Avec un son plus cru et plus moderne, Move Away, le quatrième album de Bobby Bazini est sûrement son plus audacieux. Et son plus personnel. Pas de fioritures et de surproduction cette fois-ci et, surtout, un corpus de chansons qui reflètent parfaitement ses états d’âme. Les compositions ont gagné en épaisseur, le son s’est enrichi, bref, on sent le renouveau, sans échantillonnages et autres sons surgelés. Les treize compos forment ici un tout compact et imparable grâce aux arrangements bien ficelés.

« J’ai besoin de voyager avant de faire un disque. C’est une source d’inspiration essentielle pour moi. Il y a eu beaucoup de réflexion sur les dix dernières années de ma carrière en préparation d’écriture de chansons. Ma vie était comme une course sans fin. Ç’a été un cheminement important, surtout que les attentes ont toujours été élevées ».

Au début de sa carrière il y a dix ans, Paris Match avait titré : « La prochaine Céline Dion est un homme ». C’est là que la pression a commencé, dit-il. Et il y a eu la blague de Louis-José Houde au Gala de l’Adisq il y a quelques années : « perce, Bobby, perce ! », raconte-t-il en riant. « À l’inverse d’avoir travaillé avec un seul réalisateur, cette fois, c’est moi qui étais responsable du projet.

J’ai collaboré avec des auteurs-compositeurs afin de faire évoluer ces premiers jets d’écriture. On avait une soixantaine de chansons sous la main. Sur les démos, je joue aussi de la batterie, de la basse et du piano. Au final, tous les coauteurs des treize chansons sont aussi des coréalisateurs ».

À Londres, Jake Gosling, le réputé producteur anglais (Ed Sheeran, Lady Gaga) et le brésilien Pedro Vito, qui a travaillé sur quatre titres du chanteur sont parmi les partenaires de création de Bazini. « J’avais aussi le goût d’avoir des cordes, on a fait appel à Davide Rossi (Coldplay, Alicia Keys), donc tout ça fut vraiment stimulant ».

Move Away regorge de balades aux réminiscences soul classiques, on pense tout de suite à Al Green, figure marquante des années soixante, il y a un petit quelque chose qui trahit l’année de fabrication… Un étalage peut-être trop visible des références ? Pas du tout ! Bazini a su éviter de glisser sur la peau de banane de ce son stéréotypé si sixties.

La voix au grain de whiskey de Bazini est souveraine dans un tel écrin musical, elle se promène d’une chanson à l’autre sans jamais être soûlante. Il y a de l’orgue, des chœurs, le jeu des voix permet d’oxygéner sa musique, les ambiances sont bien maîtrisées.

« Depuis 2015, je vais à Londres pour le plaisir, j’ai toujours été intéressé par le son old school des chanteurs soul blancs britanniques (on pense à James Hunter par exemple). La prise de son de la batterie chez ces réalisateurs anglais est très ‘’en avant’’, comme sur les disques d’Adèle, et j’aime beaucoup cette approche de réalisation. La chanson-titre, Move Away a été écrite en pensant à Vito :  partir à la poursuite de ses rêves en Europe. Moi je l’aurais écrite en 4/4 (unité de tempo) mais lui l’a fait en 6/8, donc beaucoup plus rythmée et c’est ce qu’on entend sur le disque ».

« Je suis ensuite allé à Berlin pour pouvoir continuer ma collaboration avec lui parce qu’il est établi en Allemagne et j’aime sa qualité d’écriture. On a enregistré Some & Others à Berlin. Du studio où j’étais, j’avais une vue de la grisaille de cette ville. Le studio était froid et vieux, il y avait un petit radiateur en guise de chauffage. Et un couvre-feu à 17h, donc il ne fallait pas perdre de temps ! »

Il est clair que cela n’a pas dû être chose aisée dans cette mine à ciel ouvert de morceaux plus qu’accrocheurs. Bazini enfonce le clou, morceau après morceau tout au long de cet album sans jamais fléchir.

Pour compléter le tableau, Bazini est allé poursuivre ses enregistrements à Los Angeles, lui qui avait déjà travaillé dans la ville des Anges à ses débuts. Sauf que cette fois-ci, les réalisateurs étaient différents. Du temps de studio a été réservé à la demande de sa compagnie de disques, Universal. La facture de ces sessions est plus pop, Choose You, seconde plage de l’album, en est la parfaite illustration : « je voulais essayer des choses différentes, sortir de ma zone de confort. »

Si Bobby Bazini n’avait plus le vent en poupe avec ses changements d’effectifs au niveau de sa gérance, ce nouvel album est un premier aboutissement vers sa véritable identité musicale. Le monde peut bien changer autour de lui, quelle importance ? On y retrouve l’élégant Bazini au mieux de sa forme.