Après avoir joué du clavier pour l’obscure formation December Strikes, Béatrice Martin (mieux connue sous le pseudonyme de Cœur de pirate) se joint ensuite à Bonjour Brumaire. Se sentant étouffée par les fortes personnalités qui l’entourent, elle quitte les rangs du groupe peu après et signe avec l’étiquette Grosse Boîte (maison de Tricot Machine). Avant même la parution de son premier disque, Cœur de pirate fait couler beaucoup d’encre et déchaîne les passions les plus cinglées sur le Web. Porté par un vent de hype complètement fou, le premier album de Cœur de pirate atterrit finalement sur les tablettes des disquaires québécois à l’automne 2008. « J’étais vraiment dépassée par les événements, laisse-t-elle tomber d’entrée de jeu. Au départ, je ne savais même pas que des gens m’écouteraient attentivement, mais je ressentais le besoin de me faire entendre. N’aimant pas déléguer mon matériel à d’autres musiciens et détestant recevoir des ordres, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas d’autre option que de me lancer en solo. »
Épaulée par David Brunet, collaborateur de Yann Perreau, Béatrice a su dénicher un comparse qui a habilement réussi à envelopper ses morceaux intimistes et sensibles de jolis arrangements à la fois épurés et évocateurs. Malgré quelques leçons de solfège au Conservatoire, c’est véritablement en studio que Béatrice découvre sa voix (et sa voie). Derrière son piano, la blonde pirate ose poser sa voix délicate sur ses textes évoquant souvent des chagrins d’amour. « La route fut longue avant de trouver ma voix. Je dirais même que je suis toujours en train de la chercher. Autour de moi, les gens ne m’encourageaient pas particulièrement et je ne pensais pas suivre cette voie de la chanson. Lorsque je suis entrée en studio, je me suis véritablement mise à chanter pour la première fois de ma vie. C’était vraiment cool. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de mes forces et de mes faiblesses et que j’ai commencé à travailler là-dessus, » avance la jeune femme au débit rapide.
Marquée au fer rouge par l’œuvre de Milan Kundera, Frédéric Beigbeder et Jean-Paul Sartre, l’auteure-compositrice-interprète de 20 ans a développé une façon bien personnelle d’échafauder ses morceaux. « Souvent, ça part d’une mélodie. Au piano, je ne suis pas Elton John et j’en suis consciente. Forcément, je m’en tiens donc à des trucs simples. Je trouve des accords pour accompagner la mélodie et, ensuite, je déniche des riffs quand j’ai de la chance. Parfois, les riffs m’aident à trouver les paroles, qui viennent en dernier lieu, » affirme-t-elle.
L’Europe sous le charme
Lancé en France en mai 2009 sous la légendaire étiquette Barclay, l’album homonyme de Cœur de pirate n’a cessé de récolter un lot de critiques élogieuses. Depuis cette parution, la carrière européenne de Cœur de pirate connaît une ascension exceptionnelle. Ayant remporté un imposant succès avec la chanson « Comme des enfants », Béatrice a survécu à cette nouvelle tempête de hype qui s’est abattue sur elle. Elle raconte : « Au départ, je cultivais certaines appréhensions. Dans ma tête, ce qui fonctionnait là-bas n’était pas nécessairement de qualité. Puis, j’ai découvert qu’en France, ça marchait autrement qu’ici. Ce sont les chansons et non pas les albums qui connaissent du succès. Là-bas, je n’ai pas vraiment reçu de mauvaises critiques. Les gens ont accepté mon album tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Ils ne se sont jamais arrêtés à mon âge et ont compris l’essence de ma musique. Ici, lorsque j’ai démarré le projet, j’étais âgée de 18 ans. C’était un choc pour les gens, car ça faisait longtemps qu’on avait vu quelqu’un d’aussi jeune dans le milieu de la chanson. C’était un élément de distraction. »
Malgré le succès, la jeune femme garde la tête bien froide. « Maintenant, j’avoue que j’ai peur tous les jours. Je sais très bien que si mon deuxième album ne fonctionne pas aussi bien, ça peut se terminer du jour au lendemain. Le jour où j’aurai envie de tout arrêter, je le ferai sans un moment d’hésitation, mais j’ai l’impression que ça n’arrivera pas tout de suite parce qu’il y a des gens qui comptent sur moi et qui croient en moi, » raconte-t-elle.
Une pirate occupée
Ayant multiplié les concerts en 2009, collaboré au dernier-né de la formation hip-hop Omnikrom et participé à la compil Génération Passe-Partout, Béatrice ne compte pas ralentir la cadence cette année. En plus de participer à plusieurs festivals majeurs en France et d’enchaîner les concerts à un rythme d’enfer des deux côtés de l’Atlantique, la pianiste et chanteuse souhaite regagner le studio cet automne pour mitonner son prochain opus. Bref, une autre année chargée attend la pirate Béatrice Martin. « Je suis consciente de la chance exceptionnelle que j’ai. Ce que je vis est extraordinaire. Je sais qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir, mais ça ne me dérange aucunement. Ma priorité est de continuer à bosser pour que ça fonctionne autant ici qu’en Europe, et ce, jusqu’à temps que je fasse un burn out! Lorsque j’ai deux semaines de vacances, je commence à tourner en rond, à me poser des questions. Je suis une vraie workaholic, mais aujourd’hui, je ne me verrais pas faire autre chose que de la chanson. »