Ça peut ne pas paraître important en début de carrière, mais si vous enregistrez de la musique pour la mettre en ligne et que vous partez en tournée pour la faire connaître au public afin, souhaitons-le, de la vendre, il est prudent d’investir dans une recherche au sujet du nom de votre groupe afin de le déposer avant que les maux de tête et les frais juridiques commencent à se pointer le bout du nez. C’est un problème pour lequel il vaut mieux être proactif. Mais n’allez pas confondre cela avec un droit d’auteur – on ne peut pas protéger un nom par un droit d’auteur au Canada, mais il y a plusieurs façons de se protéger par une marque déposée, incluant de ne rien faire du tout.

Votre nom, c’est votre image de marque, la fondation sur laquelle l’image de votre groupe est bâtie. C’est votre étendard et vous voulez qu’il flotte fièrement et bien haut tout en vous assurant qu’il est, hors de tout doute, légalement et à perpétuité, le vôtre. La dernière chose que vous souhaitez voir lorsque votre groupe commence à être reconnu est une ordonnance d’interdiction provenant d’un groupe d’une autre ville — ou pire, d’un autre pays où vous deviez partir en tournée — qui a choisi le même nom que vous trois semaines avant vous. Parlez-en aux membres de Bush X, des Charlatans UK, de Blink 182 et de Dinosaur Jr qui ont tous eu un immense « plaisir » à changer leurs noms de groupes dans la foulée d’une telle ordonnance.

Ou parlez-en au groupe Viet Cong, qui figurait sur la longue liste des finalistes de l’édition 2015 du Prix de musique Polaris, et qui a dû changer son nom pour devenir Preoccupations après un tollé public entourant leur décision de nommer leur groupe d’après la faction armée qui a terrorisé les citoyens durant la guerre du Vietnam. Le nom les a même empêchés d’aller où ils le voulaient, puisqu’ils ont perdu des spectacles en Australie pour cette raison.

Il existe un certain nombre de sites Web offrant de judicieux conseils aux musiciens sur la manière de protéger leur nom de groupe, dont notamment une page sur le sujet sur SaskMusic et une autre sur DIY Musician. Tous suggèrent de commencer par une recherche sur ce nom. Le simple fait de le googler n’est pas suffisant. Il existe des sites Web comme Band Vault et Band Name qui effectueront pour vous une telle recherche pour environ 15 $. Si vous entendez déposer votre marque de commerce, il ne suffit pas de chercher un nom identique, il faut également effectuer des recherches pour des noms épelés de manière semblable ou homonymes, car ces groupes auraient des bases suffisantes pour soumettre une réclamation, s’ils le décidaient. Il vous faudra ensuite finaliser votre recherche en vérifiant la Base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et, si vous ne voulez pas prendre de risque et que vous avez de grandes ambitions, sur le site Web du US Patent Office également. Si vos ambitions sont mondiales, il vous faudra vérifier la réglementation de chaque pays concernant les marques déposéehttp://www.cipo.ic.gc.cas.

La Common Law stipule que l’utilisation préalable (premier utilisateur) est une preuve valable de la possession d’une marque, donc si vous pouvez démontrer que vous avez utilisé un nom et êtes reconnus par ce nom (p. ex. une critique publiée) avant qui que ce soit d’autre, il est à vous. Et cela est vrai même si vous avez déposé ce nom après avoir commencé votre carrière. Sur son site Web justement intitulé Lawyer/Drummer, l’avocat de la Saskatchewan (et batteur du groupe One Bad Son) Kurt Dahl explique que « dans l’absence d’un dépôt fédéral de votre marque, vos droits se limitent géographiquement à l’étendue de votre réputation. » Ce qui signifie, en langage simple, que si vous ne donnez des concerts qu’à une distance de route de chez vous et que votre groupe est reconnu dans ce territoire, vous ne pouvez établir votre dominance sur ce territoire, mais uniquement sur ce territoire. Cela signifie que si quelqu’un d’autre peut démontrer que son groupe est plus connu ou populaire que le vôtre (grâce à des chiffres de ventes de disques ou de billets de spectacle, des revues de presse, etc.), vous pourriez perdre le droit à votre identité du jour au lendemain. Voulez-vous vraiment courir ce risque ? Si la réponse est non, il serait peut-être le temps de consulter un avocat.

Évidemment, le choix d’un nom de groupe n’est pas de tout repos. Il peut sembler que tous les bons noms ont déjà été choisis. Vous devrez peut-être faire un compromis sur une variation peu satisfaisante de votre 45e choix de nom, mais lorsque c’est décidé et que vous avez investi dans son dépôt, il n’y a plus de retour en arrière. Dans son article intitulé « Naming Your Band—in 10 Easy Steps », l’auteur à l’humour grinçant Mike Blick écrit « essayer de trouver le meilleur nom de groupe de tous les temps est un exercice futile. Le mieux que vous pouvez espérer (et dont se contentent la plupart des groupes) est un mauvais nom de groupe. » Et, afin de vous économiser temps et argent, voici, selon curiosity.com, une liste des noms de groupe les plus communs : Bliss, Mirage, One, Gemini, Legacy, Paradox et Rain.

Les avantages de déposer le nom de votre groupe sont nombreux et de grande portée, en plus d’être impératifs si vous souhaitez perdurer et réussir. Votre image de marque doit être protégée contre des concurrents de bas étage qui pourraient vouloir ternir votre réputation. Cela vous permet également de protéger vos produits dérivés contre les imitations en plus de vous assurer le soutien des autorités légales afin de faire respecter vos droits. Vous pourriez également considérer établir la propriété du nom lui-même — les membres de votre groupe vous remercieront.

Le dernier mot revient à l’avocat Dahl, qui explique qu’il coûte environ 1000 $ pour l’enregistrement d’une marque déposée canadienne. « J’ai été impliqué dans plusieurs litiges concernant des noms de groupe, et je vous assure qu’elles coûtent beaucoup plus cher que le coût de cet enregistrement », confie-t-il. « Je comprends que payer votre loyer, une nouvelle guitare et assurer la maintenance de votre véhicule de tournée sont prioritaires, mais je vous assure que le prix d’un dépôt de marque est de l’argent bien investi. Lorsque l’on constate l’actuel déclin des ventes de musique, il est difficile de nier l’importance grandissante des autres sources de revenus comme les produits dérivés provenant de la valeur de plus en plus importante de l’image de marque de votre groupe. »