Le retour du mois de février et, surtout, de la Saint-Valentin qui s’y rattache, éveille l’éternel amoureux en nous. C’est l’occasion de signifier à son mari, à sa blonde, à son conjoint ou à son amant qu’on l’aime encore et toujours.

Roses bien rouges, chocolats fins, soupers romantiques et week-ends dans une retraite en amoureux servent le plus souvent à souligner la fête de Cupidon. Et pourquoi pas la musique? Après tout, l’amour est le sujet de prédilection de la chanson en toutes langues depuis que le monde est monde.

Et nous avons même des chansons d’amour qui débordent largement de la célébration de février. Des chansons intemporelles qui évoquent l’amour au quotidien, ses hauts et ses bas, et ses effets à long terme. Des chansons comme Vivre avec celui qu’on aime, co-écrite et interprétée par Francine Raymond.

Mise en marché sur le premier disque solo de l’auteur-compositrice et interprète il y a trois décennies (1987), Vivre avec celui qu’on aime (paroles : Luc Plamondon, musique : Francine Raymond et Christian Péloquin, éditeurs : Plamondon Publishing, Les Éditions Dernière Minute et Éditorial Avenue) est devenue un classique de la SOCAN dix ans plus tard. Bonne occasion de parler avec son interprète de la genèse de cette œuvre, 20 ans après cette consécration.

Une chanson… en anglais

Francine Raymond

Photo: Laurence Labat

« J’avais déjà une musique sous la main qui a été réalisée en collaboration étroite avec Christian Péloquin, mon musicien de garde, précise Francine Raymond. C’est d’ailleurs lui qui a composé les trois quarts de la musique de la chanson. Christian avait toujours avec lui un gros sac à cassettes un peu en désordre. Il en sortait une et me disait :  » écoute tout ça « . Sans ce sac de cassettes, il n’y aurait rien eu et on ne serait pas en train de discuter aujourd’hui », précise celle qui verse dans la photographie ces temps-ci.

Francine Raymond a appris son art sur les scènes du Québec dès les années 1970. En grande partie avec Péloquin et Hollywood and Wine, jusqu’au milieu des années 1980. Des années à parcourir les bars et les clubs qui jalonnaient les routes du Québec.

« À l’époque, je venais de quitter les scènes où j’étais six soirs par semaine. La musique et mon inspiration ont mené à un premier jet. Pour la musique, avec moi, c’est toujours la mélodie qui dicte ce qui s’en vient. Avec mon expérience des sonorités anglophones qui sont faciles à mettre en bouche, j’avais fait un texte d’essai en anglais et un démo élaboré. »

Pour Nicole

« Ç’a été la toute première chanson du disque. En fait, elle existait sous cette forme depuis près de deux ans avant la sortie de l’album. Je l’avais même proposée à Nicole Martin, ce démo anglophone. Elle m’a dit : « Ma chérie, tu as un gros hit. Je le veux. »

« Mais c’est à ce moment que je me retrouve en France pour des engagements avec Johnny Hallyday et Michel Berger. Là-bas, je croise Luc Plamondon. À un moment, je me retrouve dans son appartement et je lui fais écouter le démo en question. Et il me dit qu’il veut m’écrire un texte en français sur cette musique. Je me dis que je dois en faire part à Nicole. Et elle m’a remise la chanson avec beaucoup de grâce et en me disant « vas-y », parce qu’elle était convaincue que je tenais un succès avec cette chanson. Et on connaît la suite… »

Nouveau thème

Francine Raymond

Photo: Monic Richard

Au fil d’arrivée, le texte que Luc Plamondon a remis à Francine Raymond n’avait rien à voir – mais vraiment rien à voir – avec celui de son premier jet.

« Ce n’était pas du tout une adaptation de texte anglophone, comme on le voyait au Québec dans les années 1960. Luc s’est inspiré d’une idylle secrète de deux de ses amis qui venait de se terminer. En anglais, la chanson, c’était complètement autre chose. C’était une chanson où je voulais changer le monde… I think I’ll change the world todayTell me how I can work it out. Quelque chose comme ça.

« Avoir un nom comme Luc sur une de ses chansons, ça ouvre des portes. À l’époque, j’étais une fille qui vivait à Paris depuis plusieurs mois quand c’est arrivé. J’étais dans une « Paris-zone ». Je sautais ainsi d’une case à l’autre. Je n’ai pas eu de mal à passer d’une scène anglophone (où Francine Raymond faisait des reprises) à un milieu francophone, car je m’adapte très bien. »

Dans le puits sans fond de chansons d’amour, il en existe avec des tas de « je t’aime » et « je te désire ». Il existe aussi le contrepoint, soit des chansons de rupture qui veulent dire la même chose, au fond, mais où la notion de départ est cruciale. Vivre avec celui qu’on aime contient tous ces éléments.

Des passages comme « Vivre avec celui qu’on aime / balayer tout derrière soi / pour ouvrir tout grand les bras », d’autres comme « À chaque amour / la vie recommence / À chaque amour / une autre existence » ou « Vivre avec celui qu’on aime / quand on s’y attendait plus / À cœur perdu de trouver / le goût de vivre » l’évoquent parfaitement. Indiscutable chanson de rupture, Vivre avec celui qu’on aime ouvre aussi d’autres horizons.

« On a un pied des deux côtés, admet Francine Raymond. Il fallait établir un thème et bien comprendre ce sentiment-là. Je pouvais m’y coller. Si le rôle ne va pas, tu ne peux pas jouer le rôle. Les commentaires du public ont montré à quel point les gens s’appropriaient la chanson de toutes les façons. Il y a des gens qui l’ont utilisée pour des mariages. D’autres l’écoutaient pour aller de l’avant, après une rupture. Nous étions dans les années 1980, où on a commencé à parler beaucoup de familles reconstituées. Luc a compris ça. »

Le clip d’antan

 

Le clip de la chanson, qui a vu le jour à l’époque où Musique Plus venait de naître, ramenait à cette notion de départ / recommencement avec la présence des bateaux dans le port où les images ont été tournées.

« On a tourné ça dans le port de Sorel, avec quelques raccords avec la Ronde, à Montréal. C’était en octobre et il faisait un froid glacial. Christian avait les mains gelées à la fin de la journée. »

Dans le clip, Francine Raymond a ses boucles blondes qui nous rappellent un tantinet Stevie Nicks, mais elle tient la guitare comme le fait Chrissie Hynde (Pretenders), le tout, avec un béret et une veste assorties qui lui confèrent une allure digne de Rod Stewart

« Rod Stewart. Oui, il y avait de ça… Le look, c’était voulu de ma part. Je me disais que si je n’avais pas l’air « poupoune », on écouterait plus la musique. »

Et on les a écoutées, les chansons de la lionne. Vivre avec celui qu’on aime, puis Souvenirs retrouvés, Y’a les mots, pour ne nommer que celles-là. Des chansons pop irrésistibles. Au fait, quelle est la définition d’une bonne chanson ?

« C’est une observation de l’esprit. C’est contempler avec les oreilles. Ça passe par le cœur, par l’âme, par les bonnes places… Nous sommes les canalisateurs d’une essence. En mode réceptif. »