À la tête du cercle de partage au TD Music Hall, avec les rideaux de l’arrière-scène ouverts sur le monde extérieur, la sauge brûlant au milieu de la pièce, et avec les aînés Louise Lahache et Gerard Sagassige à ses côtés, Elaine Bomberry a prononcé le discours principal pour lancer officiellement le volet conférence du Sommet international de la musique autochtone 2024.

Une sorte de « Auntie » fondatrice de l’industrie musicaleBomberry, d’origine Anishnaabe et Cayuga. Depuis près de 35 ans, elle travaille en tant que pigiste dans le domaine des arts de la scène autochtones en tant qu’interprète, promotrice, gérante et productrice pour la télévision et la radio. Durant tout ce temps, elle a été une des forces motrices derrière un grand nombre de réussites importantes pour les peuples autochtones dans l’industrie canadienne de la musique. Dans son discours, elle a partagé sa perspective sur les choses et certains des faits saillants de sa carrière.

Vivant et travaillant à Oshweken, sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand, dans le sud de l’Ontario, Mme Bomberry a raconté ses débuts dans les années 90, « lorsque l’autodétermination autochtone commençait à se manifester dans les arts », dit-elle. Lorsque Gary Farmer, acteur autochtone (et compatriote de Six Nations), a voulu créer une station de radio à Six Nations, il a recruté M. Bomberry pour une émission, puis pour faire partie du conseil d’administration bénévole. « CKRZ, Rez Radio, ne cadrait pas avec les directives du CRTC, on a donc été considéré comme une radio pirate pendant un an », explique-t-elle. Le Conseil a éventuellement autorisé la station qui est en ondes depuis 34 ans.

International Indigenous Music Summit, 2024, Elaine Bomberry

En 1996, Bomberry a été choisie comme gestionnaire de production de Making a Noise: A Native American Musical Journey with Robbie Robertson, qui racontait sur le retour du fondateur de The Band à Six Nations où il a passé les étés de son enfance. Elle a ensuite partagé un extrait d’une entrevue avec Robertson qu’elle a réalisée dans le cadre de son émission de radio, ainsi qu’une chanson inédite qu’il a interprétée à l’occasion.

Bomberry a également joué un rôle dans la mise sur pied des stations de radio autochtones ELMNT FM à Toronto et Ottawa. Elle a également raconté comment, avec David McLeod, directeur général de Native Communications Incorporated (NCI), elle a fait partie d’un comité qui a créé la catégorie des prix autochtones aux JUNO Awards dans les années quatre-vingt-dix. Elle a souligné qu’« il a fallu 25 ans avant qu’on scinde la catégorie en musique traditionnelle et contemporaine. »

Une des choses qui la passionne le plus aujourd’hui est le mouvement Rez Blues. « Six Nations est un terreau fertile pour le blues autochtone », a-t-elle expliqué, et elle a raconté au public présent l’histoire de la première représentation de Rez Blues à Toronto. Le promoteur avait insisté pour que le spectacle soit dans une salle d’une capacité maximale de 200 personnes, mais plus de 300 personnes se sont présentées et, l’année suivante, le groupe a joué devant une foule de 1200 personnes. Bomberry a produit 13 émissions Rez Blues d’une heure pour APTN (Aboriginal Peoples Television Network) et souhaite réaliser un film documentaire. Dans un atelier qu’elle présente lors de festivals et de conférences, elle parle (comme elle l’a fait ici) des liens entre les racines africaines et indigènes du blues quand les esclaves en fuite sont allés chercher refuge dans les réserves et comment le rythme 4/4 du blues est le rythme cardiaque des pow-wow. Elle nous a par ailleurs appris comment les « underground railroads » (chemins de fer clandestins, les pistes empruntées par les esclaves afro-américains) suivaient d’anciennes pistes autochtones et comment les bluesmen Little Walter, Big Joe Williams et Charley Patton étaient tous d’origine autochtone.

Parmi ses nombreuses réalisations, Mme Bomberry a créé sa propre agence de talents, All Nations Talent Group. Elle a créé la 2 Rivers Remix Society, un groupe à but non lucratif basé en Colombie-Britannique qui produit gratuitement un « festin mobile » de musique et de culture autochtones contemporaines, en produisant des festivals de musique dans des petites communautés autochtones qui n’y auraient pas accès autrement et où se produisent des artistes comme Logan Staats, Laura Niquay, Aysanabee, Leela Gilday, et Snotty Nose Rez Kids. Elle est également parolière, désormais : « Je suis devenue membre de la SOCAN », a-t-elle déclaré, avant de faire jouer une chanson coécrite et interprétée par son mari, Murray Porter, un auteur-compositeur-interprète mohawk, dont elle a écrit les paroles.

Elle a terminé en donnant le conseil suivant aux délégués réunis dans la salle : « Nous ne sommes pas en concurrence les uns avec les autres, nous nous complétons. Nous allons tous dans la même direction, alors prenons soin les uns des autres. Faisons-le avec amour et grâce. Nos voix ne font qu’une ».