Originaire des Alpes françaises, la pétillante et volubile Gaële a déménagé ses pénates à Montréal il y a dix ans afin de poursuivre des études en chant jazz et populaire à l’UQAM. Forte de son bagage d’expériences et de connaissances, elle lance un premier album à tendance fortement électro-pop (Cockpit, paru en 2007). Plus tôt cette année, elle récidivait avec Diamant de papier, un album encore mieux ciselé, aux influences plus éclectiques et à l’esprit positif. Réalisé par Cristobal Tapia de Veer (Bran Van 3000, Jorane), l’opus renferme même une pièce de Daniel Bélanger (« La folie en quatre »). C’est avec ce disque que Gaëele affirme et assume pour de bon sa dualité. « Je voguais sur une double identité : mon côté français et québécois. J’avais envie de créer des chansons qui représentaient bien ces deux aspects de moi. Sinon, je souhaitais donner un peu d’espoir aux gens et livrer un album lumineux, ensoleillé et estival. Partout, on entendait parler de crise, tout le monde disait que ça allait mal. Ce disque, c’est ma façon de faire un pied de nez à la grisaille ambiante. Il est aux couleurs de toutes les rencontres faites au cours des dix dernières années. C’est à la fois le projet le plus facile et celui qui m’a demandé le plus d’organisation, » raconte la jeune trentenaire, animée et pimpante.

Récipiendaire d’un prix d’interprétation au Festival en chanson de Petite-Vallée, Gaële prend rapidement goût à l’exercice d’ajuster le répertoire des autres à sa propre personnalité. C’est en collaborant avec d’autres artistes (entre autres Alexandre Désilets, Cusson/Mervil/Montcalm, et sa grande amie, Marie-Pierre Arthur) qu’elle affine sa plume et échafaude tranquillement son propre univers musical. « Écrire pour les autres m’a fait découvrir que l’interprète avait envie de s’exprimer. Encore aujourd’hui, j’aime mettre des mots dans la bouche de d’autres artistes. Ça me permet de grandir à travers eux car je manque encore un peu de maturité. Je ne dois pas aller trop loin dans la douleur car j’aurais l’impression de m’égarer. C’est pour ça que j’ai fait un album d’espoir. Un jour, j’irai dans le noir, mais je ne me sens pas encore assez forte pour ça. Pour l’instant, l’introspection est quelque chose que je garde secret. »
Perfectionniste jusqu’au bout des ongles et guidée par une douce folie, l’auteure-compositeure-interprète a recueilli une multitude de conseils qu’elle souhaiterait prodiguer aux artistes étrangers nouvellement installés dans la Belle Province. « On doit être persévérant. Ici, il faut comprendre que le territoire est vaste, mais qu’il n’est pas très peuplé. Beaucoup de gens font de la chanson, mais il y a moins d’oreilles qu’en France pour écouter les nouveaux talents. C’est plus difficile de percer. Il ne faut surtout pas s’impatienter, ne pas lâcher. Il y a de la place pour tous les artistes acharnés dont la démarche est sincère. Ce que j’ai découvert au fil des ans, c’est que ce qui m’intéresse essentiellement est d’avoir un parcours et une démarche qui me ressemble, » confie la pétillante dame.

Grande admiratrice de la démarche artistique de Francis Cabrel et amateure d’Elton John, période Rocket Man, la jeune femme considère avoir bien réussi son intégration. Ravie de l’ouverture d’esprit des gens de sa terre d’accueil, l’expatriée a rapidement découvert une façon de faire les choses : avec intégrité, en toute simplicité et en procédant par essais et erreurs. « Immédiatement, j’ai aimé la mentalité des gens d’ici. La France a un discours plus intellectuel et hiérarchique. Je suis une fille instinctive et j’ai voulu m’offrir cette liberté en venant ici. C’est très représentatif de ma démarche artistique. J’ai un côté marginal et je fais les choses à mon rythme tout en restant maître de mes projets. Je veux choisir ce que j’ai envie de faire et quand j’en ai envie, » insiste-t-elle.

Pour la chanteuse et pianiste, la composition de ses chansons, tantôt fragiles, tantôt percussives, relève essentiellement d’une certaine naïveté et d’un talent à enjoliver le quotidien tout en dénichant des images fortes. « Je n’ai jamais connu le syndrome de la page blanche. Je suis comme une petite fille : j’adore jouer et j’aime lorsque l’écriture demeure un terrain de jeu. J’ai un cœur d’enfant et j’ai besoin de me nourrir des autres, de couleurs, de sons. Je suis très rêveuse et j’ai besoin de l’imaginaire, de choses qui me bouleversent ! M’asseoir et regarder vivre les gens est une activité qui me plait énormément. Derrière mon piano, j’aime m’imposer des défis comme écrire un refrain en deux heures. Composer une chanson est comme délier un muscle. Plus on l’active régulièrement, plus on finit par développer un style, un vocabulaire qui nous est propre. »

Après avoir sillonné les routes québécoises au cours de la période estivale en participant au projet Toutes les filles et en accompagnant Bori pour quelques spectacles, Gaële a participé à un prolifique atelier d’écriture à Natashquan offert par nul autre que Gilles Vigneault. En attendant sa rentrée montréalaise à l’automne, on pourra voir la dame sur la même scène que Renan Luce à L’Estival de St Germain-en-Laye… sans oublier ses fonctions de choriste de Damien Robitaille. « Pourquoi je fais ce métier ? J’aime aller à la rencontre des gens. Raconter des histoires, rigoler sur scène. C’est ma vie. Ici, il y a une façon beaucoup plus simple de créer de la musique. Plutôt que d’en parler, on en fait ! Et cet aspect me plait énormément. »