Rome n’a pas été bâtie en un jour et Comment Debord non plus. Née en 2016, la formation a pris son temps. Le temps qu’il fallait pour choisir les bonnes notes, les paroles qui leur ressemblaient; ils ont attendu de se reconnaître et de se choisir les uns les autres. À sept, ils ont désormais joint la famille Audiogram et après l’école que fut pour eux le concours Les Francouvertes en 2018, ils ont choisi l’automne 2020 pour faire paraître un premier album homonyme. Ils y sautent à pieds joints, en même temps… les sept en même temps.

Comment Debord Ce premier album, on l’écoute en boucle, sur la route ou seul à la maison et on a immédiatement le sentiment d’avoir été invité au party. Rémi Gauvin, le chanteur et auteur-compositeur principal des pièces nous raconte des moments de vie en jouant de son premier instrument : la métaphore. Simples ou filées, elles se déclinent poétiquement ou en humour, sans jamais se moquer. On entre dans un univers familier et chaleureux où tout ce qu’on nous dit est tangible, mais c’est la première fois qu’on nous en parle de cette façon-là.

« Je n’ai pas peur d’être coloré, mais c’est pas un band humoristique, explique Rémi. J’aime être touché par ce que j’écoute, donc j’essaie vraiment de toucher les gens. C’est le plus important, en fait. Et l’éventail de moyens que tu peux prendre pour toucher les gens est assez grand. Le rire en fait partie. »

À la guitare électrique, Karolane Carbonneau (NOBRO) fait partie de la base groovy que le groupe développe ensemble. « Rémi arrive avec une composition de base, rapporte Karolane. On va parfois travailler en sous-groupes, mais le drum et la basse (Olivier Cousineau et Étienne Dextraze-Monast) vont nous aider à faire un groove général. » « Ils sont très méticuleux, ces deux-là, rigole Rémi, on ne comprend jamais de quoi ils se parlent et on a souvent l’impression qu’ils enculent des mouches, mais on ne doute jamais qu’ils aient donné leur 110%. » Willis Pride (claviers) Alex Guimond (voix) et Lisandre Bourdages (percussions) complètent la bande.

Et si un groupe de sept personnes pourrait faire frissonner d’autres musiciens qui imagineraient déjà les chicanes, eux, n’ont jamais même frôlé les désaccords. « Ça vient du fait qu’on n’était pas des amis à la base, croit Rémi. On est tous un peu différents, tout en étant des Montréalais entre 25 et 32 ans qui vivent entre Pie-IX et Saint-Laurent! On a pigé des gens ici et là. On s’est agglutinés. Les affinités se sont créées après. En répétition, certains se parlent d’histoires d’amour ou d’autres se parlent d’escalade. »

« Je suis tannée d’entendre parler d’escalade, lance Karolane. Je ne peux pas en faire parce que je fais de l’eczéma et avec la guitare je ne peux pas me permettre ça, rigole-t-elle. Mais, plus sérieusement, les compositions viennent toutes de Rémi, mais après, on s’accorde tous autant d’importance et on se donne tous des moments pour rayonner dans chaque chanson. C’est super égalitaire. »

Souvent comparé à un Beau Dommage nouvelle vague, le groupe est bien ancré dans une vibe old school propre aux années 70 et se plait à bâtir des histoires dans lesquelles les Québécois se reconnaissent. « Ça peut autant parler à des gens de 20 ans qu’à des vieux péquistes », rigole Rémi. « C’est le seul groupe dans lequel je suis qui plait à ma tante », renchérit Karolane.

C’est Warren Spicer (Plants and Animals) – « notre 8e membre», dit Karolane – qui a réalisé l’album. Ce dernier avait déjà mixé pour eux la pièce Je me trouve laide parue sur un EP en 2018 et cette fois-ci, le groupe avait envie de retrouver « sa magie et sa touche indie » dans son œuvre. « Il aime le vin nature lui aussi, donc on l’a tout de suite aimé », s’amuse Rémi. « C’est chaud et organique, ce qu’il fait en général. On voulait vraiment sentir l’esprit de band, même sur l’enregistrement. On voulait que la personne qui nous écoute ait l’impression d’être avec nous », exprime Karolane.

Chasseurs de tournades est la pièce préférée de celle-ci qui, alors qu’elle n’était pas encore dans le groupe, avait eu un coup de cœur pour le morceau lors d’un spectacle au Divan Orange. « J’avais commencé à tourner pour faire des tournades dans la salle et j’avais lancé un mouvement », dit-elle en riant.

« C’est pas une chanson qui avait beaucoup de succès dans les concours, rétorque Rémi. Les gens ne comprenaient pas nécessairement notre faute d’orthographe volontaire dans le mot tournade alors qu’on voulait rappeler l’enfance en le disant comme ça. Mon ancien coloc fait son doctorat en météorologie. Il ne chasse pas des tornades, mais des phénomènes météo quand même. J’ai eu cette idée comme ça et je me suis dit que j’allais me gâter en écrivant ma sorte de toune préférée : une ballade. Ça dit que c’est correct de se chicaner en couple et des fois ça va moins bien, mais il faut mettre des efforts. Des fois on est les pires, on se met les deux pieds dans la tournade. C’est excitant de suivre une tournade en Arkansas, mais ce n’est pas une idée de génie en même temps ! »

Humainement et musicalement, le groupe qui a changé au gré du temps (et des tournades peut-être) sentait que le moment pour chanter ensemble d’une même voix, c’était maintenant. Leur premier album est un vent clément de fin d’été sur un golden hour de septembre. Et comment veulent-ils qu’on savoure cette offrande? « En auto, durant un gros road trip ou gelé comme une balle sur le pot légal », disent-ils, souriants.

Un ou l’autre, mais pas les deux en même temps.