De ses débuts intimes au Café Sarajevo à ses récentes tournées mondiales, Patrick Watson a toujours conservé une liberté d’esprit lui permettant de bâtir des ponts entre les cultures francophone et anglophone du Québec.

Les murs du Café Sarajevo, à Montréal, avaient beau être faits de pierres, on les savait habités d’une âme particulière. Pendant des années, ils avaient vibré au rythme de la vie bohème des clients de l’endroit. Ces roches avaient entendu des groupes swing manouche, de la poésie et même des cris de joie lors de la chute du président serbe Slobodan Milosevic. Mais en cette soirée d’hiver de l’an 2003, c’est un jeune à casquette qui leur poussait la note en s’accompagnant au piano.

Le défunt bar situé sur la rue Clark, au sud de Sherbrooke, était bondé pour le concert intime de Patrick Watson, un habitué de la place. Watson venait de sortir son deuxième album, Just Another Ordinary Day. On commençait à peine à mesurer l’étendue de son potentiel musical.

Treize ans plus tard, le Montréalais a fait le tour du monde grâce à ses quatre parutions suivantes, dont la dernière, Love Songs for Robots, lancée en mai 2015. Atmosphérique et raffiné, le disque vous élève au-dessus de la mêlée. Les accords de piano, les rythmes plus électro et la voix planante de Patrick Watson y tracent les lignes d’un paysage musical enveloppant.

« Au fond, mon approche de la musique n’a pas vraiment changé », analyse le chanteur. « Le Sarajevo était un endroit pour devenir fou et s’amuser. À l’époque, je cherchais encore ce que je voulais faire avec mes compositions. Je ne savais même pas si je voulais vraiment chanter ou simplement garder mes pièces instrumentales. C’est la même chose aujourd’hui. Je me demande toujours quelle direction prendra ma musique. »

« On n’a pas besoin de mettre des chapeaux de couleur rouge ou bleu sur la tête des gens. Je trouve ça imbécile. Diviser les francophones et les anglophones ne sert à rien. »

Juste avant notre entretien, Patrick Watson avait passé plusieurs heures à composer de la musique classique pour quatuor à cordes. « Est-ce que je vais m’en servir pour un disque ou une musique de film? Je l’ignore. L’important est de constamment progresser en tant que compositeur », explique celui qui signe une trame sonore par année. L’an dernier, c’était pour le film The 9th Life of Louis Drax, une coproduction canado-britannique à paraître en 2016. « La semaine prochaine, je pars pour la Californie pour développer un autre projet de film. C’est ce que j’aime de ma carrière. Je ne ressens pas le besoin d’être nécessairement Patrick Watson l’auteur-compositeur-interprète. Être simplement musicien me convient parfaitement. »

Patrick WatsonCe refus des étiquettes caractérise bien la mentalité de Watson qui n’est ni anglo, ni franco, mais Québécois. Le compositeur né aux États-Unis a rapidement bâti des ponts avec la culture d’ici, grâce à des collaborations avec Karkwa, Marie-Pierre Arthur et Lhasa. « Lorsque ma famille est arrivée à Hudson, j’ai décidé de fréquenter une école primaire francophone. Malgré la barrière de la langue, je me suis immédiatement reconnu dans la joie de vivre et l’ouverture d’esprit très présentes dans la culture francophone. Ça me parlait dès mon jeune âge. D’ailleurs, toutes mes blondes ont été des francophones », observe Patrick avec un sourire en coin. « C’est un signe! »

L’aspect plus politique de la relation franco-anglo ne l’intéresse pas, comme si l’humain passait devant toutes allégeances. « On n’a pas besoin de mettre des chapeaux de couleur rouge ou bleu sur la tête des gens. Je trouve ça imbécile. Diviser les francophones et les anglophones ne sert à rien. Le message voulant que tu n’aies pas ta place au Québec si tu ne parles pas français est négatif et ne ressemble en rien à la vraie nature des francophones. Au fond, pour convaincre les anglos d’apprendre le français, il faut leur expliquer que s’ils passent à côté de la culture francophone, ils passent à côté de super belles filles et d’une façon de vivre bien plus vibrante et décontracté! On peut être fier de sa culture sans diviser et rabattre les autres. »

Du même souffle, Watson confirme que cette fierté a toutefois permis au Québec de faire évoluer sa culture. « Les Québécois ont un amour particulier pour la musique produite au Québec, et tous les musiciens d’ici en profitent, même ceux qui chantent en anglais comme moi. Pour les artistes québécois, c’est un gros luxe d’avoir cet appui de la population qui s’intéresse à ses créateurs. Partout ailleurs, tu sembles en compétition contre la terre entière. On ne sent pas cette compétition ici. »

Selon le chanteur, il est beaucoup plus facile pour un musicien montréalais d’être célèbre au Québec, que pour un artiste torontois d’être connu en Ontario. « Beaucoup d’artistes qui arrivent à vivre de leur art au Québec n’y arriveraient pas ailleurs dans le monde. Je ne dis pas ça parce qu’ils ne sont pas bons, mais parce que leur musique n’a rien à voir avec les courants pop commerciaux. C’est une immense richesse culturelle », commente le musicien qui poursuit sa tournée hiver-printemps 2016 avec des concerts prévus à Laval, Québec, Rosemère, Trois-Rivières et Chicoutimi, entre autres.

« Quand je parlais d’ouverture d’esprit, l’exemple est parfait: je peux débarquer dans une plus petite ville 100% francophone et quand même recevoir une énorme dose d’amour. Pour un artiste qui chante en anglais, c’est une chance incroyable! »

 



Tout est une question de connexion.

Lorsque la SOCAN a mis sur pied la première édition de son camp de création Kenekt en septembre 2015 aux Shobac Cottages, en Nouvelle-Écosse, le principe était tout simple : permettre à des créateurs à des producteurs de créer des liens créatifs et, en fin de compte, à créer des œuvres qui puissent toucher un vaste auditoire. Ce mandat a été atteint et les liens personnels créés à cette occasion semblent voués à porter leurs fruits dans la carrière des participants.

Nos collègues de Words & Music ont voulu savoir, ce que Sophie Rose, Levi Randall ainsi que Young Wolf Hatchlings ont pensé de leur expérience et des chansons qui en sont issues, dans leurs propres mots.

SOPHIE ROSE

Sophie RoseSophie Rose (à gauche) est une captivante auteure-compositrice-interprète d’à peine 16 ans et la création musicale est sa seule priorité depuis deux ans, moment où elle a signé une entente d’édition conjointe avec Prescription Songs et la très réputée auteure-compositrice Ester Dean. Prescription Songs a depuis proposé les chansons de Sophie issues de son passage au camp à des artistes telles que Rihanna, Selena Gomez, Ellie Goulding, Pia Mia et Hailee Steinfeld. Depuis qu’elle a signé cette entente d’édition, une des chansons de Sophie, « Friends Forever », une pièce qu’elle aproduite elle-même, a été entendue dans une publicité nationale pour la campagne Stand Up To Cancer de MasterCard. On lui a par la suite demandé d’écrire une chanson thème pour la télésérie Guidance produite par Awesomeness TV, et sa pièce « Attention » a reçu un accueil plus que favorable.

Pour Sophie, la chance de participer à Kenekt a semblé venir de nulle part. « J’ai rencontré Chad Richardson [le directeur du bureau de la SOCAN à Los Angeles et idéateur et organisateur de Kenekt] et il m’a invité à participer au camp », explique la jeune artiste. « D’instinct, ma première réaction a été “la Nouvelle-Écosse, c’est trop loin, je ne vais pas là.” Mais Chad m’a dit, “je te promets que ça va changer ta vie si tu y participes”. Je ne pouvais pas refuser. Et ça a bel et bien changé ma vie. »

Sophie Rose avait déjà participé à un camp de création à Los Angeles, mais, dit-elle, « ce n’était que deux jours en studio. Ça n’a rien à voir avec le fait de se rendre ailleurs, dans un environnement pareil. »

L’environnement naturel à couper le souffle où se déroulait le camp Kenekt et l’approche collaborative du camp de création ont certainement inspiré Sophie. « Je n’avais pas d’idées précises quand je suis arrivée là-bas, mais l’endroit m’a incroyablement inspirée », dit-elle. « Chaque soir, lorsque venait le moment de jouer la chanson que nous avions créée ce jour-là aux autres participants, j’avais déjà une tonne d’idées pour le lendemain. »

« Je crois vraiment que les meilleures chansons sont le fruit d’un travail d’équipe et que la même énergie anime tous ses créateurs. C’est comme ça que ça se passait au camp, tous les jours. » – Sophie Rose

La formule interactive lui plaisait d’ailleurs beaucoup. « C’est tellement fréquent, à L.A., d’écrire une chanson, de l’envoyer à un producteur, et la réponse n’est pas du tout le genre d’expérience que vous espériez », raconte Sophie. « Je crois vraiment que les meilleures chansons sont le fruit d’un travail d’équipe et que la même énergie anime tous ses créateurs. C’est comme ça que ça se passait au camp, tous les jours. »

Elle cite en exemple la création de la chanson « Take My Breath ». « J’ai eu l’idée d’un couplet tard la nuit précédente. Je l’ai enregistrée sur mon téléphone et je l’ai fait écouter aux autres le lendemain. Nous sommes partis de cette idée et le reste de la chanson a été le fruit d’un véritable effort de collaboration. Je l’ai écrite avec Michael Bernard Fitzgerald et Dave Thomson, nous étions tous confortablement installés sur un divan et nous échangions des idées et des titres. Lorsque je l’ai joué aux autres le soir venu, Chad s’est écrié “Ça, c’est un hit. Envoie ça à ton éditeur tout de suite?!” Je l’ai envoyée et ils m’ont répondu immédiatement qu’ils l’adoraient. Ils l’ont envoyé à une tonne de gens dans l’espoir d’un placement. »

Sophie Rose fonde également beaucoup d’espoir sur une autre de ses créations issues du camp : « Hands High ». « Le processus de création de cette chanson est un de mes plus beaux souvenirs du camp », se remémore-t-elle. « Je l’ai écrite avec Fredro et David Myles. On n’est partis de rien, personne n’est arrivé avec une idée de départ. Fredro a construit ce rythme vraiment fou et nous avons bâti le reste de la chanson autour de son “beat”, aucun autre instrument. »

La chimie créatrice entre David et Sophie s’est poursuivie après le camp. « Quelques semaines plus tard, David participait à une vitrine ici à L.A., au Capitol Building », poursuit-elle. « Chad, moi, et nos mamans sommes allés ensemble, et le jour suivant, David m’a rendu visite et nous avons créé une nouvelle chanson. » Depuis le camp, Sophie a également collaboré avec Fredo, Levi Randall, Heather Longstaffe, ainsi que Young Wolf Hatchlings. « Lorsque les gars de YWH sont venus à L.A. après le camp, j’ai commencé à travailler sur une nouvelle chanson avec eux et une autre artiste avec qui je collabore parfois, Jackie Young. »

LEVI RANDALL (VACAY)

Levi RandallParmi les autres participants au camp Kenekt se trouvait également l’auteur-compositeur et acteur torontois Levi Randall (à gauche) qui utilise actuellement le nom de scène de Vacay. Il a auparavant été le chanteur de Cardinals et The Juliets, des groupes pop rock ayant connu un certain degré de popularité et qui ont effectué des tournées d’un bout à l’autre du pays.

Levi a décidé de tenter sa chance en tant qu’artiste solo et il croit lui aussi que le camp Kenekt a « changé sa vie ». « Ce fut une des plus belles semaines de ma vie et une des expériences les plus formatrices de ma carrière », affirme l’artiste. « Je ne pourrai jamais assez remercier Chad et la SOCAN de m’avoir donné une chance. »

Deux des chansons qu’il a coécrites lors du camp se retrouveront sur son prochain EP à paraître à l’été 2016. « Shaky Hands » a été coécrite avec David Thomson et David Myles, tandis que « The Other Side » a été écrite par Carole Facal (Caracol) et Drew Scott. « Ces deux chansons correspondent vraiment à la direction que je veux prendre », poursuit-il. « J’ai déjà enregistré les deux pièces, et j’ai demandé à Drew et Carole de chanter des chœurs pour “The Other Side”. »

Les trois autres pièces du EP signé Vacay seront des compositions solo originales. « Quand on travaille seul, on peut accorder autant de temps qu’on veut à une chanson, explique Levi Randall, mais j’ai également les collaborations, car cela permet d’avoir une perspective différente sur la musique et les paroles. »

« Le camp de création Kenekt fut une des plus belles semaines de ma vie et une des expériences les plus formatrices de ma carrière » – Levi Randall



Dans son cas, sa présence de plus en plus fréquente en tant qu’acteur à la télé lui permettra d’attirer l’attention sur sa musique. On a pu le voir dans la populaire série télé The Next Step et il a également décroché un premier rôle dans la série Lost & Found Music Studios qui s’articule autour du monde de la musique. La série a été présentée au Canada sur Family Channel et sera disponible mondialement via Netflix dès mai 2016. « Ce sera une excellente vitrine », croit Levi Randall. « J’espère surtout que les fans de l’émission s’intéresseront à ma musique. Je suis fier de cette série, mais je crois qu’il est mieux que je garde une certaine distance entre mon métier d’acteur et celui de musicien, c’est pour ça que j’ai choisi le pseudo de Vacay. »

Depuis son passage à Kenekt, Levi Randall a de nouveau collaboré avec Drew Scott ainsi qu’avec Ash Koley. « J’ai appris tant de choses au camp », raconte-t-il. « Lorsque j’écrivais en compagnie de Anjulie [Persaud], il m’a appris a laisser paraître un peu de vulnérabilité dans mes paroles. C’est facile de se prendre au jeu de vouloir être cool, et il m’a appris que c’est cool d’être vulnérable. On ne fait pas de la musique pour être cool, mais pour établir une connexion avec les gens. »

Levi précise : « je suis avant tout un musicien. J’ai le jeu d’acteur, mais pas avec autant de passion que la musique. Pour moi, c’est un tremplin vers ce que je désire plus que tout : écrire des chansons qui touchent les gens. » Et si ces chansons sont chantées par d’autres, cela ne lui cause aucun souci. « La majorité des pièces que j’ai coécrites au camp ne correspondent pas à ce que je fais en ce moment, alors ça me ferait vraiment plaisir si d’autres les chantaient », avoue-t-il.

YOUNG WOLF HATCHLINGS

Young Wolf Hatchlings, Jarrel Young, YWHYoung Wolf Hatchlings a aussi connu un certain degré de notoriété avant de participer au camp. Ce duo torontois d’auteurs-compositeurs-producteurs composé de Jarrel Young (à gauche) et Waqaas Hashmi ont connu un immense succès en 2015 alors que le simple « Uma Thurman » qu’ils ont coécrit avec le groupe américain Fall Out Boy a été certifié double Platine. Young Wolf Hatchlings a également été finaliste au MuchMusic Video Awards pour sa chanson « You Lovely You », un simple qui avait été lancé par Universal Canada.

Malgré cela, pour YWH, le camp Kenekt était une première expérience du genre, et Jarrel Young affirme que ce fut une des meilleures expériences de sa vie. « C’est un environnement super amical, mais également un peu compétitif », explique-t-il. « Chaque soir, on se réunissait et tout le monde jouait ce qu’ils avaient composé cette journée-là. Nous étions sans doute les producteurs les moins expérimentés du camp, et nous voulions bien paraître devant tous ces gens. Chaque jour, nous tentions de nous surpasser. »

Jarrel Young aussi mentionne l’environnement naturel du camp comme source d’inspiration, en plus du fait que « tout ce que nous avions à faire, c’était de créer du matin au soir… Et ce que j’en ai retiré de plus important, c’était la confiance de savoir que nous sommes capables de nous surpasser encore plus que nous le croyions. » Cette atmosphère axée sur la collaboration a vraiment plu à Jarrel Young et Waqaas Hashmi. « J’aime particulièrement travailler avec d’autres artistes en personne, dans la même pièce, réaliser des trucs ensembles », d’expliquer Young. « C’est dans de telles circonstances que nous avons eu le plus de succès et nous avons tenté de reproduire l’expérience après le camp également. »

« Tout ce que nous avions à faire, c’était de créer du matin au soir. » – Jarrel Young de Young Wolf Hatchlings

Concrètement, YWH est reparti du camp avec trois pièces solides. « Where Ever You Are » a été coécrite avec Caracol et Sophie Rose. « Nous avons tenté de la placer un peu partout », explique Young. « Nous sommes convaincus qu’elle pourra être utilisée à bon escient?; c’est une excellente chanson avec un message positif. » « 91 Days » a quant à elle été créée en compagnie de David Myles et Anjulie Persaud et Young croit qu’« elle se retrouvera sans aucun doute sur le EP qui suivra celui que nous prévoyons lancer au printemps 2016. Cette chanson a une énergie incomparable. » La troisième co-création s’intitule « Stay True » et est le fruit du travail avec Michael Bernard Fitzgerald et Ash Koley et elle sera lancée sur étiquette Ultra. « Celle-là est sortie toute seule », se remémore Young. « Michael rappe sur la chanson, même s’il est avant tout un chanteur folk. »

Young Wolf Hatchlings a également collaboré avec Sophie Rose dans la foulée du camp. « Nous sommes vraiment excités par ces chansons », poursuit le jeune producteur. « Sophie est incroyablement mature et c’était vraiment chouette d’être dans un tel environnement et de pouvoir observer comment elle travaille.

À mon avis, les chansons issues du camp ont aidé à donner un élan à notre carrière, dans la mesure où nous en avons retiré des chansons qui ont un potentiel commercial élargi. Pour des producteurs EDM comme nous, ça a ouvert beaucoup de portes. Pas seulement pour notre carrière, mais pour nous en tant que personne — ça permet de démontrer qu’on est capables de sortir des limites de l’EDM et de faire de la musique qui peut plaire à un vaste auditoire. »

Visiblement, les chansons et les liens créatifs qui ont été créés lors du Kenekt Song Camp porteront des fruits pour de nombreuses années à venir. À suivre?!



On peut qualifier le processus créatif de Simon Kingsbury de gestation lente.

Simon KingsburyDe ses premiers souffles au sein du groupe indé-folk-prog Lac Estion – avec trois albums sous la cravate : EP (2008), Affranchi (2009) et XXIe siècle  (2010) – jusqu’à son accomplissement solo, le temps d’un EP sorti en 2011 et entendu notamment aux Francouvertes en 2012 , l’auteur-compositeur a su laisser sa trace sur la scène indépendante locale. Mais voilà que depuis deux années et des poussières, les nouvelles se sont faites beaucoup plus rares : « En 2013, j’ai fait des tounes qui ressemblaient trop au EP de 2011, j’ai tout scrappé et pris une pause d’un an! »

C’est donc en cours de la dernière année que Kingsbury s’est senti fin prêt à replonger. Déjà sous contrat d’édition avec Ad Litteram depuis 2013, Kingsbury se voit vite offrir par Guillaume Lombart – fondateur de la boîte – un contrat de production pour les titres en chantiers. « Il m’a laissé carte blanche sur le plan de la création, se réjouit l’artiste. Ils se sont chargés du financement et de toute la paperasse qui peut facilement devenir très lourde pour un artiste […] Ils ont tout pris en charge à ce niveau-là, en me gardant toujours au fait des développements, ce qui m’a donné un coup de pouce énorme, c’est certain. »

En résulte Pêcher rien, opus racé et résolument incarné, paru début février 2016, dont le premier extrait Comédien, donne le ton.

Lorsqu’on aborde Guillaume Lombart pour parler de son poulain, il affirme d’emblée être « un éditeur et producteur choyé présentement ». Voilà deux atomes résolument crochus ces jours-ci.

La constance du jardinier

Évidemment, tout a commencé par un coup de cœur : « Il y avait la voix, parce que je pense que ce qui fait qu’on reconnaît un artiste, c’est la voix. C’est là toute la personnalité d’un projet. »

Puis, après consultation avec Pascale Préfontaine (dénicheuse de talent de la boîte) et son équipe, la décision fut prise de travailler avec l’auteur-compositeur-interprète : « J’aime quand tout passe par une seule et même personne, particulièrement si ladite personne est, en plus, lucide sur la réalité de faire de la musique aujourd’hui […] En plus de quoi, je pense que les auteurs-compositeurs sont des gens qui se remettent plus en question, et qui anticipent le sort de l’humain, donc le leur. Ils sont moins enclins à se prendre au jeu de l’égo de star. »

Lombart et Kinsgbury ont la même perspective sur leur collaboration, l’esprit d’équipe avant tout : « tout le monde à bord du navire bosse dur et nous sommes tous synchronisés sur les activités du projet », affirme sans ambages l’éditeur et producteur.

C’est donc lorsque les dix titres se retrouvèrent sur bandes que les choses se sont enclenchées : « On a produit l’enregistrement, et on a cherché une licence auprès de compagnies de disques. La licence n’est jamais venue donc a on a fait les démarches pour aller chercher du financement nous-mêmes. Et tout s’est mis en place. »

Manifestement, lorsque l’homme s’investit sur un projet, les tentacules de l’éditeur prennent des proportions pour le moins étonnantes : « En tant qu’éditeur, mon but c’est d’amener le projet le plus loin possible en l’entourant de partenaires pour bien le faire. Le CD est devenu un outil promo pour les éditions. Et je produis aussi le spectacle. Et avec Livetoune [filiale d’Ad Litteram], je produis de l’audio visuel. Au final, c’est d’intégrer tous les éléments nécessaires de façon à propulser les chansons […] J’aime l’idée d’un éditeur musico-visuel. C’est un modèle créé en réaction à une situation. Je reprends souvent l’analogie du jardinier, de celui qui sème et s’assure de la bonne survie de ses produits. »

L’heure des récoltes
Simon KingsburyManifestement, le flaire de l’éditeur/producteur semble trouver sa résonnance chez les radios de la province : Au moment d’écrire ces lignes, Kingsbury peut se targuer d’être le buzz ÉNERGIE du mois de février (ce qui assure un nombre substantiel de rotations à l’artiste sur une grande partie du réseau) avec son titre Comédien.

Et pour la suite, si l’on se fie aux ambitions de l’artiste, les choses risquent de se poursuivre rondement : « Guillaume et moi sommes sur la même longueur d’onde la majorité du temps. Et, ultimement, je veux que mes chansons circulent le plus possible. » Additionnez ceci aux échos favorables que recueille le gravé Pêcher rien et vous avez devant vous un tandem d’individus qui prennent plaisir à goûter le fruit d’un labeur exécuté lentement, mais soigneusement.