« Le changement et goût de l’aventure, c’est ce qui nous a toujours motivés ». Joint à Kinshasa, où il a passé une partie de cette année de pandémie en compagnie de quelques amis du collectif Moonshine, Pierre Kwenders résume la folle aventure de ces soirées dansantes, nées à Montréal il y a sept ans et devenues un phénomène mondial depuis.

À l’origine, Moonshine, imaginé par Kwenders et son ami d’enfance, Hervé Kalongo, servait à remplir un trou dans la nuit montréalaise. Une fois par mois, les soirs de pleine lune, la joyeuse bande organise des soirées dansantes où les rythmes électroniques funky se mêlent aux musiques d’Afrique, bien sûr, mais d’Amérique du Sud, des Antilles et d’ailleurs.

« Au départ, c’était vraiment un truc d’initiés, explique San Farafina, l’une des DJ du collectif. Moonshine était une scène importante pour les clubs kids de couleur, qui se voyaient enfin représentés. Peu à peu, on a attiré des gens de la diaspora qui venaient de tous les quartiers de Montréal et qui n’étaient pas du tout des habitués de la scène des clubs. Tout le monde s’est retrouvé dans cet esprit ouvert et accueillant. »

Malgré une popularité croissante (et une expansion qui les a menés de Paris à Santiago, en passant par Kinshasa et Lisbonne), les soirées Moonshine ont gardé le même concept : un lieu différent à chaque fois, dévoilé aux fêtards via message texte, d’où le nom de la série de mixtapes SMS for Location – dont le quatrième volume vient tout juste de paraître. Encore une fois, le noyau central, dont fait partie Kwenders, s’ouvre à des collaborateurs d’Afrique (l’électro congolaise domine), de France (Bamao Yendé, de Boukan Records), des USA (avec la participation de l’incroyable Georgia Anne Muldrow) et d’ailleurs. Malgré l’éclectisme des collaborations, une véritable cohésion artistique est établie, du premier au dernier morceau.

« On essaie toujours de raconter une histoire avec SMS for Location, explique Pierre. On veut qu’en écoutant ces compils, les gens aient l’impression de vivre une soirée Moonshine : ce volume 4 commence dans le rythme, mais très doucement, avec Bamao, puis on a un gros moment où la musique africaine domine, puis un peu d’expérimentation, parce que le style Moonshine c’est aussi ça. Et on termine la soirée tout en douceur avec ZutZut… on bouge toujours les hanches, mais plus lentement… »

Privé de soirées durant la pandémie, la bande de Moonshine s’est concentrée sur les autres facettes de sa « marque », travaillant sur la mixtape, le documentaire et sur l’aspect mode, géré par Hervé, qui tente de mondialiser le concept très congolais de la sape, l’art de l’élégance flamboyante. « La soirée n’a lieu qu’une fois par mois alors c’est l’occasion de se mettre bien ! Notre ligne des vêtements, c’est l’occasion de décliner la philosophie Moonshine à travers d’autres formes d’expression », explique Hervé.

Après la mode et la musique, le collectif s’est lancé dans la réalisation d’un documentaire. « Au début de la pandémie, on s’est interrogés sur l’avenir de Moonshine et c’est là que l’idée du film est arrivée. Pierre et moi on vient assez souvent au Congo; c’est là d’où on vient, après tout. On s’est fixés à Kinshasa pour documenter le nightlife local et la création de SMS for Location Vol. 4. Notre docu, Zaïre Space Program, va voir le jour en 2022. »

C’est ce qui explique la présence du groupe au Congo, un retour aux sources pour les deux fondateurs. « Quand j’ai commencé à faire de la musique au Canada, c’était ma culture congolaise que je voulais partager avec mon pays d’accueil, explique Pierre Kwenders. Ça allait de soi que nous allions revenir, pour exporter ce qu’on fait à Montréal, mais aussi pour aller se nourrir de ce qui se fait là-bas et développer de nouvelles collaborations. »