renforshort (sic), l’artiste torontoise auparavant connue sous le nom de Ren, s’apprêtait à lancer son EP teenage angst sur étiquette Interscope/Geffen lorsque le monde tel qu’on le connaissait a soudainement changé du jour au lendemain. Ses vitrines prévues en mars à Toronto, New York et Los Angeles ont été reportées dans la vague des mesures prises afin d’aplanir la courbe de transmission du coronavirus. Cette jeune de 17 ans parle en notre nom à tous lorsqu’elle dit de la période que nous traversons tous que « ce n’est pas amusant ».

La jeune chanteuse, bassiste et guitariste qui, pendant de nombreuses années, mettait en ligne ses réinterprétations de chansons connues sous son vrai nom, Lauren Isenberg, a même remporté un concours en chantant un chant traditionnel chinois, « Mo Li Hua », en mandarin. En 2019, deux de ses chansons originales parues sous le pseudo Ren ont accumulé plus de cinq millions d’écoutes, soit « Waves » le ver d’oreille « Mind Games ».

C’est après avoir rencontré le producteur Jeff Hazin en 2016 que son « son » a commencé à prendre forme tandis qu’elle laissait derrière elle « sa pop de chambre » — qu’elle semble maintenant considérer totalement ennuyeux et sans imagination — pour se tourner vers une pop frondeuse qui n’est pas sans rappeler Billie Eilish. Son approche pour l’écriture de ses textes est sans filtres et ses strophes semblent provenir directement de la série Netflix The End of The F___ing World, mais sans musique.

« Sometimes I wanna stick a cigarette in my eyes » (parfois, j’ai envie de m’écraser une cigarette dans l’œil), chante-t-elle sur « I Drive Me Mad », tandis que sur « idc », elle avoue « Right now all I wanna do is choke you till your face turns blue » (Là, maintenant, j’ai envie de t’étrangler jusqu’à ce que ton visage devienne bleu). Qui n’a jamais eu de telles pensées, voire même les dires à voix haute ? Mais renforshort, elle, les chante, pour la postérité.

Ses collaborateurs aux textes « adorent ça, ils en redemandent, c’est ce qu’ils recherchent », avoue-t-elle en riant.

Bien que teenage angst ait d’autres collaborateurs, les principaux sont, depuis 2016, Hazin, Matthew Kahane et David Charles Fischer.

« À mesure que je vieillissais, Jeff et moi expérimentions jusqu’à ce qu’on trouve ce qu’on cherchait. Il nous a fallu pas mal de temps », dit Ren. « Les productions de Jeff sont très aventureuses et chaque fois que j’arrive avec un texte qui est trop osé, ou que je crois trop osé, on finit toujours par se dire que c’est le meilleur truc qu’on a jamais entendu », dit-elle encore en riant. « On est tous un peu tordus. »

« C’est un peu comme des frères, mais ce sont avant tout des amis. On oublie notre différence d’âge quand on est tous ensemble. Je n’ai pas l’impression d’être avec un groupe de gars dans la mi — ou fin vingtaine. On est tous passés par l’école secondaire et ils comprennent d’où je viens. Ça facilite nos conversations et nos séances d’écriture. »

« On aime chacune de nos chansons plus que la précédente. »

Ren a écrit sa première chanson à l’âge de 13 ans, « Hopeless Town », produite par Nathan Ferraro, à l’époque connu sous le nom de Midway State, avant de travailler sur trois pièces originales avec le producteur Justin Gray à L.A. Ses premières chansons, avant l’apparition de renforshort, ne faisaient pas étalage de certains aspects de sa personnalité — son doute, son humour, sa langue acérée, sa confusion — et de ce que c’est que de grandir dans un monde où les réseaux sociaux et leur culture du « Like » sont au centre de l’univers.

« Je partais d’expériences personnelles, mais je les gonflais hors de proportion ou je jouais un personnage », dit-elle au sujet de cette époque. « Je n’avais rien vécu d’extraordinaire au chapitre des relations amoureuses dans ma courte vie. »

Sur Teenage Angst se trouve la plutôt agressive « Luv Is Stooopid » qui ravage un amoureux potentiel pour avoir même considéré penser à ces trois petits mots, et plusieurs autres morceaux du projet révèlent ses insécurités. Dans « Bummer », elle écrit « Looking in the mirror/My reflection got me triggered. . . I can’t hear the compliments/Just feeling shitty. . . Will it always be a bummer? » (librement : Je me regarde dans le miroir/Mon reflet déclenche quelque chose… Je n’arrive pas à entendre les compliments/Je me sens comme une merde… Est-ce que ce sera toujours aussi difficile ? ») Dans « I Drive Me Mad », elle raconte une crise d’anxiété accompagnée d’un épisode d’hyperventilation. « C’est pas facile d’être humain », chante-t-elle.

Faire preuve d’autant d’honnêteté est nouveau pour elle. « Il a fallu que je vive cette crise d’anxiété en studio – et ils ne pensaient pas que j’arriverais à écrire une chanson ce jour-là, pour que je comprenne qu’écrire des trucs plus personnels me fait du bien », avoue-t-elle. « C’est vrai et honnête. C’est là que j’ai commencé à écrire des trucs plus personnels comme ça. Je ne pensais pas arriver à écrire une chanson ce jour-là moi non plus, mais au final, ç’a fonctionné et ç’a ouvert un tout nouveau pan de créativité musicale pour moi. »

Elle louange Hazin, Kahane et Fischer de l’avoir aidée à traverser les moments où elle avait de la difficulté à écrire « parce que je me sentais comme une vidange ». Elle dit des trois hommes qu’ils sont très drôles et que « passer du temps avec eux, c’est pratiquement rigoler sans arrêt. Ils sont bourrés de talent et ne s’en rendent pas compte. »

Ren se rend-elle compte de son propre talent ? « Pas tout le temps », avoue-t-elle. « Tout le monde doute de lui-même. Si vous n’avez aucun doute à votre sujet, vous ne pouvez pas vous améliorer, puisque vous croyez que tout est déjà parfait. Je pense que c’est une bonne chose de douter. »

Ren n’a toutefois aucun doute sur la qualité des 7 pièces sur Teenage Angst. « Je ne pourrais pas être plus heureuse du travail qu’on a accompli, mais on ne sait jamais si on va y arriver », dit-elle. « On continue d’être aventureux dans notre son, et on va continuer à l’être encore longtemps. Ça nous a permis d’arriver où nous en sommes, et on aime chacune de nos chansons plus que la précédente. »