Le producteur, auteur-compositeur et interprète Nonso Amadi s’est retrouvé en Jamaïque il y a quelques années dans la foulée de son contrat fraîchement signé avec Universal Music Canada. Durant son séjour, il a rencontré Donisha Prendergast, l’une des petites-filles de Bob Marley, pour discuter de la musique et de la vie pendant le tournage dans les studios historiques de Tuff Gong et autour de l’île. L’artiste né au Nigéria et vivant au Canada était au beau milieu d’une pause de deux ans de la musique et il ne savait pas dans quelle direction aller avec ce premier album à venir.

« Nous avons eu une conversation honnête – je lui ai dit exactement où j’en étais », dit Amadi tout en admettant qu’à l’époque, il n’avait écrit que des chansons d’amour et qu’il souhaitait élargir ses horizons quant aux thèmes abordés. « Elle m’a parlé de Bob Marley et de ses raisons de créer de la musique. Il voulait se tenir debout et représenter le peuple, surtout les rastas qui habitaient Trenchtown. Il essayait de créer une révolution dans la vie de ces gens-là. Il voulait leur donner une voix contre l’oppression qu’ils vivaient à l’époque, et c’est ce qui le motivait à se lever chaque matin. C’est ça qui m’a fait réfléchir au fait qu’il y a d’autres sujets de chansons qui vont toucher les gens et les aider à traverser les épreuves de la vie. C’est ça le pouvoir de la musique. »

Sans parler du pouvoir de sa musique. Avec plus de 100 millions de diffusions en continu sur toutes les plateformes ainsi qu’une collaboration avec Majid Jordan sur une chanson et son vidéoclip, Amadi est un parolier en constante évolution capable de fusionner afrobeats, hip-hop et R&B dans ses chansons qui racontent des histoires. Son interprétation de « Foreigner » lors des SOCAN Awards 2022 a été un moment fort de la soirée.

Amadi a grandi au son du hip-hop et d’artistes comme Young Money, 50 Cent et plusieurs autres. C’est toutefois l’album de l’auteur-compositeur-interprète nigérian Wizkid intitulé Superstar qui est devenu la porte d’entrée du jeune artiste dans l’univers d’un de ses pairs. Il y a trouvé une source d’inspiration, car l’album évitait les thèmes clichés de désir de richesse, de pouvoir et de luxe typiques du genre.

« Il nous disait exactement où il en était dans sa vie », explique Amadi. « Tout ce qu’il a vécu, la personne qu’il aspirait à devenir, c’est-à-dire une mégavedette. Et aujourd’hui, on voit tout ça se dérouler sous nos yeux. Les gens sont prêts à entendre de la musique empreinte de vulnérabilité qui les invite à prendre le temps d’écouter chaque mot et j’ai vraiment envie d’aller dans cette direction. »

Amadi a fait ses armes en tant que producteur en s’amusant, comme tant d’autres, à recréer ses chansons préférées avec des logiciels de création musicale. « Je cherchais à créer une “vibe” fraîche que les jeunes allaient vraiment aimer », confie-t-il. À force de « freestyler » avec ses amis sur des « beats » qu’ils avaient créés eux-mêmes, ils ont fini par réaliser qu’ils tenaient un bon filon. « On a décidé d’apprendre comment enregistrer ces chansons et de fil en aiguille c’est devenu du sérieux », raconte Amadi. « Ensuite, on a voulu y mettre des voix et on s’est demandé qui allait chanter le refrain, et ils ont dit “Nonso, pourquoi t’essaierais pas?” », se souvient-il en ricanant doucement. « J’ai fini par chanter et je suis tombé dans la marmite comme on dit, mais j’avais réellement l’amour et la passion du chant depuis le début. »

Bien que la musique fasse partie intégrante de la famille Amadi, Nonso est le seul musicien professionnel. Ce n’était pas une passion facile à vivre, parce qu’il est issu d’une famille et d’une culture axées sur les hautes études et une vie professionnelle stable et réussie.

« Quand j’ai commencé dans le domaine de la musique, je n’avais aucune idée ce que j’étais censé faire » 

« Disons que je n’ai pas reçu un accueil enthousiaste quand j’ai annoncé que je me lançais en musique à plein temps », avoue Amadi. « Je venais tout juste d’obtenir mon diplôme en conception technique à l’université McMaster quand la chanson “Tonight” a lancé ma carrière. Mes parents entendaient ma musique à la radio au Nigéria et mes sœurs me voyaient à la télé. Ils ne comprenaient pas trop ce qui se passait étant donné qu’ils m’avaient envoyé au Canada pour étudier. Quant à moi, je me suis dit que j’allais rentrer chez moi et donner un spectacle pour voir où tout ça me mène. Mes parents étaient vraiment mécontents et on en a discuté pendant très, très longtemps, des années, jusqu’à ce qu’ils voient que je suis bien dans ça. »

Le titre de travail de son premier album à paraître en 2023 est When It Blooms. Amadi qualifie ce projet de « vulnérable et lourd », mais il est ravi de nous apprendre également qu’il contient quelques pièces afrobeats qui feront danser les gens. Parmi ses chansons préférées, il nomme « Here For It », la première pièce de l’album (« c’est le stade vulnérable », dit-il), et la dernière, « Thankful », qui raconte son parcours de l’ado producteur qui « freestylait » au jeune homme qui offre ce son réfléchi et peaufiné à tous ceux qui veulent bien l’entendre.

« Elle prend racine dans mon histoire en tant que créateur et en tant que Nigérian », explique Amadi. « Quand j’ai commencé dans le domaine de la musique, je n’avais aucune idée ce que j’étais censé faire. Mes insécurités et mes doutes, en tant que personne et en tant qu’artiste, teintaient mes relations interpersonnelles. Je ne faisais pas assez confiance aux gens pour les inviter à chanter avec moi ou à me conseiller sur ma carrière. »

« Pour moi, c’est un peu comme une semence dans la terre qui doit d’abord éclater et traverser sa phase de germination. Mais là, je suis rendu à un point où je m’accepte en tant que personne créative qui apprend continuellement et mes relations avec tous les gens qui m’entourant sont vraiment meilleures. »

“J’ai utilisé un message vocal de ma maman [dans “Thankful”] et on l’entend dire “Wow, regarde tout le progrès que tu as accompli”. Elle me parle ensuite de certains de ses souvenirs et comment la fleur a fleuri.”

Le résultat final est son projet le plus collaboratif à ce jour. Ç’a été aussi libérateur que terrifiant par moments, et Amadi apprend à demeurer terre à terre à mesure qu’il creuse plus profondément et qu’il grimpe plus haut.

« J’écris la musique et les paroles de 95 % de mon matériel », dit-il. « Pendant de nombreuses années, je les mixais et les “masterisais” aussi avant de les lancer moi-même. C’était incroyablement stressant, mais je ne connaissais pas d’autre façon de créer de la musique dans laquelle je me sentais confortable et satisfait du résultat. J’avais mon propre “groove” de création musicale. »

« La pandémie a vraiment ralenti la cadence pour tout le monde et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré des gens comme Majid Jordan qui figure sur ce projet. Je me suis rendu compte qu’avoir une belle conversation avec cette personne à propos de ce que j’essaie d’accomplir avec cette chanson ou ce projet facilite les choses, au final. Ces artistes font exactement les choses comme je l’imaginais où ils font quelque chose de complètement nouveau, et dans les deux cas, ça marche pour moi. C’est le genre de chose que je suis encore en train d’apprendre, et en ce moment, mon projet consiste en 13 collaborations, ce qui est un immense pas en avant pour moi. »

Quand on lui demande comment il souhaite que ce premier album touche les gens, Amadi répond simplement qu’il espère lancer une conversation entre l’artiste et son auditoire. « J’espère qu’ils vont se dire “Wow! Je ne savais pas que tu as vécu ça ; moi aussi j’ai vécu la même chose!”, conclut-il.