Nommée Directrice générale de Secret City Records au mois de novembre 2023, Magali Ould se concentre désormais sur l’orientation et la gestion des opérations quotidiennes de l’un des labels indépendants canadiens les plus attrayants. Une stature qu’elle mérite amplement. Portrait d’une décideuse qui a commencé au bas de l’échelle et qui connaît aujourd’hui les rouages du métier.

La femme de 43 ans qui a grandi dans le quartier Outremont à Montréal avec du sang algérien dans les veines a cumulé tous les boulots possibles durant ses études en cinéma à l’Université de Montréal, de serveuse de restaurant à vendeuse de soutiens-gorge.

Ould avait été recrutée sans expérience du milieu de la musique par l’un des patrons de Bonsound, Gourmet Délice, en 2009, une autre entreprise montréalaise du disque et de la promotion qui a toujours le vent en poupe. D’expliquer Ould : « Mon ex jouait dans son groupe, Le Nombre, et c’est comme ça que la connexion s’est faite avec Gourmet. Il m’a assise devant un téléphone et m’a dit : tu vas faire du tracking radio. Je lui réponds : c’est quoi ça ? Tu appelles les radios, voici la liste, et tu leur demandes si telle toune joue et tu rentres l’information dans le filemaker (aujourd’hui révolu). Plus tard, je suis aussi devenue relationniste de presse, deux métiers formidables. »

Puis éventuellement, elle devient directrice des communications, tout en faisant la promotion d’artistes hors Québec, comme ceux hébergés chez Arts & Craft (Feist) par exemple. Quatre ans plus tard, elle quitte l’entreprise du quartier Mile-End pour se joindre à Secret City.

Actifs depuis 2006, le label fondé par Justin West, fils de Jim, lui-même créateur de Justin Time, étiquette incontournable du jazz canadien (Oliver Jones, Ranee Lee) a vu juste en embauchant Ould. Douze années pas banales où elle a occupé plusieurs postes.

« Mes rôles ont changé selon les besoins de la compagnie. J’ai été relationniste de presse, puis chargée de projet ». Forcément, avec autant d’artistes indés au potentiel international, la donne a changé : « On cherche des stratégies en équipe pour percer ces marchés ».

Magali Ould, Patrick Watson, Gala SOCANLe génial auteur-compositeur Patrick Watson fut le premier artiste signé chez Secret City. Dans la foulée, ont suivi, entre autres, les Plants and Animals (depuis plus de 10 ans), Suuns, Miracle Fortress, Jesse Mac Cormack, Barr Brothers (deux apparitions au Late Show de David Letterman), Basia Bulat, le folkeur gracile Leif Vollebekk (qui remplit ses salles à Londres et à Paris), Emily Khan, Jeremy Dutcher… Des artistes électro, métal ou country pourraient-ils être signés chez Secret City? « Nous ne sommes pas fermés sur aucun genre musical », nous assure-t-elle.

Un nombre grandissant d’artistes francophones ont rejoint l’écurie comme La Force, Bibi Club (gros buzz parisien), Antoine Corriveau, Klô Pelgag, Daniel Bélanger –« la campagne promo de Mercure en mai a été tellement le fun »–, Flore Laurentienne (nouvel album le 1er mars) et bien sûr… Alexandra Stréliski, impériale dans les tales du néo-classique.

 Magali Ould a longtemps été la pierre angulaire des artistes québécois inscrits au Prix Polaris, auprès de son fondateur, Steve Jordan. Passionné de musique et rassembleuse, à la demande de ce dernier, il était impératif que les 200 membres du jury canadien aient une meilleure connaissance de tout ce qui émerge musicalement de La Belle Province.

« Lors de la pandémie, nous avons sorti Notre-Dame-des-Sept Douleurs de Klô Pelgag et son disque s’est retrouvé sur la courte liste du Polaris, elle qui durant cette période a fait une apparition au Gala des Junos sur Zoom. Finalement, avec une campagne qui a duré trois ans, elle a réussi à remporter seize Félix ».

Secret City Records héberge des artistes qui accouchent d’œuvres formidablement abouties et qui exercent un pouvoir de fascination musicale. Publics de niche ? « Chaque pays est différent. C’est rare que nous ayons un succès commercial avec nos artistes, mais leurs admirateurs deviennent des fans à vie, c’est complètement fou ! Le potentiel commercial d’un artiste n’est jamais la raison première d’une signature chez nous ».

Magali Ould, Alexandra Streliski« Le rôle de la radio, du streaming, des médias, ce n’est pas la même réalité au Portugal qu’aux États-Unis, ni les mêmes budgets », explique Ould à titre d’exemple, elle qui n’a cependant pas beaucoup voyagé dans le cadre des vitrines et showcases à l’étranger, comme SXSW ces dernières années, la maman d’un petit garçon avait d’autres priorités. Ses principales qualités ? « Je suis extrêmement résiliente et j’ai une vision d’ensemble sur quinze ans de l’industrie du disque ».

« On n’est pas déprimé par l’état de l’industrie de la musique qui est très changeante et pas facile, on réussit à travers la tempête à garder notre passion, c’est peut-être ça qui est contagieux. On n’a pas le choix d’avancer. Et on veut maintenir l’équilibre entre nos artistes qui ont quatre ou cinq albums à leur actif et nos artistes émergents ».

Pas de doute, Magali Ould a gagné ses galons. Aujourd’hui, Justin West assure la pérennité de son label avec brio et peut compter dans ses rangs.une femme d’exception.