Composer la musique d’un film peut facilement ressembler au travail d’un magicien. La mesure du succès d’une trame sonore est la façon dont la musique disparaît dans la texture du film pour ne signaler sa présence que par les émotions qu’elle apporte à une scène ou au jeu d’un acteur.
L’un des magiciens de la musique de film les plus accomplis est Andrew Lockington, un compositeur à l’image qui a remporté une douzaine de Prix SOCAN et qui a composé la musique de deux films qui ont atteint la première place au box-office américain, San Andreas et Rampage, mettant tous deux en vedette Dwayne Johnson et réalisés par Brad Peyton.
Sa maîtrise de son art continue d’être évidente dans de nombreux projets sur lesquels il travaille en ce moment. Il a récemment composé la musique pour la deuxième saison de Lioness, avec Zoe Saldana et Nicole Kidman, et la troisième saison du thriller Mayor of Kingstown du réalisateur Taylor Sheridan, ainsi que la toute nouvelle série Landman de Sheridan, avec Jon Hamm, Billy Bob Thornton et Demi Moore. Lockington note que le fait de travailler ensemble sur plusieurs projets permet aux compositeurs et aux réalisateurs de calibrer leur art.
Le compositeur à l’image partage son temps entre sa Toronto natale, Los Angeles et tous les endroits éloignés où il va pour collectionner des sons. Atlas, un nouveau projet de Peyton sur l’intelligence artificielle, et avant même que le scénario soit finalisé, Lockington s’est rendu dans la région de Sendai, au Japon, pour enregistrer les chants des moines et les sons ambiants dans les gares du train à grande vitesse Shinkansen.
« Je suis revenu avec un véritable trésor de matériel sonore à la fois très ancien et très moderne », explique le compositeur qui a été captivé par l’harmonie qui existe entre ces deux extrêmes. « Le Japon est tellement avancé technologiquement, mais il y a aussi une spiritualité et des traditions incroyables qui survivent en parallèle. » Cette tension a trouvé un écho dans le personnage d’Atlas, interprété par Jennifer Lopez, une analyste de données qui se méfie de l’IA mais qui doit malgré tout l’intégrer pour survivre à une mission catastrophique.
« La plus grande partie du travail consiste à trouver les thèmes – trois ou quatre bons vers d’oreille à intérioriser »
L’appel de sa future vocation a pris forme pendant les années 70 et 80 du cinéma hollywoodien et l’apogée des superproductions de George Lucas et Steven Spielberg, et des trames sonores légendaires de John Williams. Après avoir étudié la composition à l’université Wilfred Laurier de Kitchener-Waterloo (il ne lui manquait qu’un seul crédit pour obtenir son diplôme), il a commencé par composer des « jingles » publicitaires, mais c’est le cinéma qui l’intéressait. Durant un mentorat auprès du compositeur à l’image canadien Mychael Danna, Lockington a touché à tout, de changer les cordes des guitares à être responsable de l’orchestration, ce qui a été une initiation cruciale à l’industrie du cinéma. De fil en aiguille, il a cumulé de nombreuses cocréations pour le cinéma et la télé et il n’en fallait pas plus pour lancer sa carrière.
« C’était une étape très importante dans mon évolution », explique Lockington. « J’ai appris l’interaction créative entre un réalisateur et un compositeur et la manière de présenter des idées à un studio. Ça m’a permis de comprendre que le travail du compositeur ne se limite pas à s’asseoir pour écrire des mélodies, il s’agit d’une collaboration entre plusieurs personnes clés, et tu dois t’assurer que tu fais partie de l’équipe et que tu n’es pas un rebelle, comme c’est parfois le cas dans notre industrie. »
L’apprentissage de ces compétences non techniques lui a été très utile lorsqu’il est passé à son premier film pour un grand studio avec un orchestre professionnel. « Je me souviens d’être assis dans ce studio à Londres et l’orchestrateur m’a demandé si j’étais nerveux. Je lui ai répondu que non, parce que j’ai joué son rôle à lui pendant des années. »
L’un des défis des compositeurs à l’image – en particulier pour la télévision – est le calendrier très serré. Il a heureusement le don de générer rapidement plusieurs idées musicales, ce qu’il considère être la clé d’un travail cohérent. « À mon avis, la plus grande partie du travail consiste à trouver les thèmes – trois ou quatre bons vers d’oreille à intérioriser », affirme-t-il. « Tu dois composer de la musique pour 10 heures de télévision en deux mois et demi, et je veux dire l’écrire, l’enregistrer et la mixer! J’ai compris l’architecture et que tu écrives pour deux heures ou dix heures, le point de départ est le même. Je suis content d’être capable de trouver des thèmes, un peu comme pour un film, et de faire évoluer ces thèmes au fil de dix heures au lieu de deux. »
En général, durant la création d’un film, une équipe travaille sur la conception sonore et une autre sur la trame sonore, mais il y a beaucoup d’interaction entre ces équipes. Pour Atlas, Lockington a partagé avec l’équipe des effets sonores ses enregistrements sur le terrain captés dans la préfecture de Miyagi. C’est ainsi que le son ralenti d’un train à grande vitesse entrant dans un tunnel a été transformé en « cue » sur lequel l’orchestre a pu jouer. Parfois, même si c’est plutôt rare, il a l’occasion d’assister à quelque chose de semblable sur le plateau de tournage.
« J’ai travaillé sur une série intitulée Poacher avec [le réalisateur] Richie Mehta l’année dernière », dit-il au sujet d’une ébauche musicale qui n’avait pas encore trouvé sa place dans une scène. Quand il l’a entendue, Mehta a eu une épiphanie et a dit « Oh! c’est la séquence de la poursuite en train! » Et comme il ne l’avait pas encore filmée, il a joué la musique que j’avais écrite pendant que les acteurs couraient, et la synchronisation est tellement spectaculaire – parce qu’ils se déplacent au rythme de la musique, pas en marchant, mais comme une sorte d’improvisation [de danse]. C’était hallucinant de voir à quel point ça fonctionnait. »
Andrew Lockington rit de bonheur. « Après, je lui ai suggéré de toujours travailler comme ça à l’avenir! »