Galaxie« C’est le fun, faire danser les gens – ça fait différent du headbanging » qu’on associe d’instinct à une démonstration d’appréciation de la musique métal, affirme l’auteur, compositeur, interprète, guitariste et réalisateur Olivier Langevin, l’homme aux commandes du groupe Galaxie. À ses débuts en 2002, on accolait au groupe, alors appelé Galaxie 500, l’étiquette stoner rock; plus maintenant, comme le confirme ce brûlot Super Lynx Deluxe, le plus audacieux des albums de Galaxie, un disque infectieux fertilisé notamment par les souvenirs des Beastie Boys, Rage Against the Machine et autres héros de la musique alternative des années 90.

Langevin n’en sera pas à une révélation près durant ce long entretien dans un bar à vinyle du Plateau, où le guitariste se sera déniché un vieux long-jeu d’improvisations instrumentales de Robert Fripp (Let The Power Fall, 1981, contenant même une préface rédigée à l’hôtel Château Versailles de Montréal !).

En voici une autre, fracassante : il est fan de Rihanna. « Et j’ai toujours été un gros fan de Prince, explique le musicien. En fait, même si ça ne paraît pas, [sur le nouvel album] y’a du James Brown là-dedans. » Le « Godfather of soul » est même cité dans le texte de la chanson-titre : James Brown et La danse à Saint-Dilon, mis côte à côte dans la même phrase, pour insister sur l’envie de danser.

« J’ai toujours trippé sur les hits pop, poursuit Langevin. Je suis du genre à collectionner des hits qui nous énervent tous. Comme les chansons de Rihanna – ce sont des tounes super bien faites ! Ensuite, pour moi, le trip est d’amener ce côté pop dans l’univers de Galaxie. Un univers qui a quand même des paramètres très précis, dans le sens que y’a des affaires que je ne pourrais pas faire avec ce groupe. En même temps, c’est aussi un terrain de jeu. »

Et qu’est-ce qu’on s’y amuse ! En dix chansons tassées sur trente-trois minutes, Langevin et ses mauvais compagnons – Pierre Fortin à la batterie, François Lafontaine aux claviers, Karin Pion aux chœurs, Fred Fortin à la basse et Jonathan Bigras aux percussions – explorent un nouveau filon au sein duquel le rock barbouillé typique de Galaxie s’éclate en flirtant avec la techno et les rythmes tribaux (El Hadj Diouf bat des peaux sur deux défoulatoires chansons de ce cinquième album studio).

Langevin acquiesce : Super Lynx Deluxe est le plus radical bond sonore en avant que le groupe ait réussi. À propos du besoin d’oser explorer d’autres avenues musicales, il estime que « c’est surtout avec Tigre et Diesel [2011], en amenant des sonorités électroniques, qu’on a réglé ça. Y’en a qui ont vraiment « badtrippé » lorsqu’on est arrivé avec cet album, de loin le plus pop de notre discographie. C’était voulu. Ça nous fait rire d’oser et de mesurer la réaction des gens. À partir de la sortie de cet album, tout Olivier Langevin of Galaxiea changé pour nous. Tout d’un coup, on pouvait faire ce qu’on voulait. » En autant que ça entre dans les « paramètres galactiques ». « Avec Galaxie, il faut que ce soit dansant et que ce soit le fun à jouer en show ».

Il parle beaucoup au nous en évoquant Galaxie, or ce groupe est d’abord le bébé de Langevin, principal auteur-compositeur. Au moment de la conception d’un disque, il griffonne quelques phrases, bidouille un rythme, trouve un riff de guitare, enregistre un démo qui tient en une soixantaine de secondes, histoire d’éviter ce qu’il appelle la « maladie du démo » : « C’est une maladie que beaucoup d’auteurs-compositeurs-interprètes ont en arrivant en studio pour enregistrer l’album. T’as beau refaire l’enregistrement, y’a toujours une magie dans le maudit crisse de démo – s’cuse moi !-, tout le temps de quoi de fun que, même si t’enregistres dans de bonnes conditions avec plein de monde qui jouent bien, même si tu sens que ça se passe au moment de l’enregistrement, en réécoutant le démo, y’a souvent quelque chose dedans que tu n’es pas capable de reproduire en studio ». D’où l’idée pour Langevin d’enregistrer les démos les plus brefs possible, histoire d’éviter les symptômes de ladite maladie.

« J’arrive avec les chansons, les mélodies, et c’est ensuite qu’on se retrouve ensemble pour faire les arrangements, enchaîne le musicien. Le groove vient en premier, ensuite la mélodie – sur le démo, je chante la mélodie sans texte, comme ben du monde font. Quant aux textes, j’écris beaucoup sans penser à une chanson ou à une mélodie en particulier, et ensuite je pige dans ma banque de textes pour habiller une chanson. Sinon, très souvent, j’écris le texte en fonction du rythme et du groove. »

« Surtout pour les deux derniers albums, j’arrivais avec des squelettes de chansons pour ensuite me tourner vers ce que j’appelle mon noyau dur, surtout Frank [Lafontaine], Pierre Fortin et Pierre Girard, au son. À cette étape-là, je laisse beaucoup de place aux gars, pour qu’ils puissent eux arriver avec des idées d’arrangements, de

textures, même si ça amène la chanson complètement ailleurs. Ça peut être assez abstrait entre nous, la manière de travailler, mais on le sait instinctivement lorsqu’on est au bon endroit sur une chanson, et à partir de là on fonce. C’est une manière de travailler à la fois très abstraite, mais pour nous très précise – je ne saurais pas comment mieux te l’expliquer… »

Avec son noyau dur, Langevin joue au ping-pong avec les idées : « Il faut qu’on se surprenne nous-même, il faut que ça reste trippant ». Sur Super Lynx Deluxe, le résultat est frappant : les guitares sont toujours aussi dodues, et ici noyées dans l’effet flanger, qui donne une texture particulière au son, comme si une vague s’approchait de la berge en se repliant sur elle-même. « On a ressorti cet effet-là, qui s’adonne à être à la mode, concède Langevin. Souvent, on enregistre en bloc de trois ou quatre jours – je crois qu’on a beaucoup enregistré de guitares d’un coup avec le flanger ! »

L’effet sonore a aussi la particularité d’injecter de la tension dans une chanson rythmée, presque techno, comme en propose ici Galaxie – ça vire carrément tribal quand les djembés de Diouf se mettent à courir sur le rythme. Autre nouveauté dans le son Galaxie, ces deux premières chansons (dont la chanson-titre) qui vont évoquer les Beastie Boys de l’époque Sabotage (Ill Communication, 1994), dans l’énergie, le tranchant des guitares et le son croustillant de la batterie.

« J’ai tellement écouté ça, ado, reconnaît Olivier Langevin. Sabotage, Check Your Head. C’est un fantasme que j’avais depuis longtemps, un genre de groove que je n’avais jamais fait auparavant. On est parti comme dans une sorte de buzz plus hip-hop à un moment donné en studio, puis je me suis dit : Hey, c’est là que je règle le cas ! Le son de Sabotage, c’est dret ça que je voulais, ce genre de beat hip-hop avec des drums fuzzés, c’est clair que mon cerveau était là. »

« Tu sais, Galaxie, ça a toujours été un mélange de dance music avec du blues. Les chansons du nouvel album ont l’air d’avoir été travaillées comme quelque chose de techno, mais au fond, on joue des chansons comme si on était un vieux trio de blues. Ça me fait penser aux tounes disco des Rolling Stones des années ‘80 – tu vois, Miss You? C’était de bonnes chansons accrocheuses, mais c’était le trip à Mick Jagger, on sent que Keith ne trippait pas tant que ça… Or, c’est du disco, mais t’entends les gars jouer comme ils l’ont toujours fait. On dirait que y’a quelque chose de pas net qui se passe sur ces chansons-là… »

Lancement de Super Lynx Deluxe le 31 janvier 2018, au Cabaret La Tulipe, Montréal.

Super Lynx Deluxe disponible dès le 2 février 2018.