Décollage réussi : Bob Bouchard et Lou Bélanger sont en orbite. Six mois après la sortie du premier album dancehall fusion de leur projet Di Astronauts, ces deux prolifiques producteurs de la Capitale tracent leur trajectoire en rêvant que leurs chansons fassent le tour de la planète. Hier les FrancoFolies, aujourd’hui le Festival d’été de Québec, demain… l’univers entier !
Mais au fait, c’est qui au juste, Di Astronauts ? Penchés sur le téléphone-haut-parleur depuis leur chambre d’hôtel de Saskatoon où ils se sont rendus accompagner la chanteuse Marième, trois musiciens parlent en même temps : Bouchard, Bélanger – deux vétérans de la scène rap/groove de Québec, membres du collectif Movèzerbe et CEA – et l’ami Papa T, le Jamaïcain le plus en vue de la ville de Québec.
« Un collectif à dimension variable ? Ouais, ça ressemble pas mal à ça », répond Bouchard, rappelant que sur ce tout premier album, Lova Notes & Outta Space Poems (paru chez Coyote Records), on peut également entendre les voix de King Abid, Sabrina Sabotage et Marième. La tribu, quoi.
Bélanger s’explique : « Di Astronauts, c’est notre laboratoire. Une excuse pour faire ce qu’on avait envie de faire depuis longtemps », soit un mélange assez habile de pop chantée en français, en anglais, en patois ou en arabe (merci King Abid !) infusée dans le dancehall et new roots jamaïcain et la musique électronique grand public. Un goûteux melting pot, brassé à plusieurs mains, cohérent malgré l’éventail d’ingrédients musicaux utilisés.
« On aime l’idée du projet collectif, poursuit le beatmaker, à la façon de Major Lazer, par exemple, ou encore Bran Van 3000 – si tu savais combien on est des fans de Bran Van, t’as même pas idée ! C’est ça le concept : avoir un noyau de producteurs-maison, qui se donnent la liberté d’inviter n’importe qui à chanter. C’est un processus qui nous parle, cette idée de donner une direction musicale globale à un projet, mais en incorporant le talent d’autres artistes, qui apportent leurs propres saveurs aux chansons. »
L’entreprise a beau avoir été calquée sur le modèle à l’efficacité démontrée de Major Lazer, elle ne manque pas d’audace dans le contexte québécois. Car ici, le reggae et le dancehall n’ont pas spécialement la cote, sinon lorsqu’un artiste pop l’aborde de manière touristique, pour ainsi dire. Consacrer quasiment tout un disque à cette musique – par ailleurs fort accrocheuse – semble ainsi être une véritable œuvre de passion.
« Un peu comme tout le monde, on aimait ça, le reggae, à travers les albums de Bob Marley, Peter Tosh, Gainsbourg aussi, explique Bob Bouchard. Marième, par contre est une grosse fan de reggae, elle nous y a intéressés davantage. Nous, nous étions plus dans la mouvance hip-hop, près des gars d’Alaclair, Movèzerbe, etc. Or, à mesure que la scène rap devenait de plus en plus blanche, de plus en plus nihiliste, on a réalisé qu’on se retrouvait mieux dans le reggae, dans l’idée de pouvoir changer le monde ensemble avec un message positif… ce qu’on appréciait du rap à la base, finalement.
Mais rendons à César : le « Capitaine du reggae » à Québec, c’est King Abid. Lui, quand il est arrivé, il a voulu fonder une scène reggae ici » et il y est parvenu : les radios alternatives et universitaires pullulent d’émissions dancehall-reggae et plusieurs soirées consacrées au genre sont organisées. Comme le dit Bob, « y’a pas énormément de monde qui soutiennent la scène reggae à Québec, mais ceux qui aiment ça, y’aiment ça en tabarnak ! »
« Nous, on l’aime, le reggae, et on le fait de façon très actuelle, pense Bouchard, en évitant de le faire en nostalgie, ou de manière « touristique ». Aussi puisque la musique se consomme sur des plates-formes de streaming, notre stratégie est de faire de la musique qui puisse voyager et faire des gestes en conséquence, comme d’aller en Jamaïque avec Papa T pour tourner un clip et faire des contacts avec des chanteurs de là-bas. »
L’astuce de Di Astronauts est d’attaquer sur tous les fronts : les radios avec une ritournelle pop électronique intitulée Feelin’ Better et chantée par Sabrina Sabotage, les plates-formes et YouTube avec des grooves dancehall ensoleillés. À chaque fois, les deux rats de studio accouchent d’une bonne rythmique, puis approchent différents chanteurs pour leur donner vie.
« C’est un projet qu’on aborde à long terme, assure Lou. Ça nous permet de sortir des singles quand on veut, des EP, un clip, toujours dans cette idée de collaborations. Par exemple, on pense à faire un projet avec juste des femmes – ça s’appellerait Di Astronettess. Un autre juste en français, parce qu’on est sur Coyote Records. On pense qu’avec Di Astronauts, on a jeté les bases d’une idée qui peut perdurer sur les cinq, dix prochaines années. Ça peut être très pop, mais c’est aussi cohérent, pointu, niché. C’est ça la liberté que nous procure un projet comme celui-ci. »