Il est né, a grandi et habite encore Toronto, mais la carrière de Sean Fischer en tant qu’auteur-compositeur, musicien, compositeur, producteur et remixeur, mais c’est grâce à son approche globale que sa carrière est si florissante.

Sa popularité dans des marchés comme le Mexique et la Corée du Sud lui a permis de cumuler plus de 100 millions de diffusions en continu à ce jour. Il a coécrit et arrangé « Black Clouds », une chanson qui figure sur l’album 2 Baddies du groupe pop coréen NCT 127, chanson qui a atteint le sommet du palmarès de musique du monde Billboard et qui s’est écoulé à plus de 3,5 millions d’exemplaires. Sa chanson « Sr. Tigre », enregistrée pour son projet solo baptisé French Braids, est devenue virale au Mexique et cumule plus de 20 millions de diffusions en continu.

NCT 127, Black Clouds

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« Je vais là où il y a des étincelles. Il y en a beaucoup dans le monde de la K-pop et j’y ai plongé la tête première », raconte Fischer. « J’ai constaté qu’être là en personne contribue énormément à ton succès. J’arrive de passer 10 jours en studio en Corée où SM Entertainment, une importante maison de disques là-bas, m’a fait travailler sans relâche. Je suis toujours dans mes valises. »

Ce qui aide énormément la carrière de Fischer, également, c’est son talent pour les langues – il parle couramment l’anglais, le français et l’espagnol – et sa maîtrise du langage musical d’un grand nombre de genres. « Je dois sûrement être parmi les producteurs les plus diversifiés au Canada », croit-il. « Je peux travailler sur une ballade de Céline Dion aussi bien que sur un remix house tropical mexicain sous mon alias French Braids. C’est cette diversité qui me permet de garder ma fraîcheur créative. »

La chanson de Dion à laquelle il fait référence est la nouvelle chanson de la superstar, « Waiting on You », qui figure dans le film – dans lequel elle apparaît d’ailleurs – Love Again, et il va sans dire que c’est le genre de placement qui donne un immense coup de pouce à une carrière. « Cette chanson-là a vu le jour lors d’une séance d’écriture avec Liz Rodrigues il y a six ans », se souvient-il. « Pour Céline, il ont pris mon démo et l’ont recréé de A à Z avec un orchestre symphonique de 70 musiciens. Quand j’ai entendu ça, j’ai fondu en larmes, carrément. C’était la plus belle chose que j’avais jamais entendue! »

Fischer a une feuille de route impressionnante avec de nombreux autres artistes canadiens. Il est crédité comme auteur et producteur sur l’album certifié Or de Jazz Cartier, « Tempted », et on compte parmi ses autres réalisations récentes BANNERS, La Zarra, Banx & Ranx, Preston Pablo et Dragonette, sans compter celles avec des artistes internationaux comme Fitz and the Tantrums, A Boogie wit da Hoodie, Tim Atlas, Now United, la vedette K-pop star Taeyeon et Inna & Farina.

 Son parcours non conventionnel comprend des études en piano jazz avec le légendaire Hilario Duran puis au Humber College, des études semblables à l’Université McGill et à La Havane, à Cuba, et, à la fin de son adolescence, un passage dans un groupe rock de Toronto.

YoSoyMatt, French Braids, Sr. Tigre

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« On a signé un contrat avec Sony, mais au bout d’un an j’en ai eu ras le bol », raconte-t-il. « Après m’être démené pour jouer dans des clubs pour 75 $ par soir et m’engueuler avec les autres membres du groupe, j’ai décidé qu’il devait y avoir mieux. J’ai commencé à faire des stages avec des compositeurs à l’image comme studio The Hive. J’ai essentiellement leur orcé à me laisser “pitcher” des projets gratuitement, et j’ai décroché des chansons thèmes pour HGTV et CTV News, des compositions pour lesquelles je touche encore des redevances dix ans plus tard. C’était la première étape de ma véritable carrière de producteur. »

Fischer jongle avec deux identités créatives parallèles, l’une en tant qu’auteur-compositeur, producteur et remixeur à la pige et l’autre en tant que French Braids. Dans le premier cas, il a signé un contrat d’édition avec Honua Music, tandis que French Braids est sous contrat conjoint avec Sadboy Records et Armada Music.

« Ça peut devenir compliqué avec toutes ces ententes qui se recoupent », avoue-t-il. « Mes avocats me détestent parce que je dois constamment établir des exceptions dans mes contrats, mais je fais de mon mieux pour maintenir une frontière entre mes différentes images de marque. French Braids c’est de l’électronique pur, des remixes pour les pistes de danse. Mon profil Spotify correspondant a un vibe électronique très cohérente, tu ne trouveras aucun de mes morceaux pop là-dedans. »

Une collaboration avec l’artiste mexicain YoSoyMatt a permis à Fischer/French Braids de devenir une star dans ce pays. « Pendant la pandémie, je contactais des producteurs au hasard pour leur offrir de remixer leurs trucs gratuitement », se souvient le remixeur. « Je suis tombé sur YoSoyMatt et j’ai remixé sa pièce “Sr. Tigre” et c’est devenu viral avec près de 15 millions de “streams”. Ça m’a fait voyager au Mexique où j’ai été invité à jouer dans de gros festivals et les gens me reconnaissaient dans la rue. Grâce à cette magie mexicaine, ma page d’artiste compte près d’un million d’auditeurs par mois. »

Trois conseils pour les apprentis producteurs/auteurs-compositeurs professionnels

  • « Pensez à l’échelle mondiale. J’aime le Canada, la SOCAN et tous nos magnifiques systèmes, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un marché minuscule à l’échelle planétaire. C’est tellement facile d’organiser une session Zoom en Australie ou en Corée. Ouvrez-vous à des marchés beaucoup plus gros que le vôtre. »
  • « N’oubliez pas qu’une séance d’écriture de chanson est un événement très personnel et social. Comportez-vous comme une personne avec qui les autres artistes dans la salle aimeraient aller prendre une bière. Ne pensez pas seulement aux affaires, ça va immédiatement déplaire à tout le monde. J’ai appris ça de mon éditeur qui est norvégien et on commence chaque séance par un café et une jasette à propose de la vie en général. »
  • « C’est plus facile à dire qu’à faire, mais soyez ultra familiers avec la chanson, sa structure, sa mélodie et ses paroles. Si, en tant que producteur, t’es pas capable de chanter plein de « hits » à la guitare autour d’un feu de camp, c’est que t’es pas mal limité dans tes capacités de producteur. À mon avis, les meilleurs producteurs sont – théoriquement – capables de tout faire seuls. »


Il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais entendu un album canadien dans la même veine que Good Luck de Debby Friday. Ce premier album de la chanteuse et productrice nigériane établie à Toronto est une véritable poussée d’adrénaline de fusion musicale ultra moderne où s’entremêlent rave, rap, industriel, alternatif, R&B et hyperpop – pour ne nommer que quelques-uns des ingrédients. La biographie officielle de Firday la qualifie d’« antihéroïne zilléniale » et quand on lui demande comment elle qualifie son style musical, elle se contente de dire « hybride ».

Debby Friday, What A Man, video

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Son histoire est à la fois typique de bien des jeunes canadiens de première génération et unique à son parcours et sa vision créative. Elle est d’abord arrivée à Montréal avec ses parents et elle a étudié dans une école catholique pour jeunes filles à Westmount avant de graduer dans la scène des clubs « after hours ». Plus jeune, elle rêvait de devenir auteure plutôt que musicienne.

« J’ai toujours été une enfant très créative » dit-elle au téléphone quelques jours avant le début de sa tournée européenne. « J’écrivais beaucoup quand j’étais jeune en me disant que je deviendrais peut-être auteure. Je n’avais toutefois pas la notion de faire carrière dans les arts parce que c’est simplement pas quelque chose qui faisait partie de la façon dont j’ai été élevée. Mes parents me soutiennent pleinement aujourd’hui, mais ils n’avaient simplement pas le contexte pour comprendre ce genre de travail ou d’industrie. On a beaucoup plus de choix, les jeunes de ma génération. On peut essentiellement créer notre propre carrière et c’est exactement ce que j’ai fait. »

Good Luck  – paru chez Arts & Crafts au Canada et Sub Pop pour le reste du monde, nous arrive dans la foulée d’une série de simples et de EP qui ont cimenté la réputation de Debby Friday en tant qu’artiste à surveiller – carrément. Elle détient une maîtrise en beaux-arts et ses vidéoclips sont fortement influencés par ses études et sa passion pour l’art de raconter des histoires en images. Le clip de son simple « What a Man » fait référence à la tristement célèbre peinture du 17e siècle Judith tuant Holopherne d’Artemisia Gentileschi – l’une des seules artistes professionnelles de l’ère baroque en Italie. Elle a également lancé un court-métrage d’horreur surréaliste pour accompagner son album. Mais malgré tout cela, il n’y a pas un art qui se compare à la création d’une chanson, selon elle.

« Je crois que la musique est la forme d’art la plus rassembleuse parce que tu n’as pas besoin de parler la langue de la chanson », dit-elle. « En fait, une chanson n’a même pas besoin d’avoir des paroles pour que tu ressentes une connexion avec elle et avec les gens à travers elle. Des gens aux quatre coins de la planète peuvent ressentir la même chose quand ils entendent un morceau de musique. Je trouve ça absolument magnifique. »

L’artiste nous explique que pour son premier album, elle souhaitait faire passer son écriture et son talent de productrice à un niveau supérieur. « Avant, j’étais très à l’aise avec un seul mode d’expression, mais pour ce projet, je voulais être un peu plus ouverte et vulnérable. Je sentais en dedans de moi ce petit côté qui disait “OK, c’est le temps de faire les choses autrement. Il faut aller plus loin.” J’ai écouté cette voix intérieure et je l’ai suivie. »

Debby Friday, So Hard To Tell, video

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Une partie de ce processus a consisté à travailler avec Graham Walsh, un membre du groupe électronique expérimental Holy Fuck qui a produit d’autres artistes comme Operators, Doomsquad, Sam Roberts Band et coécrit avec Lights. Friday, qui a l’habitude d’écrire, enregistrer, mixer et produire sa propre musique, a rencontré Walsh par l’entremise de son équipe de gérance et comme elle le dit, « il a tout compris du premier coup ». Son bouquet de 17 chansons – écrites majoritairement durant les confinements pandémiques – a été concentré pour devenir 10 petites pièces qui résument des décennies d’histoire de la musique électronique en 33 minutes de plaisir pop. On y retrouve des pièces parfaites pour les pistes de danse comme la très rythmée « I Got It » (avec Chris Vargas du groupe montréalais Pelada/Uńas) ou encore la sinueuse – et biblique – « Let You Down » qui explorent le côté sombre de l’âme, mais aussi des pièces comme la magnifique ballade « So Hard to Tell ».

Friday croit que cet aspect exploratoire de son art est le résultat direct d’avoir grandi à l’ère numérique. « On a accès à ce qui se résume essentiellement à une archive de toute la pensée humaine et toute l’histoire de la musique », affirme-t-elle. « Il ne reste plus qu’à choisir ce qui t’intéresse, ce qui marche pour toi. J’adore expérimenter. Je veux créer de jolies choses. On est rendu à un point dans l’histoire où tout est devenu autre chose – il n’y a plus nécessairement de contexte unique pour une chose donnée. C’est pour ça que j’appelle ma musique simplement un hybride. »



Leith Ross (iel), qui est originaire d’Ottawa et vit désormais à Winnipeg, est devenu une sensation à la vitesse d’Internet grâce à ses simples « Orlando » et – surtout – « We’ll Never Have Sex » qui ont explosé sur TikTok. Cette dernière a cumulé plus de 37 millions d’écoutes sur Spotify et un million de visionnements vidéo, sans compter d’innombrables reprises et vidéos sur TikTok par ses fans.

En 2022 uniquement, Ross a donné des spectacles à guichets fermés dans toute l’Amérique du Nord et plus d’assurer les premières parties des tournées européennes de Lord Huron, Andy Shauf et Helena Deland. Ross a reçu la toute première édition du John Prine Songwriter Fellowship du Newport Folk Festival et le magazine NME a dit qu’iel est l’auteurice-compositeurice préféréx de la génération Z en plus de signer un contrat mondial avec Interscope/Republic Records. Son succès a été remarquablement rapide, tout comme son processus de création.

« Je n’écris jamais de chansons sur une longue période », affirme Ross. « Je ressens une émotion à propos de quelque chose et ensuite j’ai le “feeling” que ça pourrait faire une bonne chanson. À partir de là, écrire cette chanson est la seule chose à laquelle je peux penser pendant une heure ou deux. C’est super intense et envahissant, et après c’est derrière moi. »

En revanche, le processus d’enregistrement du premier album de Ross, To Learn, paru en 2023, a été délibérément lent, l’artiste ayant pu profiter de l’espace et de la sécurité émotionnelle nécessaires à l’enregistrement de sa musique sensible et authentique. Iel l’a enregistré avec Joey Landreth (des Bros. Landreth), un musicien dont iel admire le talent depuis longtemps. Leur amitié – et le fait que Ross habite tout près du studio – a permis de créer un processus d’enregistrement « chill » et « spontané ».

« C’est très agréable de pouvoir prendre le temps de réfléchir et prendre les bonnes décisions quand t’enregistres de la musique pleine de vulnérabilité », explique Ross. Des fois, quand j’écrivais une chanson vraiment vulnérable… au lieu de passer la moitié de la journée à l’enregistrer, on pleurait, on parlait, et vivait ce qu’on avait à vivre par rapport à ça ; c’était merveilleux de pouvoir faire ça. Ç’a complètement changé ma façon de voir l’enregistrement d’une chanson. »

Leith Ross, Video, We'll Never Have Sex

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Cette vulnérabilité est la marque de commerce de plusieurs de leurs chansons, en particulier « We’ll Never Have Sex », une chanson qui a profondément touché le public de Ross qui se reconnaît dans ses textes très personnels et universels à la fois. Iel y exprime des sentiments complexes à propos des relations amoureuses et de l’intimité sexuelle. Pour ses fans, la chanson évoque – selon l’interprétation qu’ils en font – l’expérience queer, l’asexualité et l’envie de pouvoir passer du bon temps en compagnie d’une autre personne sans s’attendre à avoir des relations sexuelles.

« Je me sentais vraiment isoléx par mes émotions quand j’ai écrit ça. J’avais l’impression que la gens à qui j’en parlais ne comprenaient pas vraiment ce que je disais. » La puissance – et la différence – de la réaction du public à cette chanson a surpris l’artiste qui avoue que cette réaction a été « follement thérapeutique ». « Tout le monde vit le fait d’être humain à sa façon, mais j’ai la chance de participer à faciliter une partie de cette expression », affirme Ross.

Le vidéoclip officiel de « We’ll Never Have Sex », que Ross a réalisé, produit et dans lequel iel est en vedette en compagnie de son ami·e·x Fontine et on les voit danser une ronde avec des moustaches dessinées sous le nez. Cette scène splendide évoque des images d’innocence et le lent tourbillon d’un manège. Ross affirme que la magie de la vidéo est le fruit des efforts communs de leurs ami·e·x·s qui ont participé au tournage. L’amitié et la communauté ont une importance vitale pour Ross, mais contrairement à la rapidité de son succès, trouver la sécurité au sein de cette famille et de ses proches a été un processus beaucoup plus lent.

À ses fans dont les vulnérabilités ne sont pas encore embrassées par une communauté qui les accepte, iel avoue que le processus peut être long et que c’est un processus qui nécessite « des essais et des erreurs, un but et une intention ». À quiconque se sent isolé, Ross a le conseil suivant : « Faites preuve de patience et de gentillesse. Si vous faites preuve de gentillesse et vous faites de véritables efforts pour soutenir la communauté dont vous souhaitez faire partie, ça va fonctionner. » Après avoir réfléchi pendant un moment, iel ajoute que même si c’est important de permettre à tout le monde de vivre sa propre humanité, il faut quand même garder certaines limites.

Une telle sagesse s’est gagnée à la dure tout au long de la vie de Ross. C’est comme si son âme lui parlait doucement et que ce monologue intérieur rendait la vie et la guérison des autres plus facile. C’est de cette façon que ses chansons tristes auxquelles tout le monde peut s’identifier réussissent à redonner espoir aux personnes qui sont prêtes à entendre son message.