Situé à Londres, le Rokstone Studio a servi d’incubateur pour des chansons qui ont dominé le monde. Shape of You d’Ed Sheeran, What About Us de Pink et une quantité de succès popularisés par des boys bands tels que The Wanted, Westlife et One Direction y ont été confectionnés par le maître des lieux: le compositeur britannique Steve Mac. Bras droit du géant de l’industrie musicale britannique Simon Cowell, Mac joue dans la ligue des Max Martin et Dr. Luke; des mercenaires de la pop que les artistes, producteurs et imprésarios appellent en renfort pour pondre un « hit ».

Or, en ce jour de juin 2018, ce sont deux francophones de Montréal qui franchissent la porte du réputé studio. Zacharie Raymond, aussi connu sous le nom de Soké, et Yannick Rastogi, aka KNY Factory sur Soundcloud, y sont conviés par Steve Mac en personne. Ce dernier ne souhaite savoir qu’une chose: comment les deux musiciens derrière le duo Banx & Ranx ont-ils réussi à produire la chanson Answerphone, véritable bombe dancehall influencée par l’afro-beat, l’électro trap et les sonorités caribéennes.

« Il nous a dit vouloir comprendre la science derrière le morceau », se souvient Raymond. « J’arrivais pas à croire que nous étions dans son studio, à sa demande », poursuit Rastogi. « Il nous disait à quel point il aimait le son de Banx & Ranx. C’était juste fou! »

Profitant également du talent de la chanteuse Ella Eyre et du rappeur Yxng Bane. Answerphone compte à ce jour plus de 65 millions d’écoutes sur Spotify (probablement davantage lorsque vous lirez ce texte).

À peine deux mois après sa sortie en mars 2018, la chanson atteint la cinquième position du UK Singles Chart. En réalité, c’est tout le Royaume-Unis qui répond alors à l’appel de Banx & Ranx puisque Answerphone grimpe aussi à la 10e position des palmarès irlandais et écossais.

« C’est la chanson qui a tout changé, explique Zacharie Raymond. La perception des gens sur notre musique s’est transformée. Les portes barrées se sont débarrées. Des réalisateurs et des artistes incroyables ont commencé à nous appeler, à vouloir nous rencontrer. On revient d’une semaine en Jamaïque où on a travaillé avec Sean Paul. »

Ce n’est pas la première fois que le duo sous contrat avec la prestigieuse étiquette Parlophone collabore avec le roi du dancehall. Le dernier maxi de Sean Paul compte quatre titres crédités au duo canadien. « On reçoit également des tonnes de demandes d’artistes qui souhaitent qu’on remixe leurs chansons (Gorillaz, Major Lazer, David Guetta). On n’arrive presque plus à fournir. »

Le plan

C’est en diffusant leurs premiers remixes sur le web que tout débute pour Banx & Ranx. « J’ai commencé à jouer de la musique alors que j’étais tout jeune et que je vivais en Guadeloupe, raconte Yannick Rastogi. J’ai d’abord appris le piano, mais on m’a surtout tapé sur les doigts au lieu de m’apprendre à jouer. Puis je me suis intéressé au ka (tambour guadeloupéen) pour finalement tomber dans le reggae. J’ai vite commencé à produire mes propres riddims parce que personne ne voulait en faire pour moi. »

Arrivé au Canada vers 19 ans, Rastogi s’intéresse alors à la musique électro. « J’ai toujours aimé le rythme, alors ça faisait du sens, mais je savais que je voulais conserver mes influences caribéennes. J’ai donc commencé à fusionner les deux styles. » Le musicien met ensuite ses premiers morceaux et remixes sur Soundcloud, plateforme qui permettra à Zacharie de le découvrir. « Il m’a envoyé un message. Je suivais déjà ses affaires, je savais qui il était, mais nous ne nous étions jamais parlé encore. »

Connu au sein de la scène rap québécoise pour avoir collaboré avec Koriass, D-Track et Samian, Zacharie Raymond fait ses premières armes en produisant des beats électro. « J’étais très trap, jungle et drum & bass. Puis, j’ai basculé dans la musique urbaine. J’ai travaillé avec plusieurs rappeurs, mais je me voyais mal évoluer dans ce milieu à long terme. J’avais envie d’autre chose et j’ai eu la piqure pour la musique reggae. Je me suis passionné pour le dancehall. J’ai appris le patois jamaïcain. J’ai travaillé fort sur ma carrière solo (au point de sortir l’album Cellules au Québec en 2012). Mais j’ai vite réalisé que je n’aimais pas trop les performances live. Je donnais des spectacles pour le chèque. Je ne voulais pas être ce genre d’artiste. Ma force, c’est vraiment la composition et la réalisation. »

Une fois les présentations terminées, Yannick et Zacharie partagent quelques projets communs avant de produire une première pièce: Crime Scene. « C’est à ce moment qu’on a compris qu’on pouvait faire équipe, confie Yannick. Nous avions une vision commune: faire de la musique et des remixes électro tout en conservant nos influences des Caraïbes. Le but de Banx & Ranx a vite été établi. Nous souhaitions composer pour nous, mais aussi pour d’autres artistes d’envergure internationale. Par contre, jamais nous n’aurions pensé nous rapprocher à ce point de la pop. »

Justement, rares sont les occasions de discuter avec des compositeurs d’ici qui jouent parmi l’élite de la pop mondiale. Le cliché veut que cette sphère de l’industrie ait bâti ses succès grâce à la fameuse recette commerciale. Est-ce que Banx & Ranx adhère à une quelconque recette? « Avant la recette, le secret pour percer à ce niveau, c’est vraiment de travailler sans relâche, selon Zacharie. Il faut accepter de passer beaucoup de temps loin de sa famille, et ne pas avoir peur de manger du Kraft Diner. L’échec ne doit pas vous faire peur non plus parce qu’on vous dira souvent non. On ne sait jamais quand l’argent rentrera. Mais avant tout, il faut se faire beaucoup, beaucoup d’amis. Notre succès, c’est 25% de musique et 75% de contacts qu’on s’est faits en bossant fort pendant des années. Ça demande énormément de rigueur et de logistique. On a des amis à Londres, en Jamaïque, en Suède, aux États-Unis. Tu dois étendre ton réseau aux quatre coins du globe. »

« Si tu veux percer comme compositeur sur la scène internationale, il ne faut pas seulement être beatmaker, poursuit Yannick. Il faut être capable de composer la structure d’une chanson, la réaliser, penser aux différentes lignes vocales et à leurs harmonies. C’est ce qui fait notre force. S’il nous arrive de composer chacun de notre côté et de nous envoyer les fichiers, nous sommes vraiment plus productifs lorsqu’on s’enferme les deux ensembles dans un studio. Généralement, après quelques heures, on sort de là avec une nouvelle pièce. »

C’est précisément comment Answerphone a vu le jour en novembre 2017, lors d’un après-midi dans le quartier Hammersmith de Londres. « Nous étions cinq dans le studio, raconte Yannick. Il y avait Zacharie et moi, Ella Eyre, notre ami Shakka et Jacob Manson du groupe Blonde. Nous avons discuté pendant une heure en écoutant de la musique nigérienne. Puis le rythme afro-beat est arrivé. On a pensé à une ligne de guitare, un couplet, un pont, un refrain. Tout s’est mis en place rapidement. On a commencé vers midi, et la pièce était terminée en début de soirée. Mais le plus fou, c’est que notre équipe de gérance nous avait organisé deux séances studio en même temps! Alors après avoir donné nos consignes pour Answerphone, on courrait vers une autre pièce du studio où on enregistrait avec le chanteur dancehall Culan. Puis, on revenait travailler sur Answerphone et ainsi de suite. La chanson avec Culan n’est pas encore sortie », précise Zacharie.

Et si cette autre composition obtenait un aussi gros succès qu’Answerphone? « On parlerait d’un après-midi vraiment productif! »



Nouvellement élu par les membres, le conseil d’administration de la SOCAN pour le mandat  2018-2021 vient d’élire son président et ses dirigeants ainsi que le président et les membres de chacun de ses quatre comités.

Le nouveau président du conseil et du comité exécutif de gouvernance de la SOCAN est Marc Ouellette, qui a siégé au conseil d’administration de la Société du droit de reproduction des auteurs compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) de 2000 à 2006 et en a été le président en 2006. Il a également siégé au conseil d’administration du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens (PACC) et à celui de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ), dont il a été le président de 2002 à 2004.

Les autres dirigeants du conseil d’administration sont la première vice-présidente Jennifer  Mitchell, le second vice-président Rosaire Archambault, la secrétaire Vivian Barclay, le trésorier Earl Rosen et le président sortant Stan Meissner.

Glenn Morley est président du comité des tarifs, licences et répartition; Ed Henderson est président du comité des membres; et le président sortant Stan Meissner est président du comité de l’identification et de la gestion des risques et coprésident du comité du régime de retraite.



Si le parcours musical de Men I Trust est pavé, c’est que les membres du groupe ont posé chaque pierre. Évoluant dans un milieu où il est possible d’aller chercher le grain de sel de tout le monde, le trio adhère à la philosophie de n’être jamais mieux servi que par soi-même.

Le bassiste Jessy Caron et le multi-instrumentiste Dragos Chiriac, amis de longue date, ont fondé Men I Trust en 2014, avant de révéler toute leur puissance avec la voix et la guitare d’Emmanuelle Proulx en 2015. La force du nombre.

Men I TrustJe discute avec Dragos, à la veille d’un spectacle-clé de la tournée, celui du Festival d’Été de Québec. Bien sûr, le groupe affiche des dates à Copenhague, à Zurich et, ce mois-ci, le trio s’envolait même vers l’Égypte, mais un spectacle à la maison dans une salle immense, ça fait son effet. « C’est à l’Impérial, qu’on joue, dit Dragos. C’est vraiment plus gros que ce qu’on fait comme salle normalement. Et le FEQ a toujours des foules d’envergure. »

« Finally we’re having some good musicians in Egypt », pouvait-on lire sur Facebook il y a une dizaine de jours, alors que Men I Trust atterrissait au pays des pharaons. Mais comment un trio électro de Québec se retrouve sur une affiche de festival égyptien? « Notre following est réparti comme une poudre un peu partout dans le monde, explique Dragos. C’est pas facile pour nous de faire une tournée concentrée dans un même secteur parce que ça reste qu’on n’est pas tant connus. On est un peu connus, mais partout. »

La répartition géographique des adeptes, saupoudrés sur la mappe, n’est que le fruit du hasard selon le cofondateur du groupe. Chose certaine, partout où ils vont, ils remplissent des salles. « Ce sont des petites salles, mais elles sont remplies, assure Dragos. C’est ce qu’on aime faire, des concerts très intimes qui visent un public spécifique. »

Bien que le groupe affiche Montréal comme ville d’origine sur ses réseaux, il porte bel et bien la fierté du « fabriqué à Québec ». « C’est que, même quand on nomme Montréal, à l’étranger, personne ne sait c’est où, donc imagine Québec, se désole le musicien. C’est triste de se rendre compte que, même aux États-Unis, les gens ne sont pas capables de dire à peu près où est Montréal sur une carte. »

L’origine du groupe importe peu, au fond, car la réception est unanime auprès d’une scène musicale précise qui est partante à 100%. « C’est quand même assez surprenant, arriver dans une ville où on n’est jamais allés et que les gens achètent des t-shirts, remarque Dragos. La force de l’internet nous aide beaucoup. On a énormément d’écoutes en ligne. Chaque fois qu’on sort une nouvelle toune, on a des nouveaux followers. Nos réseaux sociaux doublent aux six mois. »

Si les groupes de la relève sont souvent en recherche active d’un label pour leur montrer la route, Men I Trust n’est pas de cette école. « On a eu plusieurs offres et on n’est pas intéressés, lance Dragos. Tous nos trucs se gèrent vraiment bien. Ça représente environ 10-15 emails par jour. »

Le trio préconise le mode DIY en brandissant la cohésion esthétique. « Ça aide vraiment de ne pas avoir à attendre après une équipe. On peut sortir une toune en deux semaines, avec une vidéo qui est en continuité avec notre idée de base. En faisant notre propre vidéo pour accompagner chaque chanson, on solidifie l’univers du groupe », explique-t-il.

C’est le booking qui prend le plus de temps. C’est pourquoi le groupe a délégué cette partie du travail aux États-Unis et en Europe. « Tout ce qui est production, enregistrement, image, photo, on adore faire ça nous-même et on a la compétence pour le faire. Tant que ça marche, on va le faire comme ça », promet Dragos.

La force du groupe s’inscrit dans des mélodies accrocheuses et douces qui parlent, volontairement, à un public niché. « C’est pas un style commercial. On n’a pas d’écoutes radio. On ne se retrouve que dans des playlists et des médias spécialisés », précise le musicien.

Men I Trust souhaite obéir au silence. « On veut une musique espacée, c’est une musique qui prend son temps, même dans les chansons plus rythmées. Même en images, on fait le choix conscient de plans longs, de distance. C’est calculé. »

Deux nouvelles chansons ont été présentées en spectacle récemment, notamment à Québec. Elles se retrouveront sur le prochain album à paraître en février, un enregistrement qui sera plus long et plus étoffé.

Le groupe continue la tournée – qui compte déjà plus de cent spectacles en 2018 – de septembre à début janvier. « Je pense qu’on va écrire l’album en août, on a un p’tit break de deux semaines… », conclut Dragos.