Nous poursuivons notre série d’entretiens portant sur ces mariages heureux du mystère de la création que l’on appelle… les duos d’auteurs et compositeurs. Cette fois, une collaboration de longue date devenue en deux albums seulement un des jeunes duos les plus en vue sur notre scène pop: Elise Larouche et Marc Papillon-Ferland, mieux connus sous le nom Eli et Papillon.

La genèse du succès de leur duo, curieusement, est en quelque sorte due au piratage de leurs premières chansons. N’entendez pas là qu’un fan les ait illégalement téléchargées – on parle d’un piratage d’un tout autre ordre, que nous raconte Elise.

« On a d’abord lancé un premier démo », un peu comme une bouteille à la mer, sans grande prétention. « Mais il s’est vite répandu sur les réseaux sociaux, au Québec d’abord, au Canada ensuite. Y’a même une de nos chansons qui jouait sur des radios au Brésil! »

Eli & Papillon

Photo : Eric Parazelli

« Or, un gars en France nous en a volé une, enchaîne Eli. Je l’ai su parce que des blogueurs anglophones l’avaient débusqué ». L’usurpateur procédait d’une manière plus grotesque que criminelle : sous un nom d’emprunt, il mettait sur sa propre page MySpace les chansons des autres, comme s’il les avait lui-même enregistrées. « Le gars n’avait aucune conscience : il prenait les fichiers sonores tels quels de plein d’artistes, et les mettait sur sa page, en changeant le titre ou en inventant des noms de collaborateurs », s’étonne encore Marc. Le gredin avait tout de même une audience de plus de deux millions d’abonnés; peu après que le pot aux roses ait été découvert par des fans d’Eli et Papillon, la page MySpace a été fermée.

Tout de même, l’épisode a donné un coup de pub inespéré au duo, croit Eli. « Grâce à ça, on a eu beaucoup de visibilité sur plein de blogues à travers le monde, et notre démo s’est vendu comme des petits pains chauds » sur la plate-forme numérique qui le commercialisait. Presque dix ans après qu’Eli et Papillon se soient rencontrés, il était enfin clair que la formule pop du duo sentait la réussite. Un premier album, éponyme, a été lancé en 2012, suivi à l’automne 2015 de Colorythmie, toujours sur étiquette Maisonnette.

Ce plus récent album amenait la chanson du duo dans des ambiances nettement plus pop, moins introspectives et mélancoliques, que sur l’album éponyme. Marc : « J’ai beaucoup écouté des trucs comme Coldplay ou Stromae. Des trucs avec une production beaucoup plus électronique. »

« Ce qui a donné le ton à Colorythmie, indique Eli, c’est notre rencontre avec Soké  (Zahir) et Yannick » Rastogi, deux compositeurs, arrangeurs et réalisateurs souvent associés aux artistes la scène hip-hop, R&B et pop québécoise. « Ces chansons ont été écrites sur la plage, à la guitare, dans un esprit très heureux », contrairement aux chansons du premier disque, qui traitaient autant des soucis de santé d’Eli que des problèmes que vivait cet ancien couple amoureux aujourd’hui beaucoup plus heureux en tant que meilleurs amis.

Leur méthode de travail est de nature complémentaire, « mais elle ne se limite pas qu’à moi qui écrit les textes et Marc qui fait la musique », précise Elise. Tout naturellement, c’est elle qui arrive avec les mots – peut-être à cause de l’influence de sa tante poète. Quant à Marc, issu d’une famille de pianiste (« Curieusement, y’a que mon père qui n’a pas l’oreille musicale – ma mère et mes sœurs sont toutes pianistes »), il a appris le violon, puis le piano, avant de s’investir dans des études collégiales et universitaires en musique. « Mon rêve serait de faire de la musique de film », assure-t-il.

Eli & Papillon

Photo : Eric Parazelli

« Tu vas chez Marc, tu vois tous les violons avec lesquels il a appris à jouer, du plus petit au plus grand, raconte Eli. Il fait ça depuis longtemps, la musique est devenue comme une science chez lui, d’autant qu’il lit les partitions et qu’il a l’oreille absolue. Moi, j’aborde ça de manière plus naïve, disons ».

Marc : « On compose avec beaucoup de spontanéité – j’invite Eli chez moi, et on se laisse chanter, pour ainsi dire. On commence avec une mélodie en tête, je joue avec différents accords jusqu’à ce que ça sonne naturellement. Les chansons du nouvel album sont toutes nées de la même manière : sur une base de guitare et voix, ou piano et voix. »

Eli : « Souvent, j’arrive avec de petites idées simples, juste guitare et voix. Marc, ensuite, va complexifier, enrichir l’idée. » Et quand Marc s’y met, il empile : des pistes de synthés, des arrangements de cordes, des instruments percussifs… Ça prend l’esprit plus posé et les idées claires d’Elise pour élaguer la chanson, lui permettre de respirer et, surtout, de mettre en valeur son filet de voix, sobre, chaleureux, mais senti, devenu la marque de commerce d’Eli et Papillon. « Les mots viennent après la mélodie et le groove, ajoute Eli. Ils viennent vite, parce que j’ai déjà l’idée, j’ai déjà des rimes en tête. »

Marc aussi a commencé à écrire des textes, dans son petit journal qu’il trimbale toujours avec lui. L’idée d’un album solo a commencé à germé dans sa tête, gardant toujours au cœur l’envie de faire de la musique de film, lorsque le temps le lui permettra, entre les concerts à venir du duo qu’il forme avec Eli et ses contrats d’accompagnateur sur scène pour les Isabelle Boulay, Marie-Denise Pelletier et autres canons de la variété québécoise. Quant à Eli, elle compose également pour d’autres, notamment Carole-Anne, cette Québécoise s’étant distinguée lors de la récente édition française de The Voice.

« Ce que j’aime de travailler avec Marc, c’est son rythme de travail, avoue Eli. Ça va vite, c’est efficace, et on comprend tous les deux où on s’en va avec une chanson. Par exemple, on développe une idée, je lui dis : tiens ça pourrait aller avec [elle chantonne quelques notes], et paf! Marc trouve tout de suite ce que je veux dire. Ce n’est pas tout le monde qui est si précis. Je ne connais personne d’autre qui travaille comme ça. »