La première chose qui nous passe par la tête quand on pense au chanteur et leader du groupe Glass Tiger est qu’il n’est vraiment pas tuable !

Vous saviez peut-être qu’il a été terrassé par un AVC en 2005, mais ce n’est pas la première, la seule ou la pire des vicissitudes qui l’ont accablé. Peu de temps avec l’AVC il y a eu une rétine décollée. Plus récemment, 11 jours avant la tournée printemps/été en première partie de Corey Hart, « j’ai mangé quelque chose de vraiment mauvais, et j’ai été violemment malade en plein milieu de la nuit. Je perdais une quantité phénoménale de fluides et lorsque je me suis levé, peut-être un peu trop vite, je me suis immédiatement effondré. Ils m’ont dit que j’avais dû m’effondrer comme si j’avais reçu une balle dans la tête. Je me suis amoché le visage et subi deux fractures dans le cou… J’ai dû subir d’importantes chirurgies. » Et tu ne crois pas que quelqu’un là-haut (ou en bas) essaie de t’envoyer un message ? « Non, non », dit-il en riant avec d’ajouter que « ç’a quand même été des années assez brutales. »

La chute s’est produite le 20 mai, il a été opéré le 25 mai et la tournée débutait le 31 mai. Il est monté sur scène, fidèle à sa devise « no surrender » (pas de capitulation). Lorsqu’il revient sur les derniers mois, Frew se surprend lui-même d’avoir réussi à voir le bon côté des choses malgré tout ce qui lui est arrivé.

« Si vous la cherchez attentivement, il y a toujours une lumière au bout du tunnel. »

« Aussi absurde que ça puisse paraître, dit-il, incrédule, si vous la cherchez attentivement, il y a toujours une lumière au bout du tunnel. Pendant cette tournée, mes mouvements étaient très limités, mais ça n’est pas comme si, à mon âge, j’aurais couru d’un bout à l’autre de la scène, de toute façon ! Le plus drôle dans tout ça, c’est que ma voix n’a jamais été aussi en forme. Peut-être que je suis le seul à s’en rendre compte, mais il y a une interaction entre le traumatisme, la douleur et ma façon de chanter qui est un peu plus émotive, relevée et pleine de passion. » Les critiques dithyrambiques démontrent qu’il n’est clairement pas le seul à l’avoir remarqué.

La tournée tombait à pic pour la promotion du nouveau EP de 6 chansons du groupe intitulé 33, la première parution de nouveau matériel par Glass Tiger depuis 1991. Certains des titres semblent avoir été inspirés une sombre réflexion post-traumatique, mais Frew ne croit pas que c’est le cas. Selon lui, il s’agit d’un « ramassis éclectique de musiques et de paroles pré- et post-AVC ».

« Le gros morceau du EP, “Dying is Easy (With You)’ a été écrit avant l’AVC. Il n’a donc pas de racines dans un sentiment d’être passé tout près de la fin. “This Is Your Life’ est très récente. Je n’ai évidemment pas eu à creuser beaucoup pour trouver un lien entre ce qui m’est arrivé et la manière dont je chante cette chanson, mais il y a sûrement quelque chose de plus profond, au niveau du subconscient. »

Frew affirme être particulièrement fier de ce EP. « Il n’y a pas deux chansons pareilles », dit-il, les qualifiant « d’hommage au groupe que nous étions à nos débuts, avant EMI… Lorsqu’on jouait autant des “hits’ de The Police ou Duran Duran que des reprises de Led Zeppelin, Def Leppard et The Scorpions. »

Quatre des cinq membres originaux de Glass Tiger version 1983 sont toujours ensemble ; Frew, Sam Reid aux claviers, Al Connelly à la guitare et Wayne Parker à la basse, tandis que le batteur Chris McNeill est relativement un nouveau venu, s’étant joint au groupe en 2000. « Sam Reid, c’est la fondation », dit Frew. « Il est mon roc. Sans lui à mes côtés, ce groupe n’existerait pas. Al et Wayne sont comme nos frères. On se complémente tous. Je crois que ce EP n’aurait pas pu être lancé par un groupe qui n’a pas 40 ans d’histoire commune. »

Glass Tiger donnera quelques spectacles en août, octobre et novembre avant d’effectuer une mini-tournée de cinq villes au Québec à la fin du mois de décembre.



Les membres du duo Young Bombs ont signé leur premier remix officiel en 2015 quand on les a chargés de mettre leur imprimatur sur la chanson « Teacher » de la vedette pop Nick Jonas. Bien qu’il y ait là de quoi être fier, le duo vancouvérois se souvient de ce processus comme quelque chose d’« hyper pointilleux », comme l’exprime dans ses mots Martin Kottmeier. « On s’était mis tellement de pression parce qu’on n’avait jamais rien fait d’aussi gros ou pour un artiste d’une telle stature. » Il affirme néanmoins que cette expérience des plus stressantes lui a appris, ainsi qu’à son collègue Tristan Norton, une leçon importante qu’ils ont depuis appliquée à leurs autres productions et remixes : « faire de la musique doit être amusant et expressif. »

Depuis, Young Bombs a ajouté de nombreux artistes importants à sa feuille de route de remixes, dont notamment Lady Gaga, Selena Gomez, Post Malone et Khalid. Du côté de l’EDM, leurs productions ont été saluées par des noms non moins importants comme Tiësto, Don Diablo, Oliver Heldens, The Chainsmokers et Galantis, ce que, dans les mots de Martin « veux tout dire pour nous, ces gens-là sont nos héros, alors chaque fois qu’ils soutiennent nos productions ou nous témoignent leur appréciation, c’est une leçon d’humilité. »

L’an dernier seulement, Young Bombs a produit 45 remixes et le duo a cumulé plus de 100 millions d’écoutes en à peine quatre ans. Ils ont donc décidé, cette année, de passer à la prochaine étape logique de leur évolution : écrire leurs propres chansons. En mars, Young Bombs a lancé « Starry Eyes », une pièce dance stellaire pleine de battements de mains, et de pistes de voix superposées qui s’amalgament pour former un bijou électro pop irrésistible.

Young Bombs a déjà lancé un nouveau simple, « Don’t Let Them », qui est en lice pour le titre de chanson de l’été, et le duo a hâte de continuer à produire du nouveau matériel et à collaborer avec d’autres artistes. Qui figure à leur liste de collaborateurs de rêve ? Caleb Followill de Kings of Leon et Lou Bega, du célèbre mégasuccès « Mambo No. 5 ». « Son travail est incomparable et trop souvent ignoré », ajoute Kottmeier au sujet du mégasuccès de Bega. « Ramenez Lou ! »



Jerome 50

Photo: Rosalie Beaucage

On demande trop de permissions selon Jérôme 50. Il ne faudrait qu’avancer, y aller et voir ce qui survient. Après un album acclamé, La hiérarchill, sorti à la fin de 2018 et prônant un retour au calme, Jérôme 50 fait parler les enfants et réinvente les codes de la comptine avec Le camp de vacances de Jérôme 49, un album où il se donne tous les droits.

Si tu aimes le soleil, tu tapes des mains, mais si tu ne l’aimes pas tu fermes les yeux, tout simplement. C’est ce que suggère l’auteur-compositeur-interprète issu de la banlieue de Québec sur son plus récent album-surprise. « Je ne sais pas si les chansons de camp m’ont marqué, mais quand j’ai une idée et que je veux la faire je la fais, annonce d’emblée Jérôme. Les gens ont des idées et ils ne mènent pas à terme leurs projets. »

L’idée d’inclure de véritables voix d’enfants sur les chansons était un impératif pour lui. Pas question de faire les choses à moitié. Les pièces expriment ce grand désir de liberté émanant de sa jeunesse « pauvre en liberté et riche en fausses libertés ». « MØ a sorti un album démo en 2009, qui s’appelle A Piece of Music to Fuck to. Elle y parle de la déchéance de la jeunesse et elle le fait en étant libre de contraintes, sans peur des mots, explique-t-il. C’est un peu ce que je voulais faire avec ce projet-là. »

Les limites sont en effet inexistantes, notamment lorsqu’il fait dire à des enfants anonymes des propos très crus ou échafaudés sur des opinions politiques.

« Le trafic rend hystérique en banlieue de Québec. Oh hé ! Hé oh ! En banlieue de Québec. Les plus wacks votent pour la CAQ en banlieue de Québec. Oh hé ! Hé oh ! En banlieue de Québec. Les p’tits bums se tirent des bongs en banlieue de Québec. Oh hé ! Hé oh ! En banlieue de Québec. »

C’est ce qu’on peut entendre sur la chanson En banlieue de Québec. « Les parents ont été super smatts et la chorale qu’on a choisie aussi, raconte Jérôme. Je crois que le système et la Terre ne vont pas bien. Le Québec est vieillissant et il a besoin de se faire brasser. Les jeunes n’ont pas assez la parole. Le fait que la CAQ soit au pouvoir, ce n’est pas un bel air d’aller. Je me suis donné le droit, c’est tout. »

Comme beaucoup de ses amis, Jérôme vient de la banlieue et il ressent une oppression ou une part d’endoctrinement liée à cet état. Il soutient qu’il est temps que l’on cesse d’imposer des idées « pas bonnes pour les jeunes ou pour l’humanité ». « 35 h semaine avec un condo et un fonds de pension, c’est pas vrai, ça. Il faut faire des études collégiales pis un bac ? Pourquoi on nous a dit ça ? On nous sacre une vérité alternative devant les yeux. Tu vas au centre d’achats et une pub de l’Université Laval est devant toi pendant que tu pisses. C’est écrit “Nos étudiants ont un meilleur avenir”. Moi je dis non. »

Refaisant son propre monde en déconstruisant les comptines qu’on scandait au camp durant l’enfance, il fait l’éloge de la simplicité. « Je ne les réinvente pas parce que je crois qu’elles nous ont menti. Je crois plutôt que les chansons pour enfant sont négligées, elles n’ont pas leur juste place dans le monde des intellectuels. Ça a une grande valeur pour moi de ramener ça vers le haut. »

La hiérarchill, quant à elle était plutôt un pari pris face aux tendances sociales. « La technologie nous aide à ne plus faire d’effort, soutient Jérôme. On est de plus en plus dans l’immobilité et dans l’inaction. L’humain court à sa perte. Il a une chance de se rattraper et c’est de prendre ça cool. »

Si certains artistes n’arrivent pas à voir plus grand que ce qu’ils ont déjà en main, Jérôme 50, dit vouloir écrire les plus grands hits de l’histoire de l’humanité. « Je veux écrire pour Céline Dion et Éric Lapointe, affirme Jérôme, le plus sérieusement du monde. Dans dix ans, ils vont tomber sur mon album de camp et ils vont pogner un esti de deux minutes. »

Trucs d’écriture
« Pour le premier album, j’écrivais de manière spontanée, je laissais ça dormir trois mois, je réécrivais un couplet et ainsi de suite. Pour Le camp de vacances, j’ai utilisé beaucoup de produits de la SQDC. Pour les paroles de ma version de Trois petits chats, ça m’a pris 48 heures, ben buzzé. Y’en a qui disent que ça sert à rien, la drogue, moi ça me sert à ça. Sinon, j’aime ça quand les couplets viennent soutenir le refrain avec des jeux d’esprit mélangés aux rimes. Dans un couplet avec des rimes ABAB, j’aime que le dernier B soit un clin d’oeil au refrain, comme dans Wéke n’ béke où je dis que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent stones. J’aime prendre les règles, les recréer et les crisser dans le feu à même la toune. Je pense que quelque chose qui est assez flagrant, ce sont les oneliners, comme prendre une douche, je t’aime tellement que je vomirais, etc. Je fais juste prendre une phrase comme ça et je la répète. Je construis mes chansons comme ça parce que j’ai pris cette habitude dans le travail d’Angus and Julia Stone. »

Pour arriver à faire des grands hits, sa stratégie est simple: il écoute en boucle durant plusieurs jours des chansons qui ont eu énormément de succès. « Ces temps-ci, c’est I’m Blue de Eiffel 65. Avant c’était What A Wonderfull World. Pour écrire des bonnes chansons, il faut faire ça simple, croit-il. Le minimalisme est à la mode. Les Beatles ont compris ça avec Let It Be.

La websérie de Rosalie Vaillancourt Avant d’être morte est un peu à l’origine de la chanson La chaise musicale, de Jérôme 50, d’où sa présence sur scène et dans le clip. « Dans le premier épisode, elle joue à la chaise musicale avec une petite fille. La veille, mes amis et moi on jouait à la chaise musicale dans un party et quelqu’un a tiré une chaise. J’ai pris en note “comportement antisportif”. Les astres étaient alignés pour que j’écrive ça le lendemain, exactement pour Rosalie. Je me rappelle avoir loué un atlas géographique pour m’approvisionner en noms de villes. »

Les dénonciations de Jérôme ne sont pas toutes énoncées, sa vérité n’est pas complètement révélée. « J’ai dit tout ce que je pensais, mais Céline avait tort en disant On ne change pas. Ma perception des choses pourrait changer. Mais sinon, j’ai envie de parler de communication. On est dans une époque où la communication n’a jamais été aussi importante. On communique toi et moi, mais en ce qui concerne l’amour, on est tellement bourrés de problèmes. Il y a des non-dits, des interactions qui manquent de sens. »

Jérôme travaille sur un livre et il a déjà huit chansons en banque pour le prochain disque, mais son plus grand projet des prochaines semaines sera de « retranscrire les dialogues du film Mommy pour pouvoir le réciter sur demande. »