Dans cette nouvelle série d’articles, la SOCAN jette un regard sur des chansons qui ont été écrites ou co-écrites par ses membres et qui ont fait l’objet d’une synchronisation (inclusion) dans un film, dans une émission de télévision, sur une plateforme de diffusion en continu, dans un jeu vidéo, en ligne ou ailleurs à l’écran. Ce premier article raconte l’histoire de Ndidi O, dont la chanson « Call Me Queen » a été incluse dans la série Self Made de Netflix.

Mise en nomination pour un prix JUNO et titulaire du prix WCMA 2019 de l’artiste de l’année, l’autrice-compositrice-interprète Ndidi O est reconnue pour l’étendue de sa création musicale, qui va du blues au jazz en passant par le trip-hop avec son groupe BOGA (qui vient de lancer « Trigger Happy »). Sa musique a également fait le saut dans l’univers de la synchronisation avec des chansons comme « May Be the Last Time » (incluse dans le dernier épisode de la série True Blood, auquel elle sert de titre), « Move Together » (dans une publicité de jeans de la marque GAP) et « What Do You Say » de BOGA (dans la série Mary Kills People).

Puisque ses chansons sont reconnues comme des mélanges très personnels d’autonomisation et de vulnérabilité, il n’est pas étonnant qu’une pièce revendicatrice et décapante comme « Call Me Queen » ait abouti en 2020 dans la bande sonore de la série Self Made de Netflix, une œuvre historique inspirée de la vie de l’entrepreneure et activiste afro-américaine Madam C. J. Walker qui met en vedette Octavia Spencer et a été réalisée par Kasi Lemmons.

 Qu’est-ce qui t’a inspiré la chanson « Call Me Queen »?
« Call Me Queen » parle de l’autonomisation des femmes. Il faut continuellement lutter contre le patriarcat – il est en explosion.  Les femmes ont été dénigrées. On nous a enseigné des formes de concurrence bizarres [et] appris à nous sexualiser ouvertement pour devenir plus puissantes. Mais rien de ça n’est nécessaire. Il nous suffit de rassembler nos forces et de former des communautés — ce sont là des choses que les femmes font tout naturellement; nous formons des communautés pour faire avancer les choses. L’intention [était] donc ce célébrer ce que ça représente d’être femme, et de faire avancer les choses.

« Je travaille avec l’agent Mike Jansen [The Greater Goods Co.] et j’ai un excellent co-auteur, compositeur, producteur et coéquipier [Mischa Chillak]. Il est vraiment prolifique. Il est comme, “Faisons une chanson. Comment tu te sens ? Te sens-tu autonomisée ? Faisons une chanson sur l’autonomisation.” Moi, ce que j’aime faire, c’est des chansons qui soulèvent de profondes émotions. »

Comment « Call Me Queen » s’est-elle retrouvée dans la série ?
« C’est une chanson qui avait été écrite et terminée l’année d’avant. Je venais de lancer un album. J’ai un tas de chansons de prêtes, mais je ne veux pas les lancer avant de sortir un nouvel album. Mike a beaucoup de matériel de moi qui est encore inédit, donc quand il a été question de cette émission, il a proposé cette chanson, et elle a vraiment plu à la superviseure musicale. C’était exactement la bonne chanson. [Self Made] était l’endroit idéal pour la sortir, et ça m’a fourni une bonne raison de la lancer parce que je voulais le faire de toute façon – j’ai tendance à attendre qu’une synchronisation se présente pour lancer une chanson. »

Quel effet ça t’a fait d’être sélectionnée pour une série et d’entendre ta musique dans l’épisode A Credit to Race ?
« L’épisode était d’une grande concision. L’intrigue se développait à un bon rythme, et il y avait beaucoup de péripéties et de développements. C’était une scène puissante. C’était comme “Oh wow! C’est parfait pour cette chanson-là” et je me sens honorée d’en faire partie. La superviseure musicale de l’émission était une femme de couleur [Mikaila Simmons], et elle choisissait sa musique avec énormément de soin. Presque toutes les chansons sont des œuvres de femmes de couleur. En tant que femme noire canadienne, faire partie de ce groupe d’artistes, ça me remplit de fierté et d’enthousiasme. »



Ça n’aura pas été facile.

Les artistes de studio d’enregistrement, les musiciens, les interprètes et les auteurs-compositeurs n’avaient pas vu venir la suspension soudaine des spectacles en direct. Pour dire la vérité, nous avons encore du mal à nous adapter.

Malgré l’incertitude qui règne face à l’avenir, plusieurs essaient de profiter le mieux possible de cette période de temps libres que personne n’avait prévue – et de continuer de créer dans des conditions qui sont loin d’être idéales.

 

Maintes fois récompensé aux galas des prix Grammy pour la musique latine et des prix JUNO, Alex Cuba fait ce qu’il faut pour rester à flot.

« Il y a des hauts et des bas », concède-t-il depuis chez lui à Smithers, en C.-B.  « Il y a des bons jours et des mauvais jours. Quand je suis d’attaque, je continue de faire mon métier, j’écris des chansons, je m’enregistre. Je produis une musique positive et réconfortante, et c’est une chose dont on a besoin plus que jamais à l’heure actuelle. »

Mais Cuba, dont le dernier simple, « Concéntrica Canción », sort le 12 juin, admet que la pandémie a éveillé chez lui des sentiments qui l’ont surpris.

« Cette période me donne le goût de me montrer plus ouvert et plus vulnérable que jamais face à ma musique », explique-t-il. « J’ai horreur de quitter mon public sur une vibe triste : j’arrive à voir le bon côté des choses dans tout ce que je fais. Aujourd’hui, avec la quarantaine, j’éprouve un regain de créativité, peut-être à cause de ces longues vacances de luxe qui nous sont offertes », conclut-il en éclatant de rire.

 

L’artiste de la côte Est Rose Cousins, de son côté, n’avait présenté que deux spectacles de la tournée de promotion de son album Bravado quand le gouvernement a subitement fermé les salles. « Il m’a fallu deux mois pour me réorienter », raconte-t-elle, bien que la transition entre la scène et l’écriture ait été moins difficile pour elle grâce à la tradition qu’elle observe normalement en juin.

« D’ordinaire, à ce temps-ci de l’année, je me retrouve avec des amis bostonnais dans un atelier d’écriture qui se tient dans une île du New Hampshire », explique-t-elle. C’est la première fois en dix ans que ça n’a pas lieu. J’ai également collaboré à l’écriture de six chansons sur Zoom pour ne pas perdre la forme. Pour moi, le mois de juin est le temps des fleurs. »

Comme Cuba, Cousins s’acclimate au jour le jour à la réalité actuelle.

« C’est une adaptation continue », reconnaît-elle. « J’aimerais avoir une idée précise de mon attitude face à ce qui se passe actuellement et pouvoir comprendre ce que tout cela veut dire. C’est pas comme si la pandémie était terminée et que je pouvais maintenant en faire des chansons. Mon lien avec moi-même n’est plus pareil. Je passe beaucoup de temps seule avec moi-même, et c’est ce qui m’a permis de composer une bonne partie de mon dernier album, mais ça ne veut pas dire que je me sens complètement à l’aise dans ma solitude actuelle parce que ce n’est pas moi qui l’ai choisie. »

 

Rejoint à Los Angeles, Robert Alfons, du TR/ST, ne semble pas regretter que son isolement l’ait empêché d’entreprendre la tournée de promotion de Destroyer Part II, le dernier album du groupe. « Ça me laisse beaucoup plus de temps pour élaborer des idées, et j’arrive mieux à me concentrer quand j’ai moins de choses à faire en dehors de ma cour », confesse-t-il.

Ses collaborations le tiennent occupé, et il compte lancer divers projets durant cette transition forcée. « Je préfère les albums, mais les œuvres de plus longue haleine et les collaborations m’intéressent également », précise-t-il. « J’ai beaucoup de trucs à lancer. Mais c’est sûr que ça ne sera pas un album. »

Alfons s’adapte bien à la simplicité de son quotidien. « Quand on me dit de rester chez moi et de créer des choses parce qu’il est hors de question qu’on parte en tournée, il y a là quelque chose de positif et de productif pour moi. »

 

 

Nate Hilts, de Dead South, raconte qu’il a adopté une attitude attentiste quand la pandémie a éclaté. « Sur le coup, je suis entré en état de choc », avoue-t-il. « Pour être honnête, j’ai laissé ma guitare de côté parce que je ne comprenais pas ce qui nous arrivait. Mais nous avons discuté avec notre gérance de ce que nous pouvions faire comme groupe, et nous avons filmé quelques vidéoclips en isolement. »

Hilts explique que, en ce moment, il a autre chose en tête que la créativité. « On avait prévu de passer 2020 en tournée et de prendre congé durant l’hiver pour entreprendre la composition d’un nouvel album », raconte-t-il.

Au lieu de ça, Hilts tâche de reprendre son souffle. « Je ne vous mentirai pas, ça fait des années que je suis incapable de passer un petit bout de temps à rien faire à la maison », confie-t-il. « On a un rythme de deux mois de travail suivis de quelques jours de relâche depuis des années. Ça finit par épuiser un gars. Tu ne te rends même pas compte de ta fatigue. J’ai commencé à prendre de saines habitudes de vie et repris contact avec ma famille et mes amis, et j’en profite pour m’améliorer.

« J’en connais plusieurs qui font la même chose ces temps-ci. »



Vedette de la musique country canadienne depuis plusieurs années, Madeline Merlo a à son actif un album qui a bien marché, des singles à succès, un prix CCMA Rising Star et des tournées avec Willie Nelson et Keith Urban. Plus tôt ce printemps, la nouvelle Nashvilloise semblait promise à un grand avenir aux États-Unis également. En avril, sa victoire au concours de téléréalité Songland – où des auteurs-compositeurs en émergence proposent une de leurs chansons à un groupe de grosses pointures de l’interprétation et de la production – a permis au groupe country Lady Antebellum de remporter un vif succès avec sa chanson « Champagne Night ». Tout de suite après, la COVID-19 empêchait Merlo de partir en tournée.

Les événements se sont précipités, mais l’autrice-compositrice-interprète prend les choses du bon côté. « Ce que j’aime dans le spectacle – le contact avec le public, le temps passé avec mes musiciens, rencontrer des gens – n’existe plus. Mais je me considère chanceuse de pouvoir continuer d’écrire des chansons et d’en co-écrire sur Zoom », reconnaît-elle. « Et puis, on a beaucoup parlé de moi depuis Songland, et ça m’a permis d’entrer en studio avec des gens avec qui je voulais composer des chansons depuis longtemps. »

Merlo a grandi à Maple Ridge, en C.-B., dans une famille musicale – son père était un musicien funk, sa mère aimait la musique country, sa sœur aînée écoutait de la musique pop. Elle adorait chanter et savait déjà qu’elle écrirait un jour des chansons, et elle a choisi la musique country pour deux raisons. La première, c’est que sa mère l’avait déjà emmenée à un concert de Shania Twain et qu’elle avait alors senti qu’une femme artiste pouvait faire preuve de force et de maîtrise. La seconde, c’était le genre de paroles qu’on entend dans les chansons country. »

« J’étais une passionnée des mots, de la poésie, et j’étais ravie de voir à quel point les paroles et les histoires sont importantes en musique country », explique Merlo. « La pop est une affaire de rythme, de production, mais la musique country porte sur des histoires que tu essaies de raconter. Dans une chanson pop, tu reprends souvent le premier verset dans le deuxième, et personne ne s’en rend même compte. C’est une chose qu’on ne laisserait jamais passer dans une chanson country. L’éditeur te rappellerait qu’il faut que “tu écrives un deuxième verset.” »

« Ça  m’a permis d’entrer en studio avec des gens avec qui je voulais composer des chansons depuis longtemps »

Lorsqu’on regarde l’épisode concerné de l’émission Songland, il est passionnant de voir la chanson de Merlo, qui s’intitulait au départ « I’ll Drink to That », adopter, puis perdre, un rythme reggae et subir diverses métamorphoses avant de devenir « Champagne Night ». « C’est très Lady A », observe-t-elle. « Ils ont réellement pulvérisé la production, et c’est devenu une chanson faite sur mesure pour eux – ce qu’elle était déjà, d’une certaine manière. »

Même si Merlo parle avec enthousiasme de son expérience sur Songland, il a quand même dû être difficile pour elle de confier sa chanson au groupe et au producteur Shane McAnally et de leur faire confiance.

Songland : Un concours musical télévisé d’un nouveau genre
Merlo pense qu’une émission comme Songland est une excellente façon d’attirer l’attention sur les auteurs-compositeurs. « Ils restent généralement invisibles », regrette-t-elle. « Les gens parlent de leur chanson préférée à vie, mais ils n’ont aucune idée d’où elle vient, ils n’y pensent même pas. Cette émission pourrait faire beaucoup pour les auteurs-compositeurs. Il n’y aurait pas de musique à la radio s’il n’y avait pas d’auteurs pour aider les artistes à se raconter, et ça a été cool de pouvoir participer à ce processus. »

« Ça a quand même été assez stressant », admet-elle en riant. « Ils m’ont appelée un bon soir pour me dire “Félicitations, ton avion décolle à 6 heures demain matin.” Puis je me suis retrouvée devant tout ce monde-là. Mais j’étais consciente qu’à partir du moment où je proposais ma chanson à Lady Antebellum, ce n’était déjà plus mon œuvre, mais celle du groupe, et qu’ils en feraient une chanson de style Lady Antebellum. Je savais que de nombreux changements allaient être apportés – mais, ce qu’on ne montre pas dans l’émission, c’est que nous nous sommes tous installés dans le studio pendant huit heures et que nous avons refait la chanson tous ensemble. Et Shane, le producteur, a été incroyable. Je me sens donc très près de la nouvelle version également.

« D’ailleurs, je n’aurais probablement pas essayé de leur vendre une chanson aussi personnelle que « War Paint » [qui fait référence à un ami qui souffre d’une maladie mentale], par exemple. C’est un conseil que je donnerais à quelqu’un qui serait invité à passer à l’émission. »

Ce n’est pas sans déception que Merlo se retrouve dans l’impossibilité de se constituer une    équipe de musiciens et de partir en tournée, mais elle continue quand même à composer et à enregistrer – elle a lancé les trois nouvelles chansons « If You Never Broke My Heart », « It Didn’t » et « Kiss Kiss » en mars – et elle pourrait même pondre un album le printemps prochain.

« J’ai l’impression d’être mieux préparée maintenant quand je me présente dans une séance d’écriture parce que j’ai eu plus de temps pour travailler des idées », reconnaît-elle. « En plus, l’Internet est une chose merveilleuse, et je ferai l’impossible pour promouvoir mes chansons à partir de mon salon. Et puis, je passe mes journées à écrire parce que c’est la seule chose que je peux faire ces temps-ci. »