L’artiste, auteur-compositeur et producteur vancouvérois Chin Injeti a collaboré sur trois projets primés d’un Grammy, il est lauréat de deux prix Juno et, au Canada, on se souvient sans doute de lui comme un des fondateurs du trio R & B Bass Is Base.

De manière typiquement canadienne, c’est un talent né ailleurs, mais qui a grandi ici et qui est désormais un des porte-étendard de la diversité musicale canadienne sur la scène mondiale.

Injeti avait cinq ans lorsqu’il est arrivé au Canada en provenance de l’Inde. Victime de la polio lorsqu’il était tout jeune, Chin a passé une bonne partie de son enfance en fauteuil roulant. Ellen, sa mère, était déterminée à ne pas laisser la maladie lui voler son fils et la famille est donc venue s’installer au Canada, d’abord à Toronto, afin que Chin puisse y être traité. Il a pu marcher de nouveau, mais c’est durant son séjour à l’hôpital qu’il a découvert une chose qui le soutiendrait et le soulèverait pour le reste de ses jours : son amour de la musique.

« Nous nous soucions plus de la qualité de la chanson que de la culture pop caractérielle qui nous entoure. »

Chin Injeti

Photo by Robin Miller

C’est à ce moment qu’il a réalisé que sa vie serait dédié à la musique. Puis, alors qu’il explorait la musique sous tous ses genres, ce fut le jeu de Geddy Lee sur l’album Hemispheres de Rush qui l’a inspiré à apprendre la basse. Ses premières réussites sont arrivées au début des années 90 alors qu’il faisait partir du trio R & B Bass Is Base et compagnie d’Ivana Santilli et de Roger « Mystic » Mooking, aujourd’hui propriétaire de restaurant et chef vedette sur Food Network.

Leur premier album, First Impressions : For the Bottom Jigglers, a remporté un prix Juno. Leur deuxième, Memories of the Soul Shack Survivors, paru en 1995, contenait notamment le succès au Top 30 I Cry. Le groupe s’est rapidement séparé et Injeti s’est dirigé vers Surrey, en C.-B., afin d’y trouver un nouveau départ.

Depuis, il a produit des artistes tels que Esthero, Kinnie Starr, Bedouin Soundclash et The Canadian Tenors. Pendant plusieurs années, il se rendait à Los Angeles afin d’y étudier la scène musicale locale.

C’est là, en 2008, qu’il a rencontré DJ Khalil. Les deux artistes se sont découvert de nombreux goûts musicaux communs. Souvent en collaboration avec Khalil, Injeti a commencé a travailler avec une impressionnante liste de grands noms de la scène musicale américaine.

Son travail avec le rappeur Eminem comprend notamment l’album primé aux Grammys en 2010 (Recovery), l’album Marshall Mathers LP 2, ainsi que la pièce Survival que l’on peut entendre dans le jeu vidéo Call of Duty : Ghosts. Il a également travaillé avec Dr. Dre, 50 Cent (Before I Self-Destruct), le trio hip-hop Clipse mettant en vedette Kanye West sur la chanson Kinda Like a Big Deal, sans parler de la mégavedette torontoise, Drake, pour son « mixtape » So Far Gone. Il a également collaboré à un autre album primé aux Grammys, celui de l’artiste hip-hop chrétien Lecrae intitulé Gravity.

En 2012, il a collaboré à l’album The Truth About Love de P!nk ainsi que sur l’album Lift Your Spirit de l’artiste R & B/pop/hip-hop, Aloe Blacc, en 2014.

« On ne cherche pas à créer des hits. On ne cherche pas un son en particulier », explique Injeti au sujet de son travail avec Khalil. « Nous ne sommes pas le genre à dire “OK, voici ce qui cartonne sur le Top 10, on doit travailler avec ces gars-là”. Nous essayons d’être nous-mêmes et nous nous soucions plus de la qualité de la chanson que de la culture pop caractérielle qui nous entoure. »

De temps à autre, Injeti et Khalil travaillent également au sein d’une entité créative baptisée The New Royales aux côtés de Erik Alcock et Liz Rodrigues. Récemment, l’équipe a participé à la création d’un autre projet avec Eminem, dont notamment la pièce Kings Never Die (mettant en vedette Gwen Stefani) figurant dans le film Southpaw, mettant en vedette Jake Gyllenhaal.

Lors de notre entrevue avec Injeti, fin novembre 2015, il venait tout juste de terminer une séance en studio avec Monsieur Uptown Funk lui-même, Bruno Mars, au cours de laquelle ils ont créé et enregistré plusieurs démos pour le chanteur. Il ne pouvait pas nous dire grand-chose au sujet de cette collaboration, si ce n’est que : « On est allés en studio avec lui et on a essayé plein de trucs. »

Et même si le fait de travailler avec de si grandes vedettes est une corde de plus à son arc, sa perspective sur la chose montre bien ses racines de « homeboy » authentiquement canadien.

« Ce que je retiens de mon travail avec tous ces artistes de haut calibre, c’est qu’ils sont incroyables, mais je sais qu’ils aiment ce que j’apporte au processus à cause de mes racines à Vancouver et Toronto. Nous apportons notre propre identité musicale qui est, je crois, très internationale. Cela nous donne une perspective différente sur leur travail. »

Mais encore?? « Simplement en changeant le paysage sonore, en y ajoutant une certaine pertinence culturelle », croit Injeti. « Culturellement, le R & B a tellement évolué, ce n’est plus simplement du funk et du soul, ça s’en va dans toutes les directions. On y entend des “samplings” de rock, par exemple, et on voit des collaborations que l’on n’aurait jamais imaginé il n’y a pas si longtemps. »

« C’est vraiment génial que la SOCAN soit en mesure de connecter les gens et c’est vraiment ça qu’elle fait en ce moment. C’est comme une maison de disque idéale. Elle fait réellement pousser le talent artistique. »

Ce qu’il a appris de son travail avec tous ces artistes, c’est tout simplement d’être lui-même. Il sait très bien que ses racines et son identité sont tout ce qu’il a besoin de contribuer au processus.

« Faut pas essayer d’être eux. Faut s’en tenir à qui on est et à ce qui fait de nous nous », explique-t-il. « Avant, on regardait ailleurs, on se disait “faut aller à L.A., faut aller à New York” pour faire nos trucs. Maintenant, on peut se contenter de faire nous. »

Injeti s’est totalement investi dans ce « nous » il n’y a pas si longtemps alors qu’il a participé, en compagnie d’autres auteurs-compositeurs, producteurs et artistes canadiens au tout premier camp d’écriture k?.n?kt de la SOCAN, qui avait lieu en septembre 2015 en Nouvelle-Écosse.

Pendant la semaine qu’a duré l’événement au Shobac Cottages d’Upper Kingsburg, des auteurs-compositeurs d’expérience tels que Jully Black et David Myles ont partagé leur savoir avec des artistes en émergence tels que Sophie Rose et Levi Randall en compagnie de producteurs établis tels qu’Injeti et Young Wolf Hatchlings (Jarrel Young et Waqaas Hashmi).

Chin Injeti

Photo by Chin Injeti

L’objectif de ce camp d’écriture était de proposer un environnement propice à la création musicale ainsi qu’à un échange d’idées et de talents. Chaque matin, les participants recevaient des instructions et devoirs de groupe pour la journée.

« C’était incroyable », raconte-t-il. « On travaillait ensemble chaque jour et à la fin de la journée, nous présentions aux autres les chansons sur lesquelles nous avions travaillé cette journée-là dans un esprit de camaraderie incroyable. J’ai rencontré tellement d’artistes que je n’aurais jamais rencontrés autrement qu’en participant à ce camp. »

Le dernier jour de ce camp, 20 représentants de l’industrie de la musique se sont joints à eux pour une séance d’écoute et de critique constructive du travail accompli pendant la semaine.

« C’est vraiment génial que la SOCAN soit en mesure de connecter les gens et c’est vraiment ça qu’elle fait en ce moment. C’est comme une maison de disque idéale. C’est l’impression que j’ai de la SOCAN. Elle fait réellement pousser le talent artistique. »

En ce qui concerne le talent propre d’Injeti, il a récemment lancé un album solo intitulé The Reverb. Fidèle à ses goûts très éclectiques, on y entend de tout, du trip-hop au funk en passant par le rock et des sonorités ambiantes. Il est également très excité par un tout nouveau projet intitulé The Lifetimes, un groupe entièrement composée de pairs musiciens vancouvérois.

« J’ai rarement la chance de faire un truc du genre parce que je suis toujours parti pour travailler sur mes nombreux projets, mais j’adore travailler avec mon monde de Vancouver et ce projet me le permettra enfin. »

Il retournera bientôt en studio avec Aloe Blacc ainsi qu’avec P?! nk pour quelques chansons.

Informé par la diversité des influences musicales canadiennes, Chin Injeti continue de faire profiter au monde entier de cette sensibilité tout en continuant de cultiver ses propres sons et sa propre vision dans son propre jardin.