En passant d’éditeur spécialisé à éditeur majeur avec un catalogue trié sur le volet qui grossit de jour en jour, la maison torontoise Nagamo Publishing est venue combler un vide. Son désir : solidifier la représentation Autochtone dans l’industrie du film et de la télévision. Et jusqu’à maintenant, l’entreprise en démarrage – dont la croissance s’est faite de manière très naturelle au cours des 18 derniers mois – est couronnée de succès et ne montre aucun signe d’essoufflement.

Parmi les objectifs de Nagamo, il y a celui d’offrir aux compositeurs Autochtones des opportunités de faire preuve de leur talent tout en permettant à ses clients d’avoir accès à leur musique dans tous les genres et provenant de toutes les Premières Nations. Les racines de l’entreprise ont été plantées il y a quatre ans, lorsque Oliver Johnson, le président et cofondateur de la célèbre maison d’édition Bedtracks, a créé une bibliothèque musique de production Autochtone appelée Storytellers. Puis, en 2020, le Aboriginal Peoples Television Network (APTN) a fait l’acquisition de l’entreprise qui est ainsi devenue Nagamo Publishing.

« L’idée de base était de créer une liste d’écoute nichée de musique de production Autochtone que nous mettrions à la disposition de nos clients et des producteurs », explique Nigel Irwin, le codirecteur de la création de Nagamo ainsi qu’un des compositeurs qu’elle représente. « C’était une porte d’entrée incomparable pour moi. Je créais de la musique, à l’époque, mais je ne connaissais pas grand-chose au sujet de la musique de production… Mon rôle a évolué de manière très naturelle. »

Jusqu’alors, il y avait un manque criant de musique de production Autochtone facile d’accès vers laquelle l’industrie pouvait se tourner. Selon Irwin, il y a plus d’une raison pour ce potentiel inexploité dans le marché.

« D’abord, trouver des compositeurs qui se concentrent sur la musique de production n’est pas évident. La plupart des musiciens choisissent le chemin “artistique”, donc le bassin de candidats est d’autant plus petit », explique-t-il. « Par ailleurs, les communautés Autochtones elles-mêmes représentent un bassin restreint, mais il est en pleine croissance – il manque juste un peu d’arrimage pour que les clients potentiels soient au courant de l’offre qui existe déjà. »

Nagamo PublishingEnsuite, il y a également le défi d’informer les compositeurs Autochtones des opportunités qui s’offrent à eux. Avant de travailler pour Nagamo, Irwin était animateur pour divers programmes jeunesse Autochtones et il se déplaçait de réserve en réserve d’un bout à l’autre du Canada. « Je rencontrais des tonnes de jeunes très talentueux, mais aucun d’eux ne pensait possible de sortir de la réserve et de trouver un emploi dans cette industrie super dynamique et cool », dit-il. « Une partie de la mission de Nagamo est d’être le porte-étendard de toutes ces opportunités afin que ces futurs compositeurs les voient. »

Troisièmement, il faut avouer que l’industrie canadienne de la musique n’avait jamais vraiment considéré la représentation Autochtone avant l’actuelle ère de mandats de diversité, d’équité et d’inclusion, une bonne chose selon Autochtone, puisque cela permet d’inviter de nouveaux visages à la table.

Quant au catalogue actuel de Nagamo, il est on ne peut plus diversifié, ce qui joue énormément en sa faveur, affirme Irwin. « Dès qu’on dit à un client qu’il s’agit de musique Autochtone, il y a un immense terrain de jeu qui s’ouvre devant eux », explique-t-il. « Je divise notre musique en deux grandes catégories : contemporain et traditionnel. A Tribe Called Red, par exemple, a donné beaucoup de visibilité à la musique Autochtone dans le EDM/dance, et c’est un des styles musicaux que nous représentons dans notre catalogue. »

Nagamo a quelque chose à proposer dans de nombreux styles musicaux qui conviennent à n’importe quelle atmosphère imaginable qu’une production télé ou cinéma pourrait souhaiter ; œuvres orchestrales ou percussions dynamiques, musique acoustique et chants de gorges traditionnels. Irwin se permet même un peu de « name-dropping » des artistes avec qui Nagamo travaille à l’heure actuelle : Jesse Doreen de la réserve des Six Nations, Andrew Joseph Stevens III, un artiste Mi’kmaq de London, Ontario, connu sur TikTok sous le pseudonyme Drives the Common Man, Mimi O’Bonsawin, une artiste métisse ayant des racines abénaquises, et Jacob Hoskins, de Vancouver.

Par ailleurs, Irwin est très emballé par la récente mise sous contrat de PJ Vegas, le premier artiste non canadien signé par Nagamo. Vegas est un auteur-compositeur-interprète et compositeur de « beats » trap primé originaire de Los Angeles, dont le père Pat est l’un des membres fondateurs du groupe funk-pop Autochtone Redbone (surtout connu pour son succès « Come and Get Your Love » dans les années 70).

Lorsqu’il n’est pas en train de découvrir de nouveaux artistes à ajouter à la l’écurie Nagamo – généralement grâce au bouche-à-oreille – Irwin, dont les origines Autochtones remontent à la nation crie d’Enoch, trouve encore le temps de composer.

« En tant que visage de l’entreprise, mon rôle est d’organiser et de construire, mais j’ai aussi le temps de travailler sur mon art, ce qui est important pour moi », dit-il. « J’ai quelques projets dans les cartons pour des émissions de la série The Nature of Things à la CBC. C’est très excitant… les encouragements fusent de toutes parts ! Les gens sont vraiment intéressés par Nagamo en ce moment. »