Cette enivrante envie d’aller voir ailleurs, tout d’un coup qu’il y serait, jusque dans les textes de ses chansons nouvelles : l’auteur, compositeur et interprète Damien Robitaille a passé les deux ou trois dernières années à s’éloigner de la musique pour mieux y revenir avec Univers parallèles, un cinquième album en carrière – quatrième pour l’étiquette Audiogram – qui arrive cinq ans après Omniprésent. Le thème de la fuite s’est ainsi glissé dans ce disque où le chant des chœurs et les grooves disco-funk prennent le devant de la scène.

Damien Robitaille« La musique, c’est de la curiosité, c’est le plaisir de la découverte », déballe Damien Robitaille, attrapé sur la route en direction de Trois-Rivières où s’arrête sa petite tournée promotionnelle annonçant la parution dudit nouvel album. « Je n’aime pas me répéter, je n’aime pas non plus toujours écouter la même musique. Et quand je tombe sur quelque chose [de nouveau], je fais de l’obsession. Dernièrement, tiens, j’ai découvert ABBA –  je veux dire : je connaissais déjà ABBA, mais là, j’ai vraiment écouté ABBA, tu comprends ? Tabarnouche, c’était bon ça ! Prends Dancing Queen, je l’avais écoutée souvent, mais là… My God, c’est bon, les arrangements, l’enregistrement, tout ! »

Peut-être avait-il vraiment envie de ça, Damien, pour retourner en studio. Retrouver l’excitation dans la musique, quinze ans après la parution de son premier album (éponyme, autoproduit). Il ne le dira pas clairement : « Une envie d’aller voir ailleurs ? Euh… C’est juste que la vie me présentait des projets intéressants, alors j’ai embarqué. »

Ainsi, ces derniers temps, on l’a vu comme explorateur de la francophonie américaine dans le très bon documentaire Un rêve américain (2013) du réalisateur Bruno Bouliane. Il a aussi coanimé la série Ma caravane au Canada sur TV5 et UNIS, aux côtés de Vincent Gratton. « J’ai aussi fait une émission de chiens… Toutes sortes d’affaires variées, tsé ! En faisant tout ça, je ressentais moins l’envie de composer… »

Bref, c’est bien beau, la télé et le grand écran, mais ça éloigne de la musique, « même si j’ai quand même fait une tournée solo pendant un an et demi », insiste-t-il. Mais voilà, après quatre ans sans nouveau matériel, « c’était le temps d’y revenir. Au fond, il suffisait de se forcer pour trouver du temps à nouveau pour écrire. Il fallait décider de tirer la plogue, et de m’y consacrer pendant un an, écriture, studio. »

« Là, me suis dit : pas d’influences. On regarde ce qui sort naturellement et on prend le meilleur de tout ça. »

Résultat : Univers parallèles, un disque « sans influences » musicales, souligne-t-il pour marquer la différence avec Omniprésent, l’album par lequel il embrassait son affection pour les musiques latinos, « à cause de ma femme, Colombienne » d’origine. « Là, me suis dit : pas d’influences. On regarde ce qui sort naturellement et on prend le meilleur de tout ça. »

Moins typé sur le plan musical – pas très country comme L’Homme qui me ressemble (2006), ni très latino comme sur Omniprésent -, Univers parallèles, une réalisation de Carl Bastien, trouve son fil conducteur dans les voix, la sienne et celles de ses collaboratrices Marie-Christine Despestres et Dawn Cumberbatch.

« En faisant les démos, je m’amusais à enregistrer moi-même les back vocals, raconte Robitaille. Au bout du compte, j’ai voulu m’éloigner du son « digital » du précédent disque », alors enregistré à quatre mains à Miami dans un petit studio de fortune. « Je voulais faire un disque joué live en studio, à tout le moins pour les percussions, la batterie et les chœurs, tous chantés ensemble, en même temps. […] Je voulais retrouver plus d’âme. » Le but est atteint, particulièrement sur le triplé final, la superbement solennelle Chance en or, Oasis et Ennemi imaginaire.

Mais il y a aussi le Damien funky qui réapparaît sur l’album, notamment par un autre trio de joyeuses chansons, Rêve récurrent, Sortie de secours et S.O.S. Y’a pas à dire, Damien sait rendre en français la chanson qui groove et qui assume ses références R&B et funk. Y’a pas un peu de référence à ABBA, tiens, là-dedans ? « Je dirais plutôt l’influence du reggae », une de ses obsessions de jadis. « Le roots, le rocksteady, je me suis imprégné de tout ça. »

Damien reggae, on en prendrait tout un disque ! « Je dirais que Homme autonome est mon album reggae… mais avec des arrangements soul. Des chansons comme Plein d’amour, ou encore Jésus nous a dit… Celle-là est directement inspirée d’une chanson de Junior Murvin, tu vois laquelle ? » Et d’entonner le premier couplet de Soloman, tiré du disque classique Police & Thieves (1977, une production du mythique Lee « Scratch » Perry) : « Solomon was the wisest man / But he didn’t know the secret of a woman… »