Est-il réducteur d’associer Marième au soleil? La saveur de ses chansons vitaminées, idéales en saison estivale, révèle cette affinité naturelle sur son deuxième disque solo intitulé Petit Tonnerre. « Je me suis même fait la promesse de sortir des albums tous les étés. » Et puis, la chanteuse et parolière a aussi cette qualité d’attirer des créateurs qui rayonnent autour d’elle. De ses années avec le groupe hip hop CEA, elle en conserve de fidèles collaborateurs et une envie de faire de la musique en groupe. Il y a Bob Bouchard et Lou Bélanger, membres fondateurs de CEA, tous deux à la production musicale de Petit Tonnerre, en plus de Claude Bégin pour les arrangements, également présent sur le précédent disque éponyme. On y retrouve aussi Karim Ouellet, ancien Accrophone, groupe de Québec avec qui Marième a partagé la scène et qui assure ici quelques guitares. « Depuis les années que l’on crée ensemble, que l’on partage la scène… Pour moi, la musique fait du sens avec tous ces gens-là. Pas autrement. Et cet univers reggae pop, je l’ai construit avec eux. »

« Je me suis retrouvée avec un micro assez jeune. Et en raison de la couleur de ma peau, ça voulait dire beaucoup plus que j’en avais envie. »

Pour Marième, ce deuxième album est vécu comme un nouveau départ. Elle change de maison de disques. De Tandem à Coyote Records. Musicalement, elle assume un tournant pop teinté de reggae, une musique qui a habité son enfance et son adolescence grâce à son père. Et puis, elle s’attelle cette fois plus sérieusement à l’écriture de chansons. « J’avais beaucoup de reprises sur mon premier disque : Laisse tomber les filles de France Galle, Une africaine à Québec inspirée de Tiken Jah Fakoly et de Sting. Pour ce deuxième album, j’étais enceinte et je voulais être plus personnelle. De toute façon, il y a un processus de mise à nu dans l’écriture. Et de questionnement. Je voulais être pertinente et comprise. Personnelle et universelle. Tout un défi… »

Les sujets abordés sont inévitablement à son image. Marième parle d’amitié, d’amour, de famille, de révolution. Tout ça avec une dose de positivité. Sur la chanson « Petit Tonnerre », elle aborde même les questions d’identité, les siennes, un choix intéressant pour celle qui a été élevée à Québec, dans le quartier populaire de Limoilou, d’une mère québécoise et d’un père originaire du Sénégal.  « Représenter mon peuple, je n’ai jamais souhaité ça / Chanter haut et fort ce que d’autres murmuraient tout bas / Raconter leur histoire tout en racontant la mienne / Ne jamais oublier le sang qui coule dans mes veines. » Marième explique ses mots. « Je me suis retrouvée avec un micro assez jeune. Et en raison de la couleur de ma peau, ça voulait dire beaucoup plus que j’en avais envie. On représentait quelque chose, mon frère le rappeur Webster et moi, les deux seuls noirs de la ville de Québec. Des fois, c’était lourd d’être noire au Québec et blanche au Sénégal. Je me suis vite retrouvée à être une porte-étendard d’une communauté, un modèle qui devait prendre conscience de son histoire, de ses racines. Maintenant, je suis prête à assumer ce rôle. »

Les racines de Marième sont si présentes et son désir d’être loyal est si profond que la chanteuse a consciemment décidé de vivre à Stoneham, montagne situé à proximité de la ville de Québec. Là, elle y a sa place, connaît les enjeux de cette scène, ces différents clans hip hop de la rive Nord à la rive Sud de Québec, qui avec le temps ont tissé des liens et se réunissent sur scène. Cette solidarité aujourd’hui vécue entre tous à Québec est méconnue par la métropole. « J’ai habité un an à Montréal. Et j’y retourne souvent pour mon boulot d’animatrice. Mais je me dis qu’il est important d’avoir des héros locaux, des gens qui restent à Québec, des gens qui font une différence. On ne peut pas tous partir…»

Aujourd’hui, Marième a la piqûre créative. « J’aime tellement écrire que je travaille déjà sur de nouvelles chansons. » Et bien qu’elle soit mère de jumeaux, sa vie s’organise toujours autour de la musique. À Stoneham, elle habite devant le studio d’enregistrement qu’elle visite tous les jours, souvent avec la poussette double. Une façon de faire qui lui permet une saine gestion de son temps créatif. « Comme femme, on a souvent peur que les enfants nous ralentissent. Moi, c’est tout le contraire. Ça m’a donné le goût de me révéler. Et cela m’a amené à mieux m’organiser. Je ne peux pas tout arrêter pendant trois mois pour faire un album. Ce n’est plus ma réalité. » Après avoir assuré plusieurs spectacles et de prestigieuses premières parties auprès de Snoop Dogg et Sean Paul l’été dernier, Marième se prépare à reprendre la route du Québec ce printemps, question de partager ses bonnes vibrations musicales. Et d’annoncer le retour de sa saison préférée.

Tourner la page
« Quelque chose s’est transformé en moi quand j’ai chanté en 2011 avec Jean-Pierre Ferland. J’avais interprété “Le soleil emmène au soleil” en mode reggae sur mon premier disque. Et là, je me retrouvais avec Ferland devant 80 000 personnes et leur macaron du Festival d’été de Québec qui scintillait sur les Plaines d’Abraham. Toute seule sur scène, avec Ferland et son band, les doutes qui m’habitaient se sont dissipés. Je me suis sentie capable de continuer dans cette voie musicale en solo, je sentais que j’avais la force de porter ce choix-là, seule. »