Dès ses débuts, Patrick Lavoie plonge dans l’univers de la musique avec urgence et polyvalence.  Ces deux traits marqueront son parcours de musicien multi-instrumentiste, amoureux sans frontières des différents genres musicaux. À travers ses envies d’écrire de la chanson et sa formation universitaire en musique classique, interprétation du violoncelle, Lavoie cherche un métier. « Pour moi, il a vite été question de vivre de ma musique. Je suis même allé chanter dans les métros. Je voulais que mes revenus me viennent directement de cette passion-là et même pas de l’enseignement de la musique. Sinon, je changeais de voie et j’étudiais en biologie. »

C’est grâce à l’amitié qui le lie avec le réalisateur Yves Christian Fournier que Patrick Lavoie expérimente avec la composition de musique sur image dans le domaine publicitaire dans les années 2000. Il constate alors le plaisir qu’il éprouve à écrire de la musique. « Les contrats les plus difficiles sont les premiers. Car dans ce milieu, on ne te demande jamais ton diplôme. On veut entendre ce que tu as composé. Je ne compte pas le nombre de maquettes que j’ai alors écrites à cette époque. »

Une relation de travail particulière se développe entre les deux hommes. Tôt dans le processus, Fournier prend l’habitude d’échanger avec Lavoie sur ses envies qui l’animent au sein des différents projets. Lavoie décide alors de composer en amont des tournages de Fournier des maquettes transitoires. « La musique l’inspire beaucoup. Ça lui trace une voie. » Ce fut le cas pour le long métrage Tout est parfait en 2008, et pour la série Blue Moon en 2015, où Fournier avait avec lui 37 différentes pistes sonores provisoires qui l’habitaient tout au long de son tournage. Cette aventure cinématographique se poursuit avec Yves-Christian Fourier sur Noir (2015) et avec le réalisateur Martin Talbot sur Henri Henri (2014), une trame sonore pour laquelle Lavoie obtient une nomination aux Écrans canadiens.

Aujourd’hui, Lavoie signe également la musique pour des séries télévisuelles telles Feux (Claude Desroriser) et Blue Moon (Yves Christian Fournier), un travail exigeant qui requiert un degré d’organisation élevé pour le compositeur. Le compositeur, qui chérit la valeur du temps, poursuit sa façon de faire, et compose à la lecture du scénario, avant même d’avoir vu les premiers épisodes. Cette avance, croit-il, lui permet une meilleure efficacité et sensibilité lors des livraisons. « Le temps est calculé sur une série. Je mets une semaine de travail pour un épisode de 52 minutes. Cela donne un total de 30 minutes de musique par épisode. Pour arriver à faire de la qualité en si peu de temps, tu dois être très organisé et méthodique. Si à midi je n’ai pas fini de composer, je vais manquer de temps pour produire cette musique-là au courant de la journée. » Chaque matin, Lavoie entre dans son studio maison avec un plan de match serré et efficace. Sur Blue Moon, Lavoie élabore une musique à corde orchestrale fort ambitieuse, enregistrant près d’une cinquantaine de pistes d’instruments par lui-même. En tout temps, l’efficacité doit être ici synonyme d’émotions et de beauté.

Sur la série Feux, Lavoie débute la composition sans connaître le dénouement de la série écrite par Serge Boucher. Cette fois, le compositeur ne voulait pas que la finalité de ce thriller psychologique teinte la musicalité des différents thèmes principaux. Pour le guider, il opte plutôt pour une compréhension fine de la psychologie des personnages. Lavoie admet qu’une telle série, qui nous plonge nos propres zones d’ombres, est émotivement exigeante pour lui.

« Autant que la musique de Feux a été facile à écrire, autant que cela fut difficile à vivre à un niveau personnel. J’étais vidé après chaque journée. Je traversais tellement d’émotions… Une musique qui fonctionne est une musique qui transporte une émotion forte. Et pour ce, il faut que je la vive tant à la composition qu’à la livraison. La musique ne trompe pas. Il faut être vrai, car elle est le langage de l’émotion. »

Pour Lavoie, une chose est certaine. La musique sait transmettre nos émotions sans l’utilisation de mot. Et pour y arriver, elle use du compositeur, de sa vie et de ses émotions afin d’y puiser sa véracité.

 

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