Dans certaines famille, on fait la file pour la douche. Chez les Dodson – Rich, Mary-Lynn, Holly et Nick – c’est plutôt pour accèder au studio d’enregistrement à la pointe de la technologie qui occupe le sous-sol de leur résidence à Toronto.

C’est là tout un univers musical. Une vaste sélection de guitares et claviers, entre autres instruments, jouxte un bureau entièrement consacré aux opération de marketing et bardé d’ordinateurs connectés aux indispensables sites de médias sociaux et de services musicaux qui connectent les artistes à leurs fans. Un murest couvert des disques d’or amassés par le patriarche Rich Dodson – guitariste et cofondateur du trio rock canadien The Stampeders – intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens en 2006 en tant que co-auteur de “Sweet City Woman », le plus grand succès du groupe. The Stampeders se sont également mérité le Prix SOCAN 2011 pour l’ensemble de leur oeuvre, et deux Prix SOCAN de la chanson classique en 1993. 

“J’ai monté un studio 24 pistes [Marigold Studios] pour garantir mon autonomie et mon indépendance” – Rich Dodson

C’est en 1978 et en bons termes que Rich quitte le groupe, après 13 années de vie rythmées par l’impitoyable calendrier des tournées et séances d’enregistrement. « Je souhaitais cette liberté, alors quand nous avons acheté la maison, j’ai monté un studio 24 pistes [Marigold Studios] pour garantir mon autonomie et mon indépendance », explique Rich. Il met rapidement sur pied Marigold Productions, son propre label indépendant de distribution nationale, et devient l’un des pionniers en matière d’outils d’enregistrement numériques et de marketing et de promotion en ligne. Son épouse Mary-Lynn prend une part importante dans l’opération, forte de son expérience acquise au sein de Quality Records, où elle est l’une des premières spécialistes du pistage radio au Canada.

Dans les années 80, le studio commence à faire le buzz et attire des artistes aussi variés que Buffy Sainte-Marie, le regretté Handsome Ned, et Alanis Morissette, pour ne citer qu’eux. Contaminés par son esprit d’indépendance et d’extrême débrouillardise, sa fille Holly et son fils Nick démontrent un intérêt sans cesse grandissant pour la musique. Aujourd’hui chanteuse, musicienne, compositrice, auteur et productrice, Holly est aussi cofondatrice et figure de proue du trio électro-pop Parallels, aux côtés de Nick qui assure la batterie. Également multi-instrumentiste et producteur, Nick tient les rênes de son propre groupe, Eyes of Giants. Parallels connait un succès critique retentissant et son “Dry Blood” figure sur la bande originale du long-métrage Curfew, qui s’est mérité un Academy Award.

“Holly chante et joue de tous les instruments sur XII, le second album du groupe qu’elle a également mixé” rappelle Rich fièrement. “J’ai bien réglé quelques petites choses ici et là mais elle a vraiment fait l’album au complet elle-même. Ça m’a jeté à terre. Nick joue formidablement du piano et de la batterie et il produit plusieurs projets également.”

À l’ère du numérique, Rich est plus que jamais enthousiaste à l’idée de créer de la musique et de la mettre en marché. C’est d’ailleurs lui qui, quelques années après la réunion de The Stampeders en 1992, s’attèlera à produire leur site web.

“Dans le même temps, j’ai du me battre avec Nick et Holly pour qu’ils ne négligent pas la radio traditionnelle,” dit Rich. “Ils n’écoutent pas la radio mais cela demeure un moyen privilégié de découverte de la musique pour bien des gens.”



Les conseils d’un père et la passion de rendre la musique des compositeurs de l’Ouest canadien accessible à un large public sont des concepts clés du succès du label indépendant de country Royalty Records, basé à Edmonton. Ce à quoi il ne faut pas oublier d’ajouter un zeste « d’entêtement typiquement écossais », plaisante son fondateur R. Harlan Smith, 75 ans.

Royalty célébrait en 2014 non seulement ses 40 ans dans l’industrie, mais également une nouvelle entente de distribution avec Sony Music Canada. Le label compte parmi ses champions la vedette country Gord Bamford, ainsi que Hey Romeo, Tenille et Jay Sparrow. Smith déclare qu’en 40 ans chez Royalty, il a écrit plus de 200 chansons, produit au-delà de 40 albums et plus de 200 titres.

“Je me levais tous les matins avec l’énorme envie d’accomplir quelque chose et impatient de voir ce que la journée me permettrait de faire.” – R. Harlan Smith de Royalty Records

La vision de l’humble entrepreneur remonte à 1974, époque à laquelle Smith décide de donner un toit aux musiciens et compositeurs country de l’ouest du Manitoba. D’après lui, « une quantité énorme de musiciens talentueux demeuraient inconnus ».

Lorsque Smith fonde le label – dont il dessine le premier logo sur une serviette en papier – les multinationales lui assurent que son projet ne passera pas le cap des deux ans. Quarante ans plus tard, Smith n’est pas peu fier de leur avoir prouvé le contraire.

C’est au cœur de la Saskatchewan rurale que sa mère, professeur de piano, lui transmet son amour pour la musique. Deux incontournables animent les soirées du samedi d’un gars des Prairies dans les années 50 : on écoute le palmarès country à la radio locale et le match de hockey. “Ne pas faire l’un ou l’autre revenait à signer son arrêt de mort!” plaisante-t-il.

L’influence de son père se fait également rapidement sentir. « Alors que j’étais encore adolescent s’apprêtant à quitter le nid familial, il a eu quelques bons mots pour moi que je ne ai jamais oubliés », raconte Smith. « Peu importe ce que les gens te disent, fais ce que ton âme te dicte. Si tu as une passion pour quelque chose, vis la et suis la, tout simplement. » Ce à quoi il avait ajouté, « arrange toi pour toujours faciliter la vie des membres de ta communauté ».

Smith s’applique à suivre soigneusement les conseils de son père alors qu’il s’installe à Edmonton qu’il considère « une des meilleurs scènes musicales qu’il m’ait été donné de rencontrer » et entame une carrière de musicien et compositeur-parolier.

Le succès vient vite mais Smith se remémore les conseils de son père et décide de « rendre » à la communauté et crée pour ce faire son propre label. Gary Fjellgaard est l’un des premiers protégés de l’écurie Royalty Records. C’est dans le restaurant d’une petite ville que Smith découvre le compositeur et parolier britano-colombien aujourd’hui intronisé au Panthéon de la musique country canadienne.  “J’ai entendu ce disque dans le jukebox et les bras m’en sont tombés,” se souvient Smith. “C’est d’abord la chanson elle-même qui m’a frappée, mais aussi la voix.”

Le parcours musical de Smith est avant tout une affaire de cœur. Son fils Rob l’a rejoint dans sa passion et dirige depuis une dizaine d’années l’ensemble des entreprises de Royalty Music Group, qui inclut la maison d’édition Helping Hand Music Ltd.

“Pendant toutes mes années dans l’industrie de la musique, je n’ai pas eu l’impression de travailler une seule journée,” conclut Smith. “Je me levais tous les matins avec l’énorme envie d’accomplir quelque chose et impatient de voir ce que la journée me permettrait de faire. Quelle merveilleuse façon de vivre sa vie.”



La musique est entrée relativement tard dans la vie de James O’Callaghan, surtout pour quelqu’un qui, à 26 ans à peine, a déjà accompli des choses remarquables. Comme de partager le grand prix John Weinzweig à l’occasion de l’édition 2014 du Concours Jeune compositeur de la Fondation SOCAN et une nomination pour le prix JUNO de la meilleure composition classique pour son œuvre symphonique Isomorphia.

“Je n’ai aucun antécédent familial en matière de musique et n’ai pas étudié d’instrument lorsque j’étais enfant », révèle-t-il en se remémorant son enfance à Currie (CB). “J’ai commencé par la musique électronique dans mon sous-sol avant mes études universitaires et le diplôme interdisciplinaire que j’ai décroché à l’université Simon Fraser a été mon billet d’entrée dans le monde de la musique. Je me suis d’abord intéressé à l’expérimentation et à la manipulation des sons. Je travaillais le timbre des sons et me suis rapidement dit que j’aurais intérêt à m’orienter vers la production. C’est alors que j’ai appris qu’il existait bel et bien une catégorie musicale qui correspond à ce que je faisais! »

“Je n’ai aucun antécédent familial en matière de musique et n’ai pas étudié d’instrument lorsque j’étais enfant.”

À l’université Simon Fraser, O’Callaghan étudie la musique électroacoustique auprès de Barry Truax et suit les cours de composition instrumentale de David MacIntyre et Rodney Sharman. “Je n’aurais probablement pas pu mettre le pied dans l’univers de la composition sans ce programme unique et totalement ouvert » note-t-il. “Les études que j’ai entreprises par la suite à l’université McGill ont sans aucun doute permis d’accélérer les choses et des nombreuses opportunités sont apparues alors que je travaillais avec Philippe Leroux.”

Isomorphia, sa première commande symphonique, a bien évolué depuis ses débuts, alors qu’il était compositeur en résidence avec l’Orchestre national des jeunes du Canada, et sa nomination au Prix JUNO avec le même orchestre sous la direction du chef Alain Trudel. “Les musiciens de l’ONJC sont tout simplement exceptionnels,” affirme O’Callaghan. “Cette expérience était tout bonnement fantastique et je suis absolument ravi de leurs performances dans le cadre de la tournée nationale de l’orchestre.”

O’Callaghan a terminé sa Maîtrise en musique de l’université McGill l’an dernier (Isomorphia lui servant de travail de thèse) et il envisage d’entamer un doctorat bientôt. En attendant, « un grand nombre d’opportunités et de demandes de collaboration se sont présentées, et je suis obligé de les refuser ou de les remettre à plus tard », se réjouit-il.

Il a fallu d’abord livrer la commande passée par le Groupe de Recherches Musicales (INA-GRM), en coproduction avec Le Vivier à Montréal et dans le cadre d’une résidence aux studios GRM à Paris qui en accueillait la première mondiale le 24 janvier dernier. Une seconde performance, sous l’égide de Le Vivier, est prévue le 11 juin prochain à Montréal où O’Callaghan réside encore aujourd’hui.

Une nouvelle commande de l’Ensemble Paramirabo de Montréal est également au programme avec une première prévue le 4 juin. Dans un autre ordre d’idées, O’Callaghan fait partie des 12 compositeurs qui travaillent conjointement sur un opéra inspiré du Frankenstein de Mary Shelley, produit par l’ensemble montréalais Bradyworks, qui en accueillera la première le 6 mai.

« Chacun des compositeurs contribue à une scène de l’opéra », explique O’Callaghan, « tout comme les différentes parties du corps du monstre ont été assemblées. Les compositeurs travaillant tous plus ou moins de façon indépendante, ce sera très intéressant de voir comment ces différents styles cohabitent. »