Le parcours de six ans du très polyvalent Che Kothari est sur le point de porter ses fruits.

WondaGurl, 2020, Cameron Corrado

WondaGurl. Photo : Cameron Corrado

Il y a environ 16 ans, il a entrepris une carrière de photographe avant de se tourner vers la production vidéo, la production musicale puis la création de Gifted Management, celle du festival Manifesto pour devenir aujourd’hui coach de vie et philanthrope. En tant que militant, l’une de ses plus grandes réussites a été de fonder le mouvement BeautifulCity.ca qui collecte environ 18 M$ par an pour des initiatives artistiques publiques destinées aux jeunes dans les communautés marginalisées en prélevant un droit sur les panneaux d’affichage à Toronto. Dernièrement, Kothari a concentré ses abondants talents d’organisateur sur une urgence environnementale : l’extinction des sols.

Kothari met actuellement sur pied une série de projets qui sensibiliseront les gens à cette cause. Tout commencera par plusieurs chansons – dont une écrite et réalisée par l’auteure-compositrice et productrice canadienne à succès WondaGurl (Mariah Carey, Jay-Z, Drake, Ye) – qui seront lancées à l’échelle internationale. Selon les Nations Unies, plus d’un tiers de la couche supérieure de la terre est en danger, explique Kothari. « Pour qu’un sol soit appelé “sol”, il doit avoir une teneur en matière organique de 3 %, sinon vous faites pousser vos aliments dans du sable », explique-t-il. « Quand on enlève les éléments organiques du sol, il devient mort. On pourrait atténuer quarante pour cent des effets des changements climatiques si on avait des sols en santé. »

Les graines du projet ont été plantées il y a six ans, lorsque Kothari était le gérant de la star de la soca Machel Montano. Après ce qui semblait être 40 ans de tournées et d’enregistrements constants, Montano essayait de ralentir son rythme. Kothari s’est tourné vers le yoga et la méditation comme éléments essentiels de ce processus et il a présenté à Montano les enseignements de Jagadish « Jaggi » Vasudev, alias Sadhguru, gourou indien du yoga et promoteur de la spiritualité. Les pratiques yogiques et la méditation quotidienne ont apporté à Montano le soulagement qu’il désirait tant.

Après avoir rencontré Sadhguru personnellement, Kothari (et Montano) sont devenus des fidèles. Kothari a ensuite lancé le Conscious Music Circle (CMC) : un effort pour donner ces outils de « technologie intérieure » à la communauté artistique, en les proposant en ligne, dans des contextes privés, mais aussi dans les ashrams de Sadhguru en Inde (où vivent 6000 personnes) et dans le Tennessee. Parallèlement, les membres du cercle sont devenus des partisans enthousiastes de la principale cause du gourou, la prévention de la dégradation des sols. Nous l’avons joint au téléphone depuis Los Angeles où il travaillait avec WondaGurl pour enregistrer le premier des trois titres proposés pour promouvoir leur cause. Nous sommes le 22 mars, le lendemain du départ de Sadhguru pour une excursion de 100 jours en moto, du Royaume-Uni à l’Inde, afin de sensibiliser les gens à l’extinction des sols.

Le titre, qui n’a pas encore de nom, mettra en vedette Dhee, une chanteuse sri-lankaise et australienne dont le succès actuel, « Enjoy Enjaami », cumule 405 millions visionnements sur YouTube, ce qui assurera une attention internationale. Il a été écrit à Malibu, où 25 membres de la CMC (artistes, producteurs, auteurs-compositeurs) se sont réunis et ont écouté Sadhguru leur parler de la question du sol. Ensuite, selon Kothari, « pendant cinq jours, dans trois studios, du matin au soir », ils y ont travaillé. La contribution de Dhee aura une saveur indienne, mais d’autres éléments incluront des artistes d’afrobeat et de reggaeton pour ajouter à l’attrait universel. Au moment de la mise sous presse, la composition finale était encore en cours de finalisation, mais ils prévoient de sortir le titre lorsque Sadhguru sera « à peu près à mi-chemin, vers le 50e jour » de son voyage. Nous ne sortons pas une chanson qui dit : « Sauvons les sols! Sauvons les sols! » C’est une chanson contemporaine que vous entendrez à la radio et qui aborde ces thèmes sans les nommer spécifiquement », explique Kothari.

Cette chanson sera suivie de deux autres, un morceau reggae et un autre, écrit par WondaGurl, que Kothari décrit comme « Beatlesque ».

Et pendant ce temps, Kothari reste très impliqué dans le prochain Manifesto Festival, qui, selon lui, « a pour but de donner aux jeunes les moyens d’agir par le biais des arts et de la culture dans des espaces physiques et numériques », ainsi que dans ses projets parallèles, un projet baptisé Discovery et FSTVL SZN. Le premier est un programme d’incubation soutenant les nouveaux jeunes talents, tandis que le second, sans voyelles, est « destiné aux acteurs des coulisses – tout, de la production à la conception graphique en passant par la mode ». Les participants des deux programmes obtiendront leur « diplôme » lors du festival, prévu le 12 août 2022.

Le but ultime de la publication de la piste d’extinction des sols n’est pas de récolter de l’argent, mais de sensibiliser le public, explique M. Kothari. « Au final, je vois de rôle des artistes comme celui d’un conteur », dit-il. « Comment convaincre les artistes de raconter les histoires qui pressent le plus? Comment les implique-t-on dans les efforts de sensibilisation? Pour moi, la musique est célébratoire, mais aussi une façon d’éveiller la conscience des gens. »

« Sadhguru l’a mieux dit : je ne suis pas intéressé par sept milliards de dollars, ce que je veux c’est sept milliards d’humains. »



Maryze« J’ai toujours été amoureuse de la musique pop. C’est un genre musical que beaucoup ne prennent pas au sérieux. On dit parfois que ce n’est pas de la vraie musique, que c’est du fast food, mais pour moi, y’a tellement de puissance dans une chanson pop bien écrite. Ça peut changer ta vie. C’est fascinant. »

Maryze a le sourire dans la voix quand elle parle de musique. L’autrice-compositrice-interprète originaire de Vancouver et maintenant installée à Montréal a finement étudié la pop avant d’en arriver à ce premier album, 8, un étonnant mélange d’électro, d’hyperpop, de R&B, de hip-hop, de rock et de emo – bref, de tous ces genres qui ont marqué au fer rouge la pop des dernières décennies.

Grande fan de Grimes et de Lady Gaga, Maryze a d’abord été bercée par un style assez inusité : la pop celtique. On en retrouve quelques traces sur son album, notamment sur Witness. « Mon père est breton, et ma mère est canado-irlandaise. C’est celte des deux côtés ! Mon premier concert, c’était Loreena McKennitt, quand ma mère était enceinte de moi. J’ai probablement perçu les ondes et les basses », lance à la blague la chanteuse de 30 ans.

Son père, un DJ à la radio à Vancouver, l’a initié à un tas de musiques de partout dans le monde durant son enfance. Et dès le début de l’adolescence, la jeune mélomane a suivi des cours intensifs de théorie musicale et a intégré la chorale jazz de son école secondaire. Mais son contact avec la pop n’a jamais été pour autant affaibli. Comme la majeure partie de ses amies de l’époque, Maryze a grandi en écoutant Destiny’s Child et Justin Timberlake, deux artistes dont on sent l’influence dans une pièce aux teintes R&B comme Experiments.

Peu après, c’est le pop punk et le emo qui l’ont happée. L’intensité des textes et l’émotion brute d’un groupe comme Fall Out Boy avaient quelque chose de puissant et de libérateur pour une jeune ado tourmentée comme elle. La pièce Emo est évidemment tributaire de cette époque.

« Je me sentais seule, incomprise. J’avais pas trouvé la communauté que je recherchais à mon école. Oui, on avait un beau programme musical, et la chorale était superbe […] mais autrement, l’école mettait beaucoup l’accent sur les sports. Et moi j’étais une emo girl, la seule à porter des skinny jeans. Chez moi, il y avait des histoires difficiles, des histoires de dépression… J’étais par terre dans ma chambre, à lire les paroles de Fall Out Boy. Je sentais que le chanteur s’adressait à moi et, soudainement, je me sentais moins seule. C’est probablement ce qui m’a amenée à vouloir rejoindre le public adolescent ou du début de la vingtaine par mes chansons. Y’a un sens de la communauté qui se développe par la musique. »

C’est dans cette optique que Maryze crée la musique qu’elle aurait elle-même voulu écouter en tant qu’adolescente. De là le mélange de genres qui peut paraître un peu chaotique, mais qui se révèle profondément authentique et sincère. Entièrement écrit et composé par elle, l’album a également bénéficié de l’expertise de quelques producteurs montréalais, notamment de son bras droit et copain Solomon K-I, également en charge du mixage et du matriçage de l’album.

Forte de ses études universitaires en écriture créative, la Montréalaise d’adoption explore avec ses textes « les parties interconnectées de notre passé qui façonnent nos vies pour le meilleur ou pour le pire ». Elle a tissé les chansons hétéroclites de son album avec une image centrale en tête : celle de la boucle infinie, symbolisée par le chiffre 8 comme titre. Cette boucle infinie qui nous amène à répéter les mêmes histoires, les mêmes mécanismes, les mêmes erreurs. Bref, à répéter le même cycle.

Portée par une rythmique dance 80’s, Too Late incarne bien le thème de l’album. Sous ses airs de récit d’histoire d’amour toxique, la pièce est plutôt une plongée profonde dans la psyché de l’artiste. « Cette chanson, c’est ma relation avec moi-même. Dans ma vie, c’est moi qui me bloque le plus. Chaque jour, je me réveille et je vois la journée défiler. Il y a tant de choses que je veux faire, mais je ne sais pas par où commencer. Le cycle se répète et je finis par être frustrée contre moi-même. La frustration est surtout reliée à la musique, à mes rêves. Parfois, j’ai de super belles opportunités, mais c’est comme si je me sabotais moi-même. La pandémie a juste amplifié tout ça. Je pouvais vraiment rien faire… et je ressentais une frustration, une amertume. »

Percutante collaboration avec la rappeuse montréalaise Backxwash, Squelettes évoque un épisode difficile de sa vingtaine. « J’ai commencé à l’écrire il y a huit ans, celle-là. Dans ma famille, il y avait beaucoup de dépression, d’anxiété, de dépendance. Et j’étais dans un moment de ma vie où je répétais des cycles destructifs dans mes relations et avec moi-même. Je maltraitais mon corps, souvent avec beaucoup de partys. Je me retrouvais dans des situations que je m’étais infligées à moi-même. Chaque fois, il y avait la voix de mon père qui résonnait en moi : ‘’Pourquoi, Maryze, tu te retrouves encore dans cette situation que tu n’aimes pas ? Dans une relation qui n’est pas bonne pour toi ?’’ C’est un de mes all time low. »

Dans un style beaucoup plus épuré que le reste, les chansons qui ouvrent et ferment l’album (Mercy Key et Playing Dress-Up) nous montrent une Maryze à fleur de peau, uniquement accompagnée par son piano ou ses propres chœurs. « Quand je vis quelque chose de vraiment intense, je dois l’écrire sur le moment. Quand j’étais jeune, j’ai écrit des centaines de journaux intimes. Ça a toujours été une forme de thérapie, une façon de mieux me comprendre. C’est quand je commence à écrire et que des idées sortent que je comprends ce que je vis. C’est pas quelque chose que j’aurais compris juste en le disant à voix haute. »

Loin du mutisme et de la solitude de son adolescence, Maryze a trouvé une façon de changer sa frustration en quelque chose de constructif. Elle a trouvé une façon de briser le cycle.

 



Marilyne LeonardLa jeunesse parle avec sa propre voix. On l’entend sur le premier mixtape de Marilyne Léonard intitulé Vie d’ange. Désinvolte, la jeune femme mélange le chant et le rap avec assurance, construisant les chansons sans mode d’emploi sinon que celui dicté par sa voix intérieure.

« Je parle toujours de ce que je vis et je ne vais pas commencer à inventer d’autres histoires », lance du tac au tac l’autrice-compositrice-interprète. Elle appelle ce court album de huit pièce un mixtape pour son caractère éclectique. « Les inspirations sont très éclatées, puis on a collé tout ça ensemble. Je pense que huit chansons, c’est assez pour qu’on sache qui je suis sans qu’une personne qui ne me connait pas ait le temps de se tanner non plus, dit-elle en riant. J’aime le format et ça contient autant ce que j’étais que là où je m’en vais. »

Au départ, c’est Emmanuel Ethier qui a réalisé les quatre premières pièces du mixtape. « Je ne me faisais pas assez confiance pour le faire moi-même. Ensuite, ce que je voulais était tellement précis que je ne voulais pas déléguer. J’ai amené les maquettes des quatre nouvelles chansons (Mirage, Dans la foule, Vie de rêve et Quand tu parles) à Marc Bell pour qu’il ajoute sa touche, mais c’est collé sur ce que j’avais fait seule chez moi. Au final, ce sont les quatre morceaux qui me ressemblent le plus en ce moment. »

Les deux mains sur le volant de son histoire musicale, elle rêve d’indépendance et d’autoproduction, même si elle fait désormais partie de la famille d’Audiogram. « Quand je serai plus expérimentée, je voudrais choisir l’indépendance, mais ça a toujours été mon rêve de construire ma carrière avec une maison de disques, se souvient-elle. Je rêvais de dire à ma mère : j’ai signé avec un label. C’est vraiment grâce à Audiogram que je peux vivre ce que je vis en ce moment parce que je commence au tout début de l’échelle. »

Les chansons qu’elle écrit sont des morceaux de vie francs qui témoignent du moment présent. Surtout, tout part de la guitare : « J’écris toujours avec ma guit’ en premier. Je trouve des accords cool. Je trouve une bonne phrase et je la mets en mélodie sur mes accords. C’est vraiment une méthode étrange, admet-elle. Je n’écris jamais le texte au complet. Je fais tout en même temps. C’est comme un casse-tête de phrases, de mélodies et d’accords. »

Lorsqu’on écoute Marilyne Léonard chanter, on entend tout de suite le caractère spécifique de sa voix. Celle-ci devient un rythme, un instrument. Si elle chantait a capella, on pourrait quasiment dire qu’on écoute du drum, tellement elle inclut le beat dans la façon de livrer le texte. « J’écoute énormément de rap donc c’est sûr que ça m’a inspirée. J’aime les productions 80’s aussi, explique Marilyne. Je prends des inspirations qui viennent du rap, mais je m’intéresse aussi à des productions aérées et complexes avec des synthés et de la basse très vive et je m’arrange pour que ça puisse aller ensemble. »

Sans filtre, elle raconte à son public que la vulnérabilité, ce n’est pas un défaut, que les difficultés qui s’installent au fil des étapes de la vie qu’on franchit sont normales. Elle souhaite qu’on s’y reconnaisse, qu’on s’y dépose, que ça nous apaise.

« Je veux le dire qui j’ai envie d’aimer, lance-t-elle. Il y a un clip avec ma copine : Dans la foule. Je n’osais pas nommer le genre de la personne aimée avant. J’avais un peu peur, mais depuis deux ans, je veux la montrer cette fierté, cette liberté. Un gars ou une fille qui parle de l’amour en disant elle, c’est banal. J’aimerais être vue comme une fille qui est tellement à l’aise avec ça, que la différence n’existe plus. Les Shirley, Calamine, plein d’autres le font. C’est assez nouveau que les filles se prononcent là-dessus et je suis contente de faire partie de la jeunesse qui se réveille. »

Sur scène, le projet prendra les maintes directions que le mixtape évoque, mais « ça va devenir un peu plus rock », assure la chanteuse. « Je fais aussi des remix sur scène : La bohème, une toune de Drake. Les gens connaissent ça donc ça les embarque dans le show. »

Elle voudrait que la musique la fasse voyager et elle prendra déjà la route de la France sous peu. L’avenir s’annonce rempli de différentes choses, car elle compte apprendre la basse et souhaiterait également produire la musique des autres. « Je vais commencer par gagner mon expérience en me trompant mille fois sur mes affaires à moi, dit-elle en riant. Je vais commencer par finir de bâtir mon propre casse-tête. »