Kim Temple

Kim Temple

Si vous écrivez des chansons et que vous tirez votre épingle du jeu, vous pourriez envisager la possibilité de signer un contrat avec un éditeur de musique. C’est pour cette raison qu’il est important de bien comprendre ce qu’un éditeur musical fait pour vous.

« Il est important de se rappeler qu’un éditeur peut faire partie de l’équipe d’un artiste, tout comme un gérant, un agent de réservation, un label et un publiciste », déclare Kim Temple, présidente de High Priestess Publishing, une maison d’édition indépendante de Toronto qui représente entre autres Zaki Ibrahim et Witch Prophet.

« En gros, l’idée c’est “OK, j’ai un catalogue de chansons qui a besoin d’un certain degré de gestion. Est-ce que je reçois toutes les redevances que je devrais toucher ? Je ne sais pas si je suis déclaré adéquatement partout dans le monde pour mes droits d’auteur et je ne me représente pas tant que ça. Je n’ai pas le savoir-faire ou les connexions avec les directeurs musicaux pour obtenir des placements — peut-être qu’un partenaire d’édition pourrait gérer tout ça pour moi.” »

Voilà pour le côté commercial. Mais Temple affirme qu’il y a également un côté créatif. « S’ils sont prêts à chercher des collaborateurs des coauteurs ou encore présenter leurs chansons à d’autres artistes, c’est le bon moment pour faire appel à un éditeur », dit-elle. « Ou alors ils ont peut-être envie de développer leur talent d’écriture, de voyager et de participer à des camps d’écriture. »

Pour Daniel Lafrance d’Éditorial Avenue — lauréat du prix de l’éditeur de l’année de la SOCAN au gala de la SOCAN 2020 à Montréal, et auteur du livre Après la disruption : Innover en édition musicale — les collaborations et les coécritures sont de plus en plus importantes. « Ça aide vraiment les artistes à progresser rapidement et à élargir leurs horizons musicaux pour évoluer dans de nouvelles directions », affirmait-il lors d’une entrevue vidéo qu’il nous avait accordée pour célébrer son prix. « Le rôle d’un éditeur, lorsqu’il s’agit de cet aspect spécifique du développement de l’artiste, est de trouver des personnes avec lesquelles l’artiste aura une bonne connexion, et généralement, cela conduit à d’excellents résultats. J’y crois beaucoup. Les artistes sont pleins de talent, mais ils ont aussi des faiblesses que les co-auteurs peuvent facilement compenser. »

Experts négociateurs

La notion à garder à l’esprit est que les éditeurs sont avant tout des exploiteurs de chansons : ils s’efforcent de tirer le maximum de profit d’une chanson, que ce soit par l’enregistrement, les spectacles, la synchronisation (ou « synchro », le placement dans des publicités, des émissions de télévision, des films, des jeux vidéo, des plateformes numériques, etc.) ou par tout autre moyen où la musique est utilisée pour un gain monétaire.

David Quilico

David Quilico

La valeur potentiellement générée par le placement d’une chanson peut être substantielle — et si vous êtes un auteur, être un négociateur novice peut vous mordre les fesses, comme l’a trop bien découvert Donovan Woods lorsqu’il a commencé à s’autoéditer par l’entremise de son label Meant Well.

« J’écrivais des chansons par moi-même et je ne comprenais rien à rien », explique Woods, qui a récemment signé avec Concord Music Nashville, après avoir passé trois ans chez Warner Chappell Nashville. « Je me souviens que j’ai accordé une licence à TSN pour utiliser une de mes chansons pendant l’introduction d’un match de la Coupe Grey pour quelque chose comme 104 $. Je ne savais pas ce que je faisais. Je n’avais aucune idée. Je me débrouillais comme je pouvais. »

Les éditeurs de musique sont en mesure de négocier une juste valeur marchande pour les placements de synchronisation et ils savent la valeur des frais de licence qu’une chanson devrait recevoir sur un support donné en fonction des conditions, de l’utilisation et du territoire. Ils possèdent les connaissances institutionnelles au sujet des précédents dans le domaine des licences de synchronisation.

David Quilico, vice-président de la création chez Sony Music Publishing Canada — la maison d’édition de Pitt Tha Kid, Lights, Elise LeGrow et 49 autres artistes canadiens — explique de la même façon ce qu’un éditeur fait pour les auteurs-compositeurs.

« Nos auteurs-compositeurs passent en premier », explique Quilico. « Nous sommes ici pour vous soutenir [les auteurs-compositeurs] et nous sommes fiers de créer et d’apporter des opportunités avec une expertise qui va au-delà de celles qui existent déjà au niveau mondial. Il n’y a pas vraiment un chapeau que nous ne portons pas tous les jours, qu’il s’agisse de les aider [les auteurs de chansons] à aligner les membres de leur équipe, de les aider à trouver un label, partenaire, de mettre en place des collaborations, d’être une caisse de résonance objective pour leurs compositions, leurs chansons, leur créativité, et leurs services administratifs de niveau supérieur. On a toujours à l’esprit le développement de carrière à long terme pour nos auteurs-compositeurs. »

Daniel Lafrance

Daniel Lafrance

Pour sa part, Daniel Lafrance estime que même si la jeune génération de créateurs de musique a parfois tendance à croire qu’elle peut se passer d’intermédiaires tels qu’un éditeur — en raison de sa parfaite maîtrise des outils technologiques et des multiples plateformes à sa disposition — elle se prive quand même d’une expertise importante. « Je crois vraiment que les artistes qui ne s’entourent pas d’une bonne équipe rateront plein d’opportunités », dit-il. « Il est impossible pour un artiste d’être spécialiste en édition, en réseaux sociaux, en marketing et dans tous les autres domaines qu’ils doivent maîtriser. Ils n’auraient pas la perspective nécessaire et seraient distraits de leur objectif principal : créer de la musique. Je pense que c’est sur ça qu’ils doivent se concentrer pendant qu’une équipe de personnes de confiance s’occupe du reste. »

Un partenariat de travail

Et si les éditeurs indépendants que les grands éditeurs sont prêts à aller au tapis pour leurs auteurs-compositeurs, c’est une voie à double sens : il incombe à l’auteur-compositeur de faire le plus gros du travail — écrire les bonnes chansons — afin que les éditeurs puissent les faire passer au niveau supérieur.

On ne peut pas se reposer sur ses lauriers dans un partenariat d’édition : il faut avoir l’esprit d’entreprise et être un fonceur. « Je cherche des talents — mais aussi des personnalités — extraordinaires », dit Quilico à propos des qualités qu’il attend de ses créateurs. « Ils se présentent et donnent leur 100 %. On prend ça à cœur et on leur rend la pareille. »

Selon Vince Degiorgio, président de la maison d’édition indépendante CYMBA Music, qui compte 26 artistes dans son écurie incluant Reeny Smith, Monowhales et TallTale, les créateurs doivent également être curieux lorsqu’ils choisissent un partenaire.

Vince Degiorgio

Vince Degiorgio

« Vous devez poser aux bonnes personnes les bonnes ou les mauvaises questions pour savoir ce qui vous convient », déclare Degiorgio. « Vous devez savoir si vous avez l’expérience pour que ça fonctionne. D’autre part, si vous êtes un auteur-compositeur, vous avez la possibilité de comprendre ce que votre éditeur essaie vraiment de faire pour vous. Car lorsque vous obtenez un contrat d’édition, c’est là que commence votre véritable travail. Il n’y a rien d’automatique quand vous avez un éditeur. »

Degiorgio, lui-même auteur, croit qu’il est bon d’identifier ses besoins dès le départ. « Une des choses que Dennis Ellsworth, un de nos auteurs, a dit qu’il voulait chez un éditeur était que quelqu’un puisse l’aider à faire les choses qu’il ne pouvait pas faire seul. »

« Donc si votre objectif est d’atteindre les points clés des grandes synchronisations, ou au début, des microsynchronisations, il est extrêmement important d’avoir quelqu’un qui peut vous aider et qui possède de l’expérience dans ce domaine. Vous mettre en contact avec des créateurs avec lesquels vous souhaitez collaborer. Voilà, selon moi, les principales raisons d’avoir un éditeur. »