Bobby Bazini, sa blonde, sa guitare et même son chien étaient fin prêts pour la grande traversée des États-Unis en voiture. Le prétexte était idéal: se rendre à Los Angeles pour y enregistrer son deuxième album, Where I Belong. Mais avant d’entrer en studio, il allait tenter le roadtrip pour se remplir la tête de grands espaces. Y trouver quelque chose de beau, de vrai, qui dicterait son interprétation une fois rendu à destination. Que sa Kia franchisse ou non les 4500 kilomètres le séparant de la Californie était secondaire. De toute façon, il savait que les prochaines fois, il retournerait à L.A. en avion.

« Ça aurait été plus romantique de faire le voyage en sportive décapotable, mais bon, ça m’aurait couté plus cher d’essence, » rigole Bobby Bazini qui est depuis retourné aux États-Unis pour donner des showcases, des entrevues et des concerts en première partie de la chanteuse Lily Kershaw. « Percer le marché américain est un travail de longue haleine. Il faut repartir de la base et mettre tous les efforts nécessaires pour que le public entre en contact avec sa musique. C’est difficile de jouer en première partie. Les gens ne sont pas encore tous arrivés, et ceux qui sont là parlent parce qu’ils ne sont pas venus pour te voir… Pour capter leur attention, il faut se donner sur scène, être en grande forme. Je me rends aussi dans la foule après les concerts pour parler avec les spectateurs et leur donner des cartes de téléchargement gratuit pour une chanson. » 

« Au final, c’est mon nom et ma photo qu’on voit sur l’affiche. Je veux que les décisions me ressemblent. »

Le musicien l’avoue d’emblée, « l’exercice de séduction demande une bonne discipline. Je n’ai pas vraiment le temps de jouer les rockstars. Même qu’en tournée, je bois plus d’eau citronnée avec un peu de miel que d’alcool. J’essaie de me coucher tôt lorsque c’est possible. Je ne veux pas m’inquiéter sur scène en me demandant si ma voix tiendra jusqu’au bout. » À 25 ans, Bobby Bazini donne l’impression d’être une voiture de course autour de laquelle s’affaire un bataillon d’ingénieurs. Il y a le réalisateur de Where I Belong, Larry Klein (Joni Mitchell, Madeleine Peyroux, Melody Gardot), qui l’a mis sous contrat avec son label Strange Cargo avant de convaincre Capitol de lancer son disque aux États-Unis. Il y a l’impresario à l’international, Rich Isaacson, qui s’occupe aussi de la carrière de Mika. Il y a Universal Canada et, finalement, sa garde rapprochée: son équipe de gérance locale constituée de Geneviève Gélineau et du chroniqueur culturel Mike Gauthier.

Dire qu’il y a trois ans à peine, après l’immense succès de son album Better In Time, Bobby Bazini devait se rebâtir une nouvelle équipe suite à une séparation houleuse avec son gérant de l’époque (lire Tourner la Page, ci-dessous). « Lorsque j’ai commencé ma carrière, je ne savais pas comment la business fonctionnait. Mais aujourd’hui, je participe à toutes les discussions concernant ma carrière et les stratégies de mise en marché. Je m’implique davantage, et j’ai choisi mon entourage en fonction de cette nouvelle philosophie. Je veux savoir où je m’en vais. J’ai un droit de véto sur toutes les décisions qui concernent mon image et ma musique, » explique le compositeur qui avoue parfois trouver cette gestion difficile. « Je me retrouve avec des informations qu’un artiste n’a pas toujours besoin de savoir comme les offres et contre-offres d’une négociation de contrat. Mais au final, c’est mon nom et ma photo qu’on voit sur l’affiche. Je veux que les décisions me ressemblent. »

Bobby Bazini cite en exemple l’enregistrement de Where I Belong, alors qu’aucun producteur n’a eu accès au studio pendant les sessions. « Larry Klein leur a envoyé le disque à la fin seulement. Ça n’avait rien à voir avec mon premier album, alors que la gérance était toujours derrière mon épaule pour s’assurer que je ponde des hits. Cette fois, j’ai fait ce que je voulais, comme délaisser un peu le folk pour plonger dans la musique soul. »

Ce virage, le musicien le présentait dès la fin de la tournée pour Better in Time. Larry Klein lui aura permis de le réaliser. « En composant mes nouvelles pièces à la guitare acoustique, je savais qu’elles prendraient une autre dimension avec la chaleur des arrangements soul, une musique que j’ai toujours écoutée. Grâce aux contacts de Larry, j’ai pu enregistrer avec des légendes de la musique soul dont l’organiste Booker T. Jones qui a joué avec Otis Redding, le percussionniste Jack Ashford entendu sur des classique de Marvin Gaye et surtout mon batteur préféré: Jay Bellerose (Diana Krall, Robert Plant & Alison Krauss, Bob Dylan, Elton John). J’étais comme un enfant à qui on offre de piger dans le plat ses bonbons favoris. »

Visiblement, les producteurs n’avaient pas à s’inquiéter. Album canadien le plus vendu au Canada en 2014 et en nominations aux Juno 2015 dans les catégories Album de l’année et Choix du public, Where I Belong (certifié platine) démontre la nouvelle maturité de Bazini. Il a beau répondre à nos questions avec une voix de gamin, son chant résonne toujours avec autant de force et d’émotions.

Tourner la page
En 2012, l’impresario Cesar Boestein dépose une poursuite pour bris de contrat contre son poulain Bobby Bazini à qui il réclame 108 000$. « J’ai gagné en cour parce qu’il ne s’est pas présenté. Même qu’après vérification de ses livres comptables, c’est lui qui me devait de l’argent. Il a fini par déclarer faillite, et j’ai perdu beaucoup de sous dans cette mésaventure. Mais tout ça est derrière moi. Je me suis bâti une nouvelle équipe de gérance qui me ressemble. Notre relation est simple et humaine. Personne ne joue de game. Même qu’en concert, c’est mon gérant Mike Gauthier qui accorde mes guitares avant de me les amener sur scène. J’ai l’impression que tout le monde rame dans la même direction, la bonne. »