Pour les membres d’Hôtel Morphée, la patience a toujours été de mise. Depuis ses premiers pas en 2008, le groupe originaire de l’Outaouais a su évoluer à son rythme, préférant faire paraître une poignée de mini-albums afin de satisfaire la demande de son public fidèle. Aujourd’hui installé à Montréal, le groupe est formé de Laurence Nerbonne (voix, guitares, violon), Blaise Borboën-Léonard (violon, claviers), André Pelletier (guitares, voix) et Stéphane Lemieux (batterie). Ce dernier se réjouit des années d’apprentissage et d’expérimentation du clan. « Cinq ans, ça peut paraître long, mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’on ne se connaissait pas. Hôtel Morphée, c’est une rencontre de musiciens. Ni plus ni moins. Laurence se cherchait un projet, elle m’a rencontré, puis des gens se sont greffés. Certains sont partis, d’autres sont restés. Il a fallu apprendre à se connaître, à jouer et créer ensemble, à se trouver des affinités et un son. Tout ça prend du temps. Accoucher d’une véritable démarche artistique sérieuse, ce n’est pas instantané. C’est avec l’album qu’on est arrivé à cette étape, » soutient-il.
Lancé en grande pompe chez Audiogram, cet album a atteint les bacs en février dernier. Réalisé par Philippe Brault (Pierre Lapointe), Des histoires de fantômes révèle un groupe particulièrement assuré, inspiré et aventureux : charpentes rock costaudes, pointes électro, climats planants, arrangements délicats, mélancolie à fleur de peau, textes sibyllins. Visiblement le travail d’un groupe qui a mûri de belle façon et dont les liens entre les membres se sont tissés. Laurence se remémore les racines du quatuor : « Lorsqu’on s’est rencontrés, on ne savait même pas comment fonctionnait les rouages d’un groupe. On voulait surtout faire de la scène et on essayait des choses. Ça manquait de focus. On enregistrait des chansons pour nos amis qui nous suivaient, mais il nous manquait une rigueur. Le processus de travailler sur un album s’est avéré bien différent. Pour la première fois, on s’est véritablement penchés sur les textes et la musique. »
Frères et sœur
Finaliste au Festival international de la chanson de Granby en 2010, Hôtel Morphée a grandement bénéficié de l’expérience. C’est grâce au populaire concours que les membres ont véritablement fait leur apprentissage de la vie de groupe. Stéphane explique : « C’était l’une des premières fois que l’on partait loin de Montréal pour s’installer dans une maison louée. C’est là qu’on a vu que l’on s’entendait sur le plan artistique et personnel. Un groupe, c’est pas juste un local de pratique. C’est les repas, les chambres, la bière. Granby fut un test. À la suite de ça, on a découvert que l’on pouvait fonctionner en tant que band. »
Laurence renchérit : « Un groupe, c’est comme un mariage. C’est fragile. Lorsque tu commences à jouer, il faut que tu t’assures que tu t’entendes bien avec chaque individu. C’est pas vrai que tu peux jouer avec n’importe qui. Après quelques années, ça devient une famille, une unité. Les gars sont devenus des frères pour moi. Il est rare que la cohésion s’effectue parfaitement et qu’elle soit durable. Qu’on le veuille ou non, c’est difficile de toujours travailler avec les mêmes personnes. »
«La musique est dense parce qu’on lui apporte plusieurs couches. » – Laurence Nerbonne
Faire les choses différemment
Auteure principale du groupe (elle signe 10 des 11 textes de l’album), Laurence se dit particulièrement touchée par le travail d’écriture de Thom Yorke (Radiohead). Si de nombreux auteurs d’ici l’ont marquée, elle considère que le Québec a présentement besoin d’un nouveau bouillonnement créatif. « Pour moi, ce qui est attirant, ce sont les gens qui prennent des risques. J’ai l’impression que l’on s’est assagis récemment au Québec. Il y a eu des phases plus rebelles et excitantes. On a besoin de faire les choses différemment en chanson. On a une tradition vraiment riche avec des gens comme Robert Charlebois et Jean-Pierre Ferland qui ont fait les choses à leur manière. C’est à cause de ces rebelles-là que la chanson d’ici est devenue forte. On est capable d’écrire en français avec éloquence. Jean Leloup l’a fait avec une belle folie et une immense poésie. Il faut retourner à nos racines, » assure la jeune femme de 28 ans.
Encensé par le magazine français Les Inrockuptibles après une performance aux FrancoFolies de Montréal l’an dernier, Hôtel Morphée souhaite poursuivre sur sa lancée. Ses membres ont maintenant fait leurs classes. Et c’est sur scène qu’ils souhaitent communier avec le public. Alors que les spectacles se retrouvent à l’agenda du quatuor pour les prochains mois, Laurence soutient l’importance cruciale de chaque musicien. « Avec le travail minutieux qu’on fait au sein d’Hôtel Morphée, chaque personne est indispensable. La musique est dense parce qu’on lui apporte plusieurs couches. C’est un effort collectif. Pas toujours évident, parce qu’on a tous des énergies différentes. C’est ça le défi lorsqu’on veut se mettre au même diapason. Je crois que c’est le défi de tout groupe. Mais tu sais, toute ma vie, j’ai voulu être membre d’un band. Lorsqu’on a de grands élans créatifs, que ce soit sur scène ou dans le local de pratique, et qu’on le réalise tous en même temps, c’est là que faire partie d’un band devient littéralement magique. C’est ce qui me fait tripper et c’est pourquoi je continue de faire de la musique. »