ModleePrès de 15 ans après ses débuts en musique aux côtés de Vlooper, visionnaire producteur d’Alaclair Ensemble, Modlee dévoile à la fois son talent, son ambition et sa force intérieure sur Soul Urge, un tout premier album en carrière.

Une fois de plus, la chanteuse R&B originaire de Québec a pu compter sur son acolyte de longue date pour ce projet, paru en avril sous Disques 7ième Ciel. Aux commandes de toutes les compositions, Vlooper s’est toutefois fait plus discret que sur les EPs et mixtapes antérieurs de l’autrice et interprète.

« Vlooper est dans la musique depuis 20 ans. C’est lui qui a vu mon potentiel, qui a compris ma voix. Il a toujours beaucoup d’idées, et on a toujours travaillé en collaboration. Mais là, pour cet album-là, j’ai pris le contrôle de la direction artistique, de tout ce que je voulais sortir comme essence musicale. J’ai joué comme je le voulais avec ma voix, mes intonations », explique-t-elle. « Je m’embrasse moi-même dans mes imperfections, dans ma découverte… dans la puissance de ce que j’ai à représenter. »

Née à Montréal, Modlee a passé le début de sa vie entre le Québec, les États-Unis et la Jamaïque, pays d’origine de son père. C’est entre autres ce parcours qu’elle tient « à représenter » dans ce premier album, musicalement très riche dans ses croisements entre couches R&B envoûtantes, teintes funk cosmiques, vapeurs soul ennuagées et rythmes hip-hop enlevants. On est, somme toute, assez loin de la signature plus spontanée de Digital Flower ou Analog Love, les premiers projets de Modlee, parus au tournant des années 2010. « À l’époque, je tripais sur les sons, l’aspect répétitif de la musique. J’utilisais ma voix comme un instrument, comme une couche atmosphérique. J’ai toujours ce côté exploratoire à l’intérieur de moi, mais c’est plus peaufiné, plus travaillé. »

Le nom de l’album évoque la volonté de prendre son envol. « Soul Urge, ça vient de l’univers de l’astrologie, de la numérologie. Ça désigne le désir de l’âme, c’est-à-dire ton inner purpose, ton aspiration profonde. L’album fait ressortir des désirs que je cachais en moi depuis trop longtemps », raconte-t-elle. « Avec la pandémie, on a eu beaucoup de temps à réfléchir, beaucoup de temps à tuer. Pour moi, ça a été un méga wake-up call. J’ai vécu des trucs personnels qui ont été des moments d’éveil pour moi. Enfin, j’avais le temps de faire de la musique. Je n’avais plus d’excuse pour ne pas le faire. »

L’éveil est un thème important de Soul Urge. Loin des standards du R&B moderne, dont les textes tournent souvent autour de « l’amour et des histoires de couple », les chansons de cet album ont un côté plus philosophique, qui s’ancrent dans le désir d’évolution humaine et spirituelle de Modlee.

En ouverture, Birds donne le ton, tout juste après la courte intro Mornin’, titre significatif dans ce concept de renaissance : « Birds est une chanson très importante, durant laquelle je me parle à moi-même. Ça vient d’un moment dépressif où j’ai dû apprendre à reconnaître la noirceur en dedans de moi. J’ai dû apprendre à dire :  »OK, je feel pas! » C’est une période où je dormais beaucoup, mais (durant laquelle) j’étais toujours très fatiguée. Y’a rien qui me faisait sourire. J’avais le sentiment de culpabilité de ne jamais être assez. J’ai dû apprendre à reconnaître cette noirceur (…) C’était le temps de passer à autre chose. »

À l’autre bout de l’album, la chanson Rise témoigne d’une relation difficile que Modlee s’est acharné à entretenir avec quelqu’un de sa famille. Elle a dû, à un moment, couper les ponts et se choisir elle-même. « Quand tu essaies de sauver quelqu’un et que tu te rends compte que c’est pas à toi de le faire, c’est difficile à accepter. La relation finit par changer, elle se ternit, et il faut que tu acceptes de lâcher prise. Avec du recul, c’est le genre d’expérience qui est très formatrice. Ça m’a permis d’en apprendre beaucoup sur moi-même. »

Rise, d’une certaine façon, incarne la mission même de Soul Urge : celle de se donner un élan pour se réaliser, autant d’un point de vue humain qu’artistique. De là l’idée de s’allier avec une étiquette de renom, Disques 7ième Ciel, pour la sortie de cet album, plutôt que de miser sur l’autoproduction et une sortie plus discrète sur les plateformes numériques. Modlee marque d’ailleurs l’histoire de la maison de disques hip-hop québécoise fondée en 2003 en tant que première femme de son histoire à y être signée.

« Au début, je faisais l’album uniquement dans le but de faire la meilleure musique possible. Mais par la suite, quand on a vu où le produit fini s’en allait, on s’est dit que ça serait bien de lui donner un peu plus d’amour, en le sortant de manière plus professionnelle. On a voulu partager la dose. »

Le voyage intérieur de Modlee rayonne ainsi à la hauteur de son importance.