Des décennies avant de devenir un « hit maker » pour Madonna, Britney Spears et, plus récemment, High Valley, Jenson Vaughan, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, ne savait rien du talent artistique nécessaire à la création d’une chanson. Il l’a simplement attrapé au vol.

« J’avais formé un petit groupe a capella », raconte-t-il en parlant de l’époque où il fréquentait l’école secondaire. « Et grâce à mon profil jazz, je savais comment arranger et comprendre la musique. Rapidement, les gens nous disaient que nous avions une belle sonorité et que nous devrions composer notre propre musique. Aucun d’entre nous ne connaissait d’auteurs-compositeurs et l’idée d’écrire notre propre musique ne nous était jamais venue. »

« Je leur ai donc dit que j’allais écrire une chanson pour notre groupe. Quand je suis rentré chez moi, ce soir-là, je me suis installé et, entièrement dans ma tête, sans l’aide d’un quelconque instrument, j’ai commencé à assembler les voix, le refrain, les paroles et la mélodie. Ça me venait tout naturellement. Le lendemain, je leur ai présenté le résultat et tout le monde était sous le choc. C’est là que je me suis dit que s’ils n’en sont pas capables et que moi je le suis, j’avais peut-être un talent inné pour ça. »

Étrangement, toutefois, il faudra encore quelques années avant que Vaughan, qui a coécrit « This Is What It Feels Like » d’Armin van Buuren et Trevor Guthrie, chanson finaliste aux Grammys et lauréate d’un prix JUNO, embrasse ce talent. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il s’est établi à Las Vegas pendant un an et y a formé un groupe folk-rock en compagnie de son collègue auteur-compositeur Jason David et ils ont joué dans les petits cafés de la ville jusqu’à ce que Jenson tourne son regard vers Vancouver. « Mon grand frère vivait là et je n’avais pas envie de retourner en Nouvelle-Écosse », raconte Vaughan. « Je voulais poursuivre mon aventure et continuer d’apprendre. »

« C’était beaucoup de travail et de manière graduelle, je refusais de me contenter du niveau où j’étais, je voulais m’améliorer constamment. »

C’est donc à 26 ans que Jenson Vaughan est officiellement devenu auteur-compositeur « sur le tard ». Il s’est créé un compte MySpace et y a téléversé quelques-unes de ses compositions pour tâter le terrain. Outre les commentaires positifs qu’il a reçus, Vaughan a également reçu des offres de personnes qui lui proposaient de placer ses chansons en lui disant qu’il pourrait faire de l’argent. « Je me suis dit “Oh ! Expliquez-moi comment ça fonctionne !” », se souvient-il. « J’ai commencé à bâtir un réseau de personnes qui m’ont appris comment ça fonctionne. Dès l’instant où j’ai compris que je pouvais transformer mon talent en métier, j’ai laissé tomber tout le reste. Je me suis investi à 100 %. Il m’a simplement fallu un moment pour réaliser que je pouvais le faire. »

Il a passé les cinq années suivantes dans son sous-sol de Surrey à peaufiner son art tout en travaillant sur de nombreux projets. « J’ai eu quelques petits succès dance ici et là avant de connaître le véritable succès. N’empêche, à l’époque, la moindre parcelle de succès me paraissait comme une réussite monumentale », avoue-t-il. « Je n’avais pas réussi grand-chose jusque là, quelques petits succès par-ce, par-là, une chanson qui était lancée en Italie, par exemple, et je prenais un nouvel élan à partir de ça. »

« Là où ç’a vraiment cliqué, c’est avec Steve [Smith] et Anthony [Anderson] de SA Trackworks, une équipe de création et de production de Vancouver », poursuit Vaughan. « En 2009, ils ont fait appel à moi pour la création d’une chanson intitulée “Take Your Hands” pour un groupe japonais appelé Tohoshinki. Notre chanson a été sélectionnée et s’est écoulée à quelque chose comme 350 000 exemplaires. Je n’en revenais pas ! Mon premier chèque de redevances était de quelque chose comme 8000 $, ou dans ces eaux-là. Et la première fois que j’ai touché 70 $, je n’en croyais pas mes yeux. Je me suis dit, si tu peux faire 70 $, tu peux aussi faire, 700 $, et ainsi de suite. C’était beaucoup de travail et de manière graduelle, je refusais de me contenter du niveau où j’étais, je voulais m’améliorer constamment. »

Mais malgré son appétit pour le succès, il a fait preuve de patience et a éventuellement été mis sous contrat par Patrick Moxey chez Ultra Music Publishing. « Je crois que j’attendais la bonne offre », confie Jenson Vaughan. « Peu de temps après, on m’a demandé de créer une chanson pour Benny Benassi et j’en ai écrit une autre qui a fini par être vendue à Madonna. C’est également Patrick qui m’a présenté à l’équipe d’Armand van Buuren… Tout ça m’a permis d’évoluer sur tous les fronts. »

« Girl Gone Wild », le numéro 1 aux États-Unis et à travers le monde, le DJ et producteur italien Benny Benassi avait fait parvenir la chanson à Vaughan par le biais de Moxey. « J’ai ajouté les paroles et la mélodie, je leur ai retournée, et ils l’ont adorée », se souvient Vaughan. « Puis, deux semaines plus tard, Patrick m’a laissé un message qui disait “M aime la chanson”. Je me suis dit, “mais de quoi il parle ?” Et là, je me suis dit, “attends, il ne peut pas sérieusement être en train de parler de Madonna.” C’est comme ça que je l’ai appris. »

Depuis, Vaughan a contribué son talent à des chansons pour DJ Antoine (« Bella Vita », un succès sur les palmarès suisses) ; Steve Aoki (« Delirious [Boneless] »); Era Istrefi (“BonBon”); Omi (“Hula Hoop”); Kelly Rowland (“What A Feeling”); Britney Spears (“Til It’s Gone”); et, tout récemment, le nouveau simple de High Valley, « I Be U Be », en plus du simple qui marquera le retour de Taio Cruz, « Signs ». Selon Vaughan, ses co-créations ont cumulé des ventes globales d’environ 10 millions d’exemplaires à ce jour.

Jenson Vaughan l’auteur affirme qu’il crée le plus souvent au piano. « J’écris paroles et musiques », dit-il. « Je fais également les arrangements. Il est toutefois assez rare que je réalise entièrement une chanson. J’écris souvent au piano, quelques fois à la guitare. Avant, j’écrivais plus à la guitare, même si je ne suis pas un très bon guitariste. J’entends une mélodie ou un arrangement dans ma tête et je l’écris comme je l’entends. »

Vaughan explique qu’habituellement, un producteur va lui faire parvenir l’instrumentation, ou alors il va commencer la création en solo. « J’écris la mélodie ou les paroles à partir de ce que le producteur m’envoie », explique-t-il. « Ou encore je vais créer la chanson moi-même, l’envoyer à différents producteurs, choisir la version qui me plaît le plus et ensuite l’offrir à différentes maisons de disques. » À mesure que sa réputation grandit, Vaughan est de plus en plus en position de collaborer directement avec l’interprète ou son équipe de production afin d’élaborer les arrangements et l’enregistrement. « Je suis agréablement surpris de la tournure des choses », avoue l’artiste.



De porte-étendard du mouvement folk contestataire à chanteur pop/rock à succès, Paul Piché a marqué à jamais l’histoire de la musique au Québec. À l’occasion de son 40e anniversaire de carrière, l’auteur-compositeur-interprète minervois aborde l’histoire et la relation qu’il entretient avec 10 de ses plus grandes chansons, en compagnie de proches collaborateurs d’hier et d’aujourd’hui.

Heureux d’un printemps (Paul Piché – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album À qui appartient l’beau temps? (1977) – Classique SOCAN

Paul Piché : « Je me souviens parfaitement du moment où j’ai eu l’inspiration de cette chanson. J’étais en auto sur le boulevard Saint-Joseph et, quand j’ai tourné sur Christophe-Colomb, les deux premières phrases me sont venues en tête. J’ai arrêté ma vieille minoune tout de suite pour noter ça. Ça représente bien ce que je ressentais par rapport au printemps à l’époque : le sentiment d’aimer cette saison, mais aussi l’impression d’avoir manqué l’hiver. Je crois que n’importe quel Québécois peut se reconnaitre dans cette chanson. C’est comme s’il fallait avoir absolument vécu l’hiver pour comprendre la spécificité du printemps québécois et, par conséquent, son effet de libération. »

Robert Léger, co-réalisateur de l’album : « C’est cette chanson qui m’avait séduit lorsque Paul avait fait la première partie de Beau Dommage à Sainte-Thérèse en 1974 ou 1975. Je savais que ça allait être un hit parce que ça avait le potentiel de rejoindre bien du monde, autant à droite qu’à gauche. »

Michel Rivard, musicien sur l’album : « C’est une chanson très rassembleuse, qui se démarque de toutes ses premières compositions. Avec elle, Paul prouvait qu’il était à la fois pertinent et rassembleur dans ses idées, à la fois un poète talentueux et un bon mélodiste. »

Mon Joe (Traditionnel / réarrangements : Paul Piché, Pierre Bertrand – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album À qui appartient l’beau temps? (1977)

Paul Piché : « C’est une chanson folklorique québécoise que j’ai découverte par l’entremise d’une bande de jeunes qui habitait dans une commune. Quelqu’un de leur entourage venait de mourir, alors ils chantaient ça au ralenti avec un ton solennel, un peu bluesé. C’était assez inusité comme relecture, car à la base, la chanson est très rythmée. »

Robert Léger, coréalisateur de l’album : « Paul a eu l’idée d’adapter cette chanson seul à la guitare avec l’aide de Pierre Bertrand. On l’a ensuite aidé à lui donner une couleur plus rock, ce qui n’a pas été évident, car Paul avait toujours un pied sur le break. C’était quelqu’un de très puriste, qui se méfiait beaucoup de la musique américaine et de tout ce qui pouvait être commercial. Une partie de mon rôle a donc été de le pousser à essayer des affaires. Je crois que ça a pris huit caisses de bière avant qu’on réussisse à le convaincre qu’on n’allait pas nécessairement nuire à la cause ouvrière en ajoutant de la basse dans ses chansons ! »

Y’a pas grand-chose dans l’ciel à soir (Paul Piché – éditions de La Minerve) – tirée de l’album À qui appartient l’beau temps? (1977)

Paul Piché : « Ça, c’est ma plus vieille chanson connue. Je me suis inspiré d’un poème de Gérald Godin qui parlait des révolutavernes et des molsonnutionnaires. Ça me faisait penser à moi et à tous ces révolutionnaires de taverne qui pensent à changer le monde en prenant une bière. J’me disais qu’en m’autocritiquant de la sorte, ça me permettrait de critiquer la société. Je me rappelle avoir chanté la chanson pour la première fois au café étudiant de mon cégep. L’accueil a été très fort en partant. »

Koriass, collaborateur au spectacle 40 printemps : « J’ai découvert cette chanson à l’adolescence grâce à une reprise du groupe Kermess. J’étais un grand fan de rock québécois à l’époque, et la pièce est devenue un hymne incontournable qu’on chantait à la Saint-Jean. C’est un réel classique de la musique d’ici. »

L’escalier (Paul Piché – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album L’escalier (1980)

Paul Piché : « Je la trouve très importante, celle-là. En fait, j’ai voulu appeler mon album L’escalier afin qu’on remarque cette chanson. L’inspiration m’est venue après avoir ressenti un vide en descendant un escalier sur le rue Amherst au coin de René-Lévesque. Sans pouvoir le définir, ce vide intérieur représentait ma solitude et cette difficulté que j’avais à m’aimer. Par la suite, c’est devenu une chanson qui parle plus largement et qui dit, au fond, qu’on peut réussir à changer le monde si on se met tous ensemble. Pour en arriver là, ça a été très long… L’écriture s’est étirée sur au moins un an. »

Robert Léger, coréalisateur de l’album : « Paul a toujours été très méticuleux dans l’écriture de ses textes. Parfois, il pouvait avoir écrit 100 versions d’une chanson avant d’avoir en main la version finale. Du lot, L’escalier semblait lui causer particulièrement problème. Il avait plein de bouts qu’il aimait, mais il ne savait plus où ça s’en allait. Autour d’une bière un soir, il m’a dit qu’il avait réglé son problème. La chanson allait commencer en haut de l’escalier et finir tout en bas. »

Michel Hinton, pianiste sur la chanson et coréalisateur de l’album : « C’était vraiment une saga, L’escalier. Le texte était tellement long au début que la chanson aurait pu durer 20 minutes ! En studio, on ne savait pas trop quoi faire avec ça. On avait une manière de fonctionner très collégiale, alors on essayait les idées de tout le monde. On a notamment ajouté de la batterie et de la basse, sans vraiment que ça aboutisse à quelque chose. Pris dans une impasse, j’ai proposé à Paul de l’enregistrer piano-voix. C’est cette version qu’on a choisi de garder. »

Ses yeux (Paul Piché, Pierre Huet, Michel Hinton – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album Nouvelles d’Europe (1984) – Classique SOCAN

Paul Piché

Paul Piché : « Cette chanson marque l’époque où je me suis permis de sortir de mon personnage de chansonnier folk pour aller vers des sons plus modernes. Il y a beaucoup de monde qui était pas content de ce virage-là… Juste que je me rase, ça avait presque fait scandale ! »

Michel Hinton, claviériste sur la chanson : « On avait avec nous l’ingénieur Paul Northfield qui, avec son synthétiseur exceptionnel, a beaucoup influencé le son de cette chanson et de cet album-là. »

Pierre Huet, coauteur de la chanson : « Avant d’entrer au studio à Morin-Heights pour quelques semaines d’écriture et d’enregistrement, j’étais monté chez Paul à La Minerve. Il m’avait montré une magnifique suite d’accords à la guitare, à partir de laquelle on a commencé à travailler. À l’époque, Paul et moi, on faisait les mauvais garçons dans les bars malfamés, à boire et à courtiser des dames. On s’est donc tout simplement inspirés de nos épisodes nocturnes pour en arriver là. C’est le récit de notre vie de jeunes célibataires. »

Cochez oui, cochez non (Paul Piché, Pierre Huet, Michel Hinton – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album Nouvelles d’Europe (1984)

Rick Haworth, guitariste sur la chanson : «Je me souviens qu’on a fait ça à Morin-Heights, dans la petite maison de Paul Northfield, à côté du studio. On a passé 2-3 jours là et, à un moment donné, j’ai fait un petit riff de guitare super cheesy et quétaine. À ma grande surprise, les deux Paul ont trouvé ça super bon, alors que moi je faisais juste jouer de quoi d’un peu niaiseux pour faire une joke ! Au début, quand j’ai vu qu’ils étaient sérieux, j’étais pas content, mais quand on est arrivés en show et que tout le monde reconnaissait ma ligne de guitare après une seconde, j’ai compris que ça marchait et que c’était efficace. »

Paul Piché : « Les gens ont senti que cette pièce était en lien avec le référendum, mais c’était vraiment pas le cas. Pierre et moi, on voulait mettre en lumière la froideur de la bureaucratie à travers un propos social, et non nationaliste. Reste que j’ai toujours laissé les gens interpréter le texte comme ils le voulaient. Quand ils venaient m’en parler backstage, je les obstinais pas. »

Pierre Huet, co-auteur de la chanson : « Paul était venu me voir sur la rue Casgrain, où j’habitais. Il m’avait fait monter dans son auto pour me faire entendre la cassette avec le riff de base qu’il venait d’enregistrer. On a fait 2-3 tours du bloc et on est montés chez nous pour écrire ça. C’est un des derniers souvenirs d’écriture que j’ai avec Paul, car après cet album-là, on a eu une petite chicane de couple. On est redevenus amis vite, mais on a jamais retravaillé ensemble. Comme j’ai dit au public lors d’un hommage à Paul aux Francofolies, c’est tant mieux qu’on se soit chicanés, car après Nouvelles d’Europe, il a fait Sur le chemin des incendies et il en a vendu quatre fois plus ! »

Car je t’aime (Paul Piché – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album Sur le chemin des incendies (1988) – Classique SOCAN

Paul Piché : « C’est une chanson inspirée de l’expérience de l’amour, pas nécessairement en lien avec une quelconque expérience vécue. Ce qui est spécial, par contre, c’est que cette chanson, j’ai pu la revivre dans ma vie personnelle quelque temps après. On peut parler d’une chanson prémonitoire. »

Rick Haworth, guitariste sur la chanson : « C’est Glen Robinson qui a fait les prises de son là-dessus. Il a compressé la guitare et la batterie pour en arriver à un son chaud et très large, que j’aimais beaucoup. En réécoutant la chanson récemment, je me suis rendu compte qu’elle contenait  beaucoup de choses qui font maintenant partie intégrante de la façon dont je joue de la guitare. À l’époque, j’étais assez jeune, et Paul m’a donné beaucoup de liberté. »

J’appelle (Paul Piché, Robert Léger, Michel Hinton – Éditions de La Minerve et Éditions Mouche à feu) – tirée de l’album Sur le chemin des incendies (1988) – Classique SOCAN

Paul Piché : « C’est une observation introspective durant laquelle je me suis laissé guider par les mots. À ce moment, j’étais blessé intérieurement, souvent triste. Je suis donc allé me réfugier à ma cabane à La Minerve. J’ai regardé au loin et j’y ai vu l’image d’un loup, lui aussi solitaire. J’ai donc eu l’idée de me mettre à sa place. Au fur et à mesure que j’écrivais, ce loup se mettait à symboliser la nature blessée. »

Robert Léger, co-auteur de la chanson : « Quand Paul est venu me voir, il avait à peu près huit lignes d’écrites. Le loup était déjà dans l’histoire, mais le défi, c’était de le faire parler, de savoir comment il se sent. Durant 10 ou 12 nuits, de 9h du soir à 3h du matin, on écrivait, en passant chaque phrase au crible. Durant une bonne soirée, on pouvait trouver trois phrases, ce qui était plutôt satisfaisant pour un auteur-compositeur comme Paul. »

Voilà c’que nous voulons (Paul Piché, Audrey Benoît, Rick Haworth – Éditions de La Minerve et Éditions Nigowarh) – tirée de l’album L’instant (1993)

Rick Haworth, co-compositeur de la chanson : « J’avais commencé une esquisse à la maison avec du banjo, que Paul avait trouvée vraiment cool. Ça sonnait un peu trop folk, alors on a travaillé longtemps dessus en studio pour trouver la bonne tonalité. En fin de compte, ça a donné l’une des tounes les plus rock qu’on n’a jamais faites. »

Paul Piché : « C’était une proposition plus épurée, plus crue. On laissait tomber les sons de synth, le crémage, le gros reverb… Le texte, je l’ai écrit avec ma blonde de l’époque, Audrey Benoît. On voulait exprimer que la volonté de faire l’indépendance du Québec n’était pas une fermeture aux autres, qu’il n’y avait rien de raciste ou de religieux là-dedans. Au contraire, on voulait dire que la souveraineté, c’était la meilleure façon d’amener nos différences à l’international et de faire de chacun de nous des citoyens du monde. »

Audrey Benoît, co-auteure de la chanson : « Voilà c’que nous voulons est un cri du cœur, pour dire le vrai, le cru, l’essentiel. Ma participation à cet appel, ou ma conviction profonde, c’était de confirmer l’aspect actuel de la question, le fait que “non, il n’est pas qu’un vieux rêve, il est aussi ce qu’il a semé”. “Il” représentait le projet de pays, et ce “projet de pays” ne venait pas de nulle part et méritait qu’on l’écoute, comme on écoute son grand-père ou Gilles Vigneault. Au départ, Paul et moi avons eu quelques débats à propos de cette chanson, que je pensais “trop simple” ou peut-être trop directe. J’ai été la première surprise par la réaction des foules en spectacle. »

 

Ne fais pas ça (Paul Piché – Éditions de La Minerve) – tirée de l’album Le voyage (1999)

Paul Piché : « La chanson a des influences plus ou moins définissables, entre latino, flamenco et calypso. Ce qui est clair, par contre, c’est que j’avais une attirance marquée pour les rythmes latins. Le texte, je l’ai écrit en faisant exprès d’être malhabile, comme si j’interprétais un latino qui essayait de s’exprimer en français. »

Marc Hervieux, collaborateur au spectacle 40 printemps : « Ne fais pas ça vient me toucher particulièrement dans sa façon d’aborder la rupture amoureuse sans tomber dans le cliché d’être en petite boule dans son coin, à écouter des chansons dépressives et dures. Ça vient toucher exactement la personne que je suis. »

 

La tournée 40 Printemps de Paul Piché s’arrêtera le 17 mars 2017 au Centre Bell de Montréal avec les artistes invités Éric Lapointe, Koriass, Marc Hervieux, 2Frères, Safia Nolin; et au Centre Vidéotron, à Québec, le 20 mai 2017, avec les artistes invités Safia Nolin et Vincent Vallières.

 



Photo: Jocelyn Riendeau

Photo: Jocelyn Riendeau

Tout ce que l’on devrait savoir sur Vincent Vallières se retrouve sur une seule et même photo à l’intérieur du livret de son septième et nouveau disque, Le temps des vivants. Le cliché montre le musicien dans son antre de création, chez lui. Sur sa table de travail, des objets épars, des cordes de guitares en paquets, un Petit Robert, derrière, une murale de disques et à côté, quelques guitares et une photo d’Yvon Deschamps. C’est dans cette pièce que les premières ébauches trouvent leur chemin jusqu’au laboratoire de la seconde étape.

Pas une mince affaire de reprendre du collier après la longue et grisante aventure qui a suivi la parution de Fabriquer l’aube. On va s’aimer encore, ça vous dit quelque chose ?

« Je me suis dit : pose tes valises, vois ce que l’avenir te réserve. Depuis mes débuts en 1999, je vis le même cycle. Je termine un disque et une tournée et je recommence. Avec les années, j’ai appris à dire non parce que j’ai travaillé très fort au début de ma carrière pour me faire dire oui. On a fini notre plus grosse tournée il a deux ans au Festival de la Poutine et au moment de partir chacun de notre bord, j’ai dit aux gars : attendez-moi pas, vous êtes libres. Trouvez-vous de la job ailleurs parce que je ne sais pas quand je recommence ».

Michel-Olivier Gasse et sa blonde ont fondé Saratoga ; Simon Blouin, le batteur, s’est retrouvé en tournée européenne avec Véronic Dicaire ; et André Papanicolaou a réalisé des disques et part ces jours-ci en tournée avec Pierre Flynn. Avec eux, Vallières avait enregistré trois albums, Le repère tranquille (2006) qui s’est vendu à quarante-cinq mille exemplaires, Le monde tourne fort (2009), presque autant, à l’instar de Fabriquer l’aube (2013).

Durant ce hiatus de deux ans, Vallières est redevenu un fan de musique, il est allé voir plein de concerts et a passé beaucoup de temps à fouiner au paradis du disque vinyle montréalais, le magasin Aux 33 tours.

« Ç’a été un long processus avant que je ne lâche un coup de fil à François Plante (son nouveau collaborateur), confie le chanteur, mais je n’ai jamais douté de ma capacité à écrire des nouvelles chansons. Est-ce que je vais réussir à me surprendre encore, est-ce que je vais réussir à me dépasser ? Et ultimement : est-ce que je peux être meilleur ? » La réponse est venue en la personne de Philippe B., le prolifique musicien et réalisateur québécois. Vallières avait besoin d’une opinion franche.

« Je lui ai dit : je te joue mes tounes, pis tu me dis ce que t’en penses parce qu’il est capable de faire un diagnostic. Et j’ai engagé George Donosso III (guitares, batteries, etc.) qui travaille avec The Dears et qui a des idées très arrêtées sur le son de ses productions. À la base, ils ne sont pas des fans de ma musique, forcément, ils ne reçoivent pas mes chansons de la même manière. Dans cette optique, je veux qu’ils me brassent et qu’ils me déstabilisent. On a jammé dans notre local, à trouver des sonorités, à rajouter par exemple de la basse synthétiseur, du farfisa ou du vibraphone, chose que je n’avais jamais faite auparavant, mais en gardant l’énergie des maquettes ».

Il enchaîne : « à force de jouer plusieurs versions des maquettes, j’ai réécrit des couplets complets et même diminué certains tempos. » Pays du nord incarne parfaitement ce qu’explique Vallières. Elle est le résultat de multiples tentatives. « En fin de compte, le son final de la chanson a remodelé le texte : le personnage part dans une forme d’errance, il avance et la nuit se pointe, mais j’ai changé l’histoire. Dans mon texte initial, il y avait des enfants… »

Gagnant du Prix Félix-Leclerc de la chanson en 2005, du Prix Gilles-Vigneault en 2007, du Félix de la chanson de l’année en 2011 (On va s’aimer encore) et de plusieurs Prix Chansons populaires de la SOCAN (Café Lézard – 2008, Entre partout et nulle part – 2011, On va s’aimer encore – 2012, Loin et L’amour c’est pas pour les peureux – 2015), qu’est-ce qui a changé chez Vincent Vallières ? Et comment sa musique à la facture rock-country-folk qui lui colle tant à la peau a-t-elle évoluée ?

Le temps des vivants marque une nouvelle étape. Ça saute aux oreilles dès les premières notes. C’est un travail collectif, avec en prime Papanicolaou qui revient avec ses guitares et Amélie Mandeville qui y appose sa voix. Les chansons sont rafraîchies d’un habillage sonore plus téméraire. C’est clairement et indiscutablement encore du Vincent Vallières, mais le chemin emprunté est différent. Plus moderne. Hâte de les jouer devant public ? « Il n’y a pas si longtemps, conclue-t-il, le milieu de la chanson était très différent. La radio, en ce sens, m’a aidé. Quand tu te pointes devant trente mille personnes dans un festival et que ce n’est plus juste tes fans mais le grand public qui connaît sept ou huit des quinze chansons du spectacle, les briquets se lèvent, on chante en même temps et c’est fantastique. Les gens se reconnaissent dans les chansons des artistes, ils ont envie de les écouter. »

Et de les acheter, aurait-il pu rajouter.