Si un beau jour vous vous assoyez dans le fauteuil de barbier d’Erroll Layco et qu’il vous demande « que désirez-vous aujourd’hui ? », répondez simplement « je vais prendre une bonne dose de vos “beats” cool qui me font “groover” ! »

L’expression qui devrait apparaître sur le visage du rappeur winnipegois dont le nom de scène est E.GG — pour Elevation for the Greater Good — sera sûrement à ne pas manquer.

La pandémie a mis un frein à sa carrière de barbier, mais heureusement pour ceux d’entre nous qui aiment la poésie intelligente et introspective livrée sur une musique jazzy et pleine de soul, elle n’a pas freiné sa carrière musicale. Sur « Good Fortune », son plus récent simple, il met l’accent sur l’importance de la loyauté et il nous invite à (librement traduit) « lâche prise et vivre simplement » et à « ralentir un peu ».

« J’ai écrit ça comme une réflexion sur la nécessité de ralentir un peu et de prendre le recul nécessaire pour apprécier réellement la bonne fortune que nous avons dans nos vies, que ce soit notre famille ou nos amis », dit E.GG, désormais établi à Toronto. Il dit comprendre que « l’argent est un outil dont nous avons besoin pour financer nos passions, mais il ne devrait pas être un objectif en soi. »

La musique aux airs nocturnes mettant en vedette Infinit0 a été produite par Matt Peters et Matt Schellenberg, deux membres du groupe indie Royal Canoe qui, l’an dernier, ont fondé l’équipe de production baptisée deadmen. E.GG dit de cette collaboration qu’elle a été une « expérience merveilleuse » et il est convaincu que tous les artistes ne devraient pas craindre de travailler avec des musiciens issus de différents genres musicaux : « c’est bien de s’intéresser à d’autres “vibes” ; ça nous permet de créer de nouvelles sonorités et de cultiver des idées innovantes. »

Il affirme avoir eu envie de travailler avec deadmen de nouveau après que ces derniers aient produit « I Could Spend a Lifetime », une chanson qu’il a enregistrée avec la vedette pop Begonia, l’an dernier. « J’avais envie de créer un morceau aux airs R&B avec un élément chat-rap dans le “hook” et les couplets et je leur ai proposé quelques idées », dit-il au sujet de la genèse de « Good Fortune ». E.GG raconte que la pièce instrumentale que deadmen lui ont proposée « correspondait à la vision que j’avais. C’était sombre, mais avec le “bop” du hip-hop et du R&B. »

« Quand on a commencé, on partageait la scène avec des groupes punk et hardcore »

Selon l’auteur-compositeur-interprète, l’esprit de collaboration interculturelle est très fort dans sa ville natale. « Il y a cette volonté d’aller au-delà de ce que nous connaissons, car ceux d’entre nous qui sont nés et ont grandi à Winnipeg comprennent qu’il y a peu de choses à explorer, mais c’est précisément ça qui nous permet de créer ces souvenirs particuliers », dit E.GG. « Winnipeg me rappelle constamment tout ce que j’aime à propos de cette ville. C’est une petite ville avec un grand cœur. On ne peut pas imiter cette énergie. »

E.GG affirme ne pas ressentir cette « vibe » communautaire — ce qu’il appelle une « interconnexion entre les différentes scènes musicales » — à Toronto. « À Winnipeg, les artistes folk collaborent avec des artistes hip-hop ou, dans mon cas, lorsque je faisais des spectacles avec notre groupe 3Peat, quand on a commencé, on partageait la scène avec des groupes punk et hardcore. C’était génial d’évoluer dans des environnements où il n’y avait que de l’amour pour tous les genres musicaux. Le sens de la communauté est très fort. »

E.GG, qui est né et a grandi dans l’ouest de la ville, raconte que la première chanson « qui voulait tout dire et veut encore tout dire » était « Dear Mama » de Tupac. En tant qu’artiste philippin évoluant dans un genre musical noir, E.GG ne s’est jamais senti exclu ou imposteur. « Pour moi, qui a grandi dans le monde des B-boys et du rap, le hip-hop est un monde qui met l’unité de l’avant », dit-il. « J’ai ressenti et je ressens toujours beaucoup d’amour dans cette culture. Elle a créé à Winnipeg une communauté très forte et en pleine croissance. »

« Je continue mes recherches sur l’histoire du hip-hop » dit EG.G avec enthousiasme. « Je suis un étudiant de la vie. Je veux tout comprendre de la culture dont je suis tombé amoureux dans mon enfance afin de pouvoir la représenter du mieux que je peux. »