« OMG » est certainement ce qu’on a dit le plus souvent depuis un an. Si la pandémie est devenue l’incubateur de talents à naître, elle aura également poussé des talents existants plus loin. C’est le cas de Laurence Nerbonne qui déploie simplement OMG, un album qui porte un style peu commun en français, chez les femmes du Québec. Et elle se positionne comme une reine parmi les autres.
« La chanson Queens qui termine l’album, je la trouve importante parce qu’elle fait juste expliquer comment toutes les femmes peuvent le prendre, le pouvoir, et il n’y a personne pour leur enlever », raconte Laurence Nerbonne. Celle qu’on a connue il y a près de quinze ans au sein de la formation Hôtel Morphée a su profiter de son envol dès la séparation du groupe en 2015. Déjà en 2016, elle prenait ses racines en solo avec un premier album. « Depuis, j’ai laissé mon style évoluer pour devenir de plus en plus ce que j’ai toujours voulu être de toute façon, avoue-t-elle. J’ai tout appris avec les années, mais OMG est le premier album sur lequel je suis capable de contrôler l’ensemble du produit final. » Au bout du compte, tout est précisément à son image.
La création, quand on la tient dans ses mains du début à la fin, peut se décliner de plusieurs façons et adopter de nombreuses cadences. Pour Laurence Nerbonne, l’esprit bouillonne autant sur le long-terme que par à-coups.
« On voit souvent l’inspiration comme une lumière qui s’allume au milieu de la nuit et qui sort d’un coup, et c’est vrai. Par contre, ce genre d’inspiration arrive une fois sur cent, déclare l’autrice. Le reste du temps, je travaille sur le même morceau, le même beat et le même refrain pendant des jours. Je réécris, je recommence, je peaufine. C’est rare que ce soit vraiment fini. »
C’est ainsi autant la solitude pandémique que l’appel du contrôle qui ont inspiré l’autrice-compositrice-interprète qui fait tendre sa pop vers les zones limitrophes du rap. « Du rap féminin joyeux, en français et fait par des femmes, on n’en entend pas et je ne comprends pas pourquoi, dénonce Laurence. Plusieurs personnes dans l’industrie ont décrié récemment que ce qu’on entend sur les radios commerciales ce sont toujours les mêmes artistes. On entend rarement plus de 30% de musique féminine et quand on l’entend, c’est toujours la même. Si des artistes masculins sont capables d’avoir un succès commercial avec du rap au style américain, je ne vois pas pourquoi ce que je fais ne marcherait pas. »
Laurence Nerbonne gagne bien sa vie et ses chansons jouent à la radio, mais elle espère dorénavant faire entendre largement ce son qui est au plus près d’elle. « Il y a deux voix distinctes sur mon album : la première est celle de tous les personnages que j’incarne. J’ai envie d’être drôle et ça paraît aussi dans mes textes. Dans Première ministre, on voit vraiment que j’ai inventé cette femme qui réussit et qui pousse toutes les portes. Il n’y a rien qui l’empêche d’aller où elle veut et peut-être que pour une fois, les scandales autour d’elle ne vont pas la détruire. On n’en peut plus de voir des personnages d’hommes qui réussissent et qui ne subissent jamais les conséquences de leurs actes. Je voulais aussi laisser de la place à des chansons de party… on en a tellement besoin. »
Le deuxième discours qu’on entend sur l’album est le sien. Il est plus frontal et plus sérieux. On y perçoit sa voix à elle, celle qui a des choses à dire sur la manière dont on traite les femmes et les femmes en musique. « Je voulais qu’on sente de l’empowerment, évidemment. C’était important pour moi qu’on perçoive un changement. J’ose parler des sujets dont seuls les hommes parlent sur la place publique normalement. »
Quand la scène fera partie des lieux qui s’ouvrent réellement à nous sans contraintes, on y verra un déploiement complet du discours féminin et féministe qui se doit d’emboîter tous les genres. Laurence Nerbonne fera partie de celles qui se sont réinventées, à la demande des institutions. En embrassant le trap, le rap et le R&B, en insufflant sa parole assumée, elle alimente un paysage qu’on voudrait plus diversifié. Elle l’aura fait pour elle et pour un objectif plus large : celui de représenter. « Si je peux être une voix parmi toutes celles qui sont entendues, je vais vraiment être contente. Mon objectif, ce n’est pas d’être la seule. »
La porte est ouverte.