Normalement, la musique de club n’est pas celle qui nous raconte une histoire avec des mots. Elle ne nous entretient pas durant plusieurs minutes avec un concept musical qui outrepasse le seul besoin de danser. Or, Robert Robert mise sur la rareté. Son premier album Hoodie bleu ultra nous transporte du début à la fin d’une soirée enivrée par l’alcool et ponctuée par les trajets de Uber de party en party.

Robert Robert« La musique de club existe aussi dans le contexte où elle est jouée », croit Arthur Gaumont-Marchand, alias Robert Robert. Les rythmes sur lesquels on danse nous emportent souvent dans des circonstances alcoolisées, à travers les lumières sporadiques qui découpent la noirceur avec parcimonie. Ce n’est pas une musique que l’on prend le temps de comprendre. Et pourtant…

« Les gens que tu rencontres durant une soirée comme celle-là sont importants, dit Arthur. Ils font partie de la musique de club. Si comme moi, tu vis dans les clubs depuis longtemps, toutes tes histoires prennent racine dans cette musique. Les clubs, c’est là où tu as trouvé tes meilleurs amis, tes passions, les gens qui partagent ta vie. » D’où la nécessité, pour lui, de mettre des mots pour raconter tout ce qui se passe derrière la cacophonie des soirs de danse.

Une histoire, une aventure, une expérience. C’est ce que Robert Robert souhaite décliner en musique rythmée, vouée à la danse. Après deux EPs et un deux titres sorti à la fin de 2019, le compositeur, producteur et chanteur était prêt pour sa propre histoire, exprimée en huit pièces.

« Mon ami m’avait raconté une deuxième date qui n’avait pas eu lieu parce que la fille n’était pas venue. Et elle était partie, auparavant, avec son hoodie bleu. J’avais un enregistrement de ça sur mon téléphone. Le feeling de quelqu’un qui te raconte sa soirée, c’est vraiment quelque chose que j’aime. De passer à travers toutes ses rencontres et ses déplacements, je trouvais que ça expliquait bien mon univers. » C’est ainsi que, même si c’est peu commun comme proposition, Arthur a décidé de donner une histoire aux rythmes qui le définissent depuis si longtemps.

Même s’il figure parmi les favoris des scènes électros chez nous, son talent se déploie allègrement en France, là où se trouve d’ailleurs sa maison de disques (Nowadays Records). « Beaucoup de personnes en France font de la musique comme la mienne », soutient Arthur, persuadé que son projet se fond davantage dans le décor de l’autre côté de l’Atlantique. « Le rapport à la musique électro est différent là-bas, dit-il. Avec mon album, je voulais faire quelque chose qui est plus proche d’où je viens. J’aimerais être capable de me dire que je participe à la musique de chez moi. » En posant sa voix sur ses rythmes dansants, il a l’impression d’injecter une part d’identité dans la recette. Ses mots le ramènent en quelque sorte à la maison.

En collaborant avec des artistes canadiens ou en s’intéressant à leurs projets, il s’est rendu compte que ses idées n’étaient peut-être pas si loin de ce qui se passe ici. « J’aime beaucoup Lydia Képinski, Les Louanges, par exemple. Je me suis posé la question ²est-ce que c’est possible pour moi de proposer quelque chose que j’aime, mais avec ces gens-là ?² Et la réponse, c’est que, oui, ça se peut », lance-t-il.

« J’ai commencé en 2014 à faire des trucs avec ma voix, mais pour moi, chanter, c’est un nouveau métier. C’est tellement différent que de juste produire des tracks. En mettant de plus en plus de vocals au fil des années, j’ai pris confiance pour amener ça jusqu’à ce projet. » Arthur croit que le fait d’ajouter une voix est « pénalisant », mais il tenait à le faire quand même afin de respecter son désir d’insuffler un propos. « Avec des mots, tu peux mieux imager quelque chose. Par contre, si tu chantes avec une voix masculine par exemple, les gens imaginent la personne, le gars. Ça se peut que tu ne te reconnaisses plus. La track prend vraiment un sens différent. Mais, c’est ce que j’aime dans le fait d’ajouter des mots à de la musique de bars. Ça permet d’être plus émotif dans quelque chose de plus froid. »

Alors que sa musique se disperse normalement dans des foules denses où les gens sont toujours un peu plus près de lui et des autres, Robert Robert devra, comme nous, vivre les prochains mois à distance. Mais la distance revêt un tout autre sens quand elle t’empêche de faire vivre ta musique comme elle se doit. « C’est sûr que j’ai hâte de recommencer, mais il y a toujours une façon de profiter de cette musique-là, croit-il. Elle peut exister chez toi, dans une fête, dehors. Elle peut exister partout. »