Si votre cordon du cœur traîne dans la bouette, le moment est venu de prendre une pause avec Camaromance qui ramasse les âmes écrasées. Huit ans après son disque The Parade, Martine Groulx présente Chasing Clouds, un album sur lequel on dépose les moments trop lourds, les amours partis et les deuils récents. Et après… « ça va être correct. »

Camaromance, Martine GroulxMartine Groulx nous apprend, tant dans son discours qu’avec ses chansons que, dans la vie, c’est rare que les choses soient vraiment finies. Alors qu’elle pensait se consacrer à sa maison de disque Lazy At Work (Fuudge, Galaxie, Les Dales Hawerchuk, entre autres) et ne plus jamais refaire d’album, c’est plutôt la musique qui s’est imposée à elle comme une rédemption, une guérison.

« Il y a deux ans, j’ai fait un pré-burn-out, je voulais prendre du temps pour moi. Alex McMahon, mon ami, m’a laissé son studio pendant qu’il était parti un mois au Mexique. Ensuite, je suis partie deux mois en Nouvelle-Zélande et tout s’est placé. J’avais déjà des chansons. J’ai parlé à Pierre Fortin parce que je voulais qu’il réalise l’album. Je viens d’avoir quarante ans. C’est un cadeau à moi de moi de faire un album avec des gens que j’aime », dit celle qui se laisse pour une fois le loisir de ne pas s’occuper de tout. Pierre Fortin s’étant chargé de la production et Simone Records l’ayant pris sous son aile, elle peut se laisser porter et recevoir un peu de tout ce qu’elle donne normalement.

« J’ai vraiment passé à travers beaucoup de choses, des défis de la vie, croit Martine. En vieillissant, on se retrouve face à la mort dans notre entourage; j’ai essayé d’avoir des enfants, sans succès, j’ai affronté des choses. La trentaine est la décennie où les choses se placent et où on fait des deuils. » Toutes les histoires qu’elle écrit finissent en chansons d’amour parce que « ça fait du bien de transformer les moments difficiles en belles chansons », soutient-elle. En tant que femme, elle est persuadée que la trentaine est la clé de l’affirmation de soi, là où l’on fait les choix de carrière, d’amis, de famille. « On est si occupées à construire une carrière durant la vingtaine… On croit qu’on sait qui on est, mais finalement, vraiment pas », affirme-t-elle.

C’est le propre de plusieurs d’entre nous de nous mettre de la pression pour accomplir des choses. Martine ne fait pas exception. « Chaque année je m’écris un message à ma future moi. J’avais même pas remarqué à quel point je m’en demandais beaucoup. C’est intéressant de réfléchir à ça, au travail qu’on investit, où est-ce qu’on met notre énergie, dit-elle. Aujourd’hui, j’ai diminué ma quantité de travail. Je veux du temps pour me rappeler qui je suis, ce que j’aime lire, avec qui je veux passer du temps, où je veux partir en voyage. »

Pierre Fortin a coréalisé le dernier album de Galaxie, tout en réalisant celui de Camaromance, et celui de David Marin qui sortira plus tard. « Il a trouvé ça stimulant de faire trois projets super différents en même temps et moi j’étais contente de travailler avec un ami. Pendant ce temps-là, moi je sortais l’album de Galaxie avec Lazy At Work. Tout s’est emboîté de façon parfaite dans les derniers temps. »

Après avoir fait trois albums de 2004 à 2010 et avoir fait le tour du Canada sept fois pour présenter cette musique, Martine a constaté qu’elle était peut-être une cordonnière mal chaussée, ne se donnant pas le loisir de se présenter comme il faut ici. « Il y a plein de gens qui viennent juste d’apprendre que je fais de la musique. C’est plus gênant de se vendre soi-même quand tu connais tout le monde. On suppose que si tu fais une bonne job au quotidien, les chances que tu fasses un bon album aussi sont limitées. Les gens avaient peur de m’écouter et de devoir me dire qu’ils n’aimaient pas ça. »

Durant l’écriture des chansons, c’est le seul moment où Martine ne réfléchit pas. C’est une impulsion. « La chanson Marguerite, c’est le nom du bébé que j’aurais aimé avoir. Le message est abstrait, mais je me suis fait inséminer en clinique et ça n’a pas fonctionné. Dans la pièce, je dis I’m not getting any younger. C’est dans la simplicité. C’est juste assez émotif pour que tu comprennes que quelque chose est arrivé, mais tu en prends ce que tu veux pour te l’approprier », dit-elle en précisant qu’elle apprécie les chansons rassurantes. « Je m’écris des chansons pour me dire « ça va être correct ». »

Active dans le milieu musical depuis près de vingt ans, Martine perçoit la scène musicale d’ici comme un milieu extrêmement en santé. « C’est vraiment très sain le respect que les artistes ont entre eux. On n’est pas compétition les uns contre les autres. Les musiciens sont en compétition contre l’apathie. Les gens s’intéressent moins à la culture. Le vrai défi, c’est de les intéresser à ce qu’on fait », explique-t-elle en précisant que ça prend de l’imagination pour atteindre un public.

En tant que membre du conseil d’administration de la Fondation SOCAN, Martine remarque d’autant plus les efforts qui sont investis pour mettre en valeur les membres, mais aussi pour aider les femmes en musique. « Je me suis dit « qu’est-ce que je peux faire pour aider les femmes? » Il y a des porte-paroles fortes. Je n’ai pas ce genre d’intensité, avoue-t-elle. Je veux augmenter le nombre de femmes sur les conseils d’administration. C’est comme ça que je soutiens la cause. »

Bilingue de naissance, Martine Groulx compartimente la vie au fil des langues: elle est émotive en anglais et rationnelle en français. « Je me fâche en anglais, mais je ne pourrais jamais faire des maths en anglais, dit-elle en riant. La comptabilité se passe toujours en français. » C’est pourquoi sa seule chanson en français, qui porte son nom à elle, a été écrite par Francis Faubert. « Ça m’a pris 36 heures m’en remettre, se rappelle-t-elle. Il me l’a enregistrée en chuchotement parce que sa fille dormait et il m’a précisé « C’est pas toi. C’est le pire jour de ta vie ». Il n’y a rien qui va bien dans cette chanson-là. »

Et comme Faubert, Martine nous chuchote ses histoires en nous les offrant pour notre propre bien. Après, elles sont à nous, elles épousent nos souvenirs pour éponger les restes. « La chanson Antoine, raconte ça, dit Martine: accepter que c’est pas toujours exactement ce qu’on veut, mais savoir que ça va être correct. » Tout va être correct.





Des changements, Jennifer Beavis en a vu à la tonne au cours de ses 25 années de carrière. Les concepts de contraction et de fusion sont partout depuis qu’elle a reçu son diplôme du Fanshawe College en 1993. Elle n’a jamais cessé de travailler à plein temps comme employée, sous-traitante ou consultante, mais dans son cœur, elle a toujours été une éditrice de musique.

« Le secteur s’est transformé en économie de piges », explique Jennifer Beavis avec une résignation optimiste. « J’ai fondé Librascor parce que c’était très difficile de trouver une autre position exécutive permanente et à plein temps du même genre. Je ne regrette absolument rien. »

Aujourd’hui, la dirigeante de Librascor Copyright Consulting est maître de son propre destin et elle travaille pour un porte-folio de clients incluant BMG Rights Management, pour qui elle agit à titre de directrice de l’entité canadienne, Zoomer Media et Corkscrew Media. Arts & Crafts Productions, 604 Records, CCS Rights Management, Street Quality Entertainment, C2W Music Ltd et Entertainment Tonight ont tous déjà figuré à la liste des clients de Librascor.

« J’aime ce que je fais, et heureusement, j’en étais à un point de ma carrière où j’avais cumulé suffisamment d’expérience et de contacts dans l’industrie pour pouvoir offrir mes services comme consultante. Le secteur rétrécit et beaucoup de travail s’effectue aux États-Unis, mais ils ont tout de même besoin d’expertise canadienne. »

« Au début, je passais beaucoup de temps au téléphone », se souvient Beavis. « C’est ce qui s’est passé avec BMG, qui venait de mettre fin à sa relation avec leur administrateur précédent. J’ai passé un coup de fil au directeur pour l’Amérique du Nord, car on se connaît, et deux semaines plus tard, j’avais le contrat. J’ai peine à croire que ça fait déjà cinq ans. »

« J’ai passé un coup de fil au directeur pour l’Amérique du Nord, car on se connaît, et deux semaines plus tard, j’avais le contrat. »

Trois conseils de Jennifer Beavis à l’intention des auteurs-compositeurs à la recherche d’un éditeur

  1. « Soyez visibles. Nous vivons dans un monde de médias sociaux et de marketing ; les éditeurs doivent être en mesure de vous trouver. Les œuvres non sollicitées ne sont encore et toujours pas les bienvenues. Il revient aux créateurs et aux artistes de créer un buzz, et une fois ce dernier en place, il faut que les gens de l’industrie puissent vous trouver. »
  1. « Soyez présent. Participez aux événements de l’industrie, aux conférences, etc. Socialisez avec les gens de l’industrie après les panels de discussion ; la majorité d’entre eux seront heureux de discuter avec vous et de partager. Une fois votre relation avec ces derniers établie, votre travail n’est plus non sollicité et ils accepteront probablement vos soumissions. »
  1. « Faites vos recherches. Avant d’envoyer des chansons à un éditeur ou un directeur musical, soyez au fait de ce qu’ils recherchent ; ne leur faites pas perdre leur temps. Placer une pièce dans une production est une excellente manière de commencer à bâtir votre profil et votre histoire professionnelle. Ne leur envoyez jamais de support physique, uniquement des liens vers des fichiers en ligne. »

Ce contrat avec BMG vient en quelque sorte boucler la boucle. L’un des premiers emplois de Jennifer Beavis était assistante à l’édition pour BMG Music Publishing Canada. Elle remercie Dianna Rybak de lui avoir donné cette première chance. « Elle m’a donné mon premier emploi et montré les rouages de l’administration », se souvient-elle. « Nous avions une excellente relation professionnelle et elle me respectait, ce qui a contribué à bâtir ma confiance en moi et confirmé mon choix de carrière dans ce domaine. »

Même si un grand pan de cette industrie est fortement axé sur le côté A&R des choses, qui est plus « sexy », c’est dans le domaine de l’administration que Beavis a fait sa marque. « Ça n’est pas le côté “sexy” de ce business », admet-elle, « du moins tant que les gens ne veulent pas leur argent. Les règles changent d’un territoire à l’autre, et c’est le genre de truc que j’aime savoir. C’est dans ma génétique, j’imagine, avec deux avocats dans ma famille. Peut-être que c’est parce que j’aime les règles, j’aime savoir que pour un problème donné, il y a une réponse. C’est simplement logique, pour moi. »

Jennifer Beavis a toujours eu comme priorité de redonner. Elle a siégé au conseil du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens, de l’Association canadienne des éditeurs de musique, du programme de gestion des affaires musicales du Durham College, ainsi qu’aux comités de l’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement (CARAS) et des Canadian Country Music Association Awards. Elle a également enseigné au Durham College, à l’Institut Trebas, à l’International Academy of Design et à l’Audio Recording Academy (TARA).

« Les conseils d’administration auxquels j’ai siégé ont beaucoup contribué à mon réseau », admet-elle volontiers, « mais ils ont également nourri mon intérêt pour les spécificités de ce domaine. Je m’intéresse sincèrement aux questions entourant le droit d’auteur et je tiens à demeurer à jour de tous les changements dans le domaine. Je crois que j’ai beaucoup à offrir — le côté admin du business n’est peut-être pas sexy, mais il est essentiel à sa santé. »

Jennifer Beavis a une affection particulière pour la SOCAN. « Les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique sont très bien représentés », affirme-t-elle. « Ce que nous accomplissons ici avec des ressources moindres est incroyable. La SOCAN parvient à faire sentir ses membres comme si c’était une organisation familiale tout en étant concurrentielle et respectée sur l’échiquier international. La SOCAN représente très bien ses créateurs à l’international — mieux que toute autre société, à mon avis. »