Baptiser son nouveau label End X Music (End Times Music) sur fond de pandémie révèle un sens de l’humour plutôt sombre, comme le reconnaît d’emblée son co-créateur Donovan Woods.

« On a trouvé le nom pendant la pandémie, mais l’idée de base date d’avant », explique l’acclamé créateur basé à Toronto. « C’est pas vraiment la fin du monde, on essaie juste de prendre de l’avance. »

End X Music est une coentreprise lancée avec son agente de longue date, Michelle Szeto de Paquin Entertainment. Basée à Nashville, où vit Szeto, et à Toronto, End X Music est distribué internationalement par The Orchard. Après son lancement officiel en septembre 2021, les premières réaction au label ont été positives.

« La réaction des gens chez Spotify et Apple a été très encourageante », confie Woods. « Ils sont une partie importante de ce que j’ai pu faire en tant qu’artiste et c’est amusant de les voir s’emballer pour quelque chose de nouveau. »

Pour Szeto, « ç’a permis de solidifier la communauté qu’on a bâtie des deux côtés de la frontière. La réaction de l’industrie du streaming a confirmé l’importance de l’œuvre que nous avons accomplie pour créer le label de Donovan, Meant Well, au cours des cinq dernières années. »

Au commencement : Cassidy Mann
Cassidy MannCassidy Mann, une auteure-compositrice-interprète pop-folk originaire du Manitoba, est la première artiste mise sous contrat par End X Music. Elle a commencé à écrire des chansons au début de son adolescence et elle a lancé un premier EP éponyme à l’âge de 15 ans qui sera suivi, en 2013, d’un deuxième EP intitulé Blue Skies & Bright Eyes qui lui a valu une nomination au Western Canadian Music Award dans la catégorie Enregistrement autochtone de l’année en 2014. En 2021, son simple « Election Night » est devenu la première parution du label et elle a enchaîné avec « Stop A Heart » au début novembre. « Il y aura un album, éventuellement, mais on n’est pas pressés », dit Szeto. Quant à Donovan Woods, il ne tarit plus d’éloges au sujet du talent et du potentiel de Mann : « La chose qui nous impressionne chez un artiste est de voir qu’ils ont une proposition artistique pleinement formée », dit-il. « Un artiste qui sait comment il veut sonner et ce qu’il veut dire. Je pense qu’en ce sens là, Cassidy est en avance sur tout le monde. » Woods et Mann ont déjà eu quelques séances de co-écriture ensemble.

Woods, un auteur-compositeur-interprète folk/roots renommé et lauréat d’un JUNO, a connu un succès international impressionnant avec plus de 220 millions de diffusions en continu dans le monde grâce à Meant Well, un véritable projet autodidacte. « Nous avons appris à comprendre comment fonctionne un label et les décisions qui doivent être prises », explique M. Szeto. « On met nos expertises en commun. »

Quant à la collaboration avec d’autres artistes, Szeto explique que « Après avoir été enthousiasmés par certaines des opportunités offertes à Donovan, nous avons commencé à discuter il y a environ trois ans de la possibilité de le faire avec quelqu’un d’autre. Le problème, c’est qu’on n’arrivait pas à s’entendre sur qui. »

Tout ça a changé lorsqu’ils ont rencontré, simultanément et séparément, la jeune auteur-compositrice-interprète de Winnipeg Cassidy Mann (voir encadré). « Donovan agissait comme mentor dans un concours d’écriture de chansons et moi j’étais sur le jury », raconte Szeto. « Après avoir découvert Cassidy là-bas, on s’est texté la même chose : “as-tu entendu cette fille?” Elle a très certainement été un catalyseur dans la création de End X Music. »

Mann est devenue la première artiste mise sous contrat par le label et son simple « Election Night » a été sa première parution. Woods confirme qu’« à l’avenir, ma musique sera lancée par ce label également. »

Il n’y a aucun plan, pour le moment, d’inclure une division d’édition. Woods a signé une entente exclusive d’édition avec Concord Music Publishing il y a un an et Mann s’autoédite.

Quant à la future écurie du label, Woods et Szeto affirment qu’ils vont envisager autant des artistes canadiens qu’étrangers et ce dans une variété de genres musicaux. « On va mettre l’accent sur les auteurs-compositeurs, qu’il s’agisse d’artistes solo ou de groupes, mais c’est quand même très large comme palette », explique Woods.

Une partie de la mission du label se lit : « Au cœur de la mission de End Times se trouvent la transparence et l’adaptabilité. » Woods réaffirme cet objectif, soulignant « on veut que tout le monde comprenne d’où viennent les choses et pourquoi en toute transparence. »



Le gouvernement minoritaire libéral canadien a promis de réintroduire un projet de loi visant à réformer la Loi sur la radiodiffusion dans les 100 premiers jours suivant sa réélection.  

L’un des objectifs déclarés est d’assurer que les « géants étrangers du web » contribuent à la création et à la promotion d’histoires et de musique canadiennes. Autrement dit, le gouvernement cherche à uniformiser les règles de concurrence entre les médias traditionnels et numériques. 

Cependant, il est probable que vous vous posiez quelques questions concernant cette affirmation. Premièrement, pourquoi avons-nous besoin de réglementations pour « uniformiser les règles » et, deuxièmement, pourquoi les efforts précédents pour mettre à jour et revitaliser la Loi sur la radiodiffusion n’ont-ils pas abouti? 

De la nécessité de règles concernant les contenus canadiens dans la sphère numérique 

En 1971, le gouvernement a reconnu l’existence d’un problème : très peu de musique canadienne était jouée sur les ondes des radios canadiennes qui préféraient faire jouer des artistes étrangers, principalement américains. 

En d’autres mots, c’étaient des artistes non canadiens qui accaparaient la vaste majorité du temps d’antenne. L’argent quittait le Canada au bénéfice du talent étranger plutôt que de soutenir le talent canadien. 

C’est ainsi que les règles en matière de contenus canadiens (généralement appelées « CanCon », le diminutif de « Canadian content ») imposées aux stations de radio ont vu le jour. Les règles CanCon exigent qu’au moins 35 pourcent de la musique diffusée par les stations de radio pendant les heures de pointe correspondent à un niveau minimum défini de « contenu canadien ». Au Québec, ce ratio est de 65 pourcent dans le cas des stations de radio francophones. Le reste du secteur des médias traditionnels, c’est-à-dire la télévision et le câble, est également soumis à des règles de contenus canadiens.  

Les règles CanCon ont permis d’assurer que le Canada possède sa propre industrie culturelle et ses propres voix canadiennes, créant, soutenant et construisant une source importante de valeur monétaire, émotionnelle et culturelle. Peu d’aspects de la culture canadienne suscitent autant de fierté et de valeur nationales que le succès de la musique produite au Canada. 

Or, aujourd’hui, nous faisons face à un défi semblable et renouvelé : la musique canadienne n’est pas suffisamment mise en valeur sur les services internet. 

À l’heure où les services numériques deviennent la principale source de consommation de musique pour les Canadiens, ce manque de présence à l’avant-scène représente un problème majeur pour les créateurs canadiens. 

Une comparaison des répartitions des redevances de la SOCAN aux membres auteurs-compositeurs de la SOCAN démontre la disparité entre les médias traditionnels (radio et télévision) et les médias numériques (services de musique en ligne). 

French Traditional Media Royalties

French Digital Media Royalties

Sans règles modernisées de contenus canadiens conçues pour le présent et l’avenir, nous continuerons d’assister à un déclin catastrophiquement injuste du succès des créateurs canadiens de musique : 34  pourcent des redevances perçues sur les médias traditionnels sont réparties aux membres auteurs-compositeurs de la SOCAN tandis qu’à peine 10  pourcent des redevances distribuées aux auteurs-compositeurs canadiens proviennent des médias numériques.  

La transition des médias traditionnels vers les médias numériques continue de s’intensifier, car de plus en plus de Canadiens se tournent vers les services numériques pour découvrir et écouter de la nouvelle musique. 

La question devient donc la suivante : comment pouvons-nous assurer le succès des créateurs canadiens sur les services numériques?  

La réponse : en adaptant la Loi sur la radiodiffusion à l’ère numérique afin de permettre au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC ») d’explorer les paramètres d’une version moderne et équitable des règles de contenus canadiens. 

Transposer les règles de contenus canadiens traditionnelles dans la sphère numérique – en d’autres mots obliger que 35 % des contenus offerts par les services numériques soient canadiens – n’est simplement pas possible, car la sphère numérique fonctionne différemment. 

Les services traditionnels « poussent » les contenus vers les consommateurs. Il est donc possible d’imposer qu’une certaine proportion des contenus qui sont « poussés » vers les consommateurs soit canadienne. 

À l’inverse, les utilisateurs des services numériques « tirent » ces contenus de ces services sur demande. Il n’est donc pas réaliste ou même possible d’exiger que les utilisateurs « tirent » des contenus canadiens. 

Ce sont des questions complexes qui devront être examinées par le CRTC dans son mandat de réglementation élargie des services de médias numériques. 

Le CRTC a fait ses preuves en tant qu’outil administratif efficace pour la mise en place de politiques culturelles canadiennes dans les médias traditionnels et il peut continuer à jouer ce rôle dans la sphère numérique aujourd’hui et à l’avenir, à mesure que de nouvelles solutions sont élaborées.  

Projet de loi C-10 : une première tentative de réformer la Loi sur la radiodiffusion 

Le précédent gouvernement fédéral avait présenté le projet de loi C-10 afin de permettre au CRTC de réglementer les services numériques. Cependant, la version initiale due ce projet de loi excluait les réseaux sociaux, ce qui signifiait que ces plateformes numériques – dont certaines sont les plus grandes et les plus dynamiques au monde – pouvaient échapper à la réglementation. 

L’exemption relative aux médias sociaux a finalement été retirée du projet de loi, mais d’autres amendements ont été ajoutés pour indiquer explicitement que les utilisateurs – et les contenus qu’ils téléversent – n’étaient pas réglementés par le projet. Par conséquent, il visait désormais les activités de diffusion des plateformes, et non les Canadiens eux-mêmes.  

Malgré cette exemption claire, les détracteurs du projet de loi C-10 ont continué à affirmer dans les médias que la liberté d’expression des utilisateurs était attaquée. Cette controverse a finalement éclipsé ce que le projet visait à accomplir : uniformiser les règles du jeu entre les services traditionnels, qui opèrent dans le cadre de la réglementation CanCon, et les services de médias numériques, qui ne le font pas.  

La controverse entourant le projet de loi C-10 a été une distraction malheureuse par rapport à la question essentielle : la Loi sur la radiodiffusion doit être adaptée à l’ère numérique. Cette loi n’a pas été mise à jour depuis 1991, il est donc impératif de le faire afin de continuer à soutenir la création de musique canadienne afin que nous puissions continuer à profiter de cette industrie florissante à l’échelle nationale et internationale qui est une source de fierté nationale d’une valeur inestimable. 

Malheureusement, le projet de loi C-10 est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales en août 2021, laissant dans l’incertitude l’ajout évident, nécessaire et vital des services numériques à la Loi sur la radiodiffusion 

De la suite des choses? 

Le gouvernement nouvellement élu a confirmé que la réforme de la Loi sur la radiodiffusion était l’une de ses principales priorités et il a promis de présenter une nouvelle législation dans les 100 premiers jours de son entrée en fonction. 

Il s’agira d’un moment charnière pour les politiques culturelles canadiennes. 



La Zarra Fatima Zahra fait partie des artistes qui ont commencé « sur le tard », mais elle intrigue déjà grandement l’Europe avec sa voix rivalisant avec Piaf ou Barbara. Œuvrant sous le nom d’artiste La Zarra, la jeune femme de Longueuil signée par Universal Music Canada et Polydor France, fera paraître un premier album, Traîtrise, le 3 décembre.

« Le succès des derniers mois, je ne peux même pas l’expliquer », s’étonne encore Fatima Zahra qui, bien qu’elle ait toujours eu un intérêt marqué pour la musique, était sur un autre projet de carrière.

« Jusqu’à tout récemment, j’étais coiffeuse, explique-t-elle. Ça m’a vraiment aidé, mes années de coiffure. J’ai aiguisé mon oreille, en écoutant Barbara tout en coiffant. Je n’ai pas fait de cours ou d’école de chant et je ne peux pas vraiment répondre quand on me demande je chante dans quelle tonalité », rigole-t-elle. Un désintérêt progressif pour sa première profession et une allergie soudaine à la coloration pour cheveux, qui est survenue comme un signe, l’ont portée vers son rêve musical. « Je n’aurais pas eu ma maturité musicale actuelle sans la coiffure », croit-elle.

Sa rencontre avec le producteur montréalais Benny Adam (Rymz, Tizzo, Zach Zoya), il y a quelques années lui a permis de faire connaissance avec sa propre personnalité « musique », puis l’idée semée à ce moment-là a germé pendant quelques années pour devenir un projet dans la tête de Fatima : elle a eu envie de lui présenter des idées de chansons. « Les quelques titres qu’on a conçus ensemble m’ont valu un succès immédiat en Europe et une maison de disques qui m’a donné les outils pour commencer à explorer d’autres compositions avec des musiciens. » La bonne étoile qui brille pour elle de l’autre côté de l’océan lui a même valu une nomination dans la catégorie Révélation francophone de l’année au gala NRJ Awards qui se tenait le 20 novembre dernier.

Le début de la création d’une chanson, pour elle, est différent d’une fois à l’autre. « Parfois, c’est juste une mélodie ou une première phrase que je veux placer, explique la chanteuse. Je parle d’amour, d’amitié, de relations, mais mes morceaux sont plus des sentiments généraux que des histoires. Ça peut partir de la haine, de la joie, de la colère, mais au bout du compte, il y a toujours cette envie de m’émanciper. Je suis toujours sur le chemin entre la femme que j’étais et la femme que je veux être. » Une chose est sûre, depuis que la musique s’est érigée au cœur de sa vie, Fatima n’a pas l’impression de travailler. « Ce n’est vraiment pas un boulot pour moi, lance-t-elle. Je fais le ménage chez nous et je chante et les refrains viennent à moi naturellement. Quand la créativité entre chez moi, ça peut durer longtemps, les idées déferlent. »

Contrairement à certains succès qui naissent en ligne grâce aux partages et aux « likes », La Zarra ne doit son ascension fulgurante qu’à son talent remarqué et célébré d’un coup. « Je n’aime pas me montrer et je ne comprends rien au concept d’influenceurs. Ma popularité a commencé avec les gens de l’industrie qui ont dit “quelque chose arrive”, relate-t-elle. Je voulais vraiment une carrière à l’ancienne. Je voulais travailler avec un label qui te signe d’abord et ensuite tu travailles. Je regarde le public réagir à ma présence dans le paysage musical, petit à petit. Je vais chercher de nouveaux admirateurs un par un et je crois que c’est la seule manière d’envisager une carrière en musique sur le long terme. C’est exactement ça que je veux. »

Après la musique, produite avec le temps devant soi et les outils pour adoucir le parcours, la scène se présentera à La Zarra qui ne peut pas encore affirmer qu’elle est à l’aise avec le concept. « La musique, c’est tellement nouveau que je n’ai pas encore eu le temps d’apprivoiser la scène, dit-elle. En studio, tu peux te reprendre, dans un clip, tu peux te réchauffer, mais sur scène, tu ne peux pas mentir. On entre dans la création du spectacle et je réarrange mes chansons pour que ce soit plus organique, plus vivant. C’est le vrai défi qui commence. »

Même si elle compte promouvoir son album en France d’abord, elle est convaincue que l’engouement d’outre-mer pourra éventuellement être aussi fort au Québec. « Je suis Québécoise, mais je sais que le marché français est difficile donc je veux en profiter, mais au fond, je veux que les deux existent. J’aimerais aussi faire connaître mon album dans le nord de l’Afrique. Et… il y a le monde entier. »