio avec le producteur Marow et qu’il continuait à freestyler entre chaque prise.
« Il m’a dit “Bro, dit ça!” », raconte Shareef. « » J’étais comme « OK » et boom, on « punch in », je dis la ligne, mais je n’ai jamais entendu le morceau au complet avant qu’il ne soit fini. »
Lorsqu’il a eu l’occasion de la réécouter, il a su que ce serait la première chanson qu’il lancerait. Shareef et ses amis aimaient la pièce, mais pour savoir à quel point elle était bonne, ils avaient besoin d’une opinion indépendante. En 2021, alors qu’il allait d’un party à l’autre à l’Université de Toronto, l’un des amis de Shareef connaissait le DJ dans une de ces soirées et lui a envoyé la chanson pour qu’il la fasse jouer.
« On l’a fait jouer à ce party et les gars sont devenus complètement fous », se souvient Shareef. « La vibe était juste malade et c’est comme ça que j’ai su que je tenais quelque chose de bon. »
Trois ans plus tard, la chanson qu’ils ont jouée ce soir-là est la même qu’on entend sur Spotify, et le freestyle de Shareef est plus aiguisé que jamais. Durant cette période, Shareef a enregistré une pléthore de chansons pour continuer à parfaire son art, mais elles ne seront jamais publiées. Il insiste sur le fait qu’elles sont enfermées dans un coffre-fort afin de laisser la place à ses prochaines parutions « complètement malades » dont le fil d’Ariane demeure le freestyle, le paradigme dans lequel Shareef forge ses chansons.
Cela ne l’a pas empêché de bonifier son offre. Les lignes qui ont la chance de retenir son attention atterrissent dans un carnet de notes de futurs freestyles et il choisit ses sujets à chaud. Mais à travers tout ça, Shareef s’en tient à une approche ouverte.
« Je trouve que c’est quand je freestyle que le résultat est le meilleur parce que je ne sais pas ce que je vais dire jusqu’au moment où je le dis », avoue-t-il. « si je voulais mettre plus d’efforts sur l’écriture, je pourrais, mais j’aime pas prendre les choses trop au sérieux parce que c’est dans ce temps-là que j’ai l’impression de forcer les choses. »
Au lieu d’écrire, Shareef écoute. Il a d’abord écouté ses inspirations, XXXTentacion et Juice Wrld, mais une personne a fini par prendre le dessus avec ses freestyles de cour d’école : lui-même et ses rimes de plus en plus aiguisés.
« J’ai comme arrêté d’écouter d’autre musique et d’autres artistes, c’est juste moi pour l’instant », dit-il. « J’essaie de parfaire mon art, alors je me concentre à écouter ce que je fais pour vraiment l’intégrer à fond. »