Vox Sambou

Photo : Benoit Rousseau, Francofolies 2016

Une fois n’est pas coutume, il sera moins question de musique que de nous, citoyens, voisins, amis, dans cette entrevue avec Vox Sambou. Auteur, compositeur, interprète et responsable de la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges, né en Haïti, chez lui peu importe où il pose le pied, du moment « que j’aie quelqu’un à côté de moi avec qui je puisse partager » le moment présent. Qu’il parle de chanson ou de la société, le musicien exprime toujours un même sentiment : l’optimisme.

« Voyager, c’est un privilège », affirme Robints Paul, alias Vox Sambou, attrapé à son retour de New York, où il participait à une vitrine organisée sous la bannière du festival Mundial Montréal. « Ce privilège, c’est de pouvoir rencontrer des gens de partout. On veut tous les mêmes choses : connecter avec les gens, apprendre leur histoire. Et lorsqu’on creuse un peu, on réalise qu’y’a pas beaucoup de différence entre nous. » Humano Universal, tiens, comme le titre d’une chanson de son deuxième album, Dyasporafriken, paru en 2013. Lorsqu’il retourne dans son village natal où résident toujours ses parents, Limbé, tout au nord du pays, près du Cap-Haïtien, il se sent chez lui, dans son histoire, « dans le berceau de la Révolution. Mais lorsque je reviens et débarque à l’aéroport de Montréal, je me dis : ah !, qu’est-ce que je me sens bien chez moi ! ».

De Limbé à Montréal, en passant par Winnipeg et Ottawa, Vox Sambou a suivi sa passion pour la musique et les gens jusqu’à devenir un acteur important de la vie musicale montréalaise – et  de la vie communautaire de son quartier –,   autant en tant que membre du collectif hip-hop/funk/soul/reggae Nomadic Massive qu’avec son projet solo… dans lequel il n’est pas vraiment seul, d’ailleurs. Son orchestre est constitué de huit personnes, de milieux et d’origines différentes. Le style musical qu’il défend est aussi une macédoine sonore où kompa, rap, reggae, funk et chanson se mêlent et se répandent sur scène avec l’énergie et l’enthousiasme qui ont fait sa réputation.

Il retournera donc répandre ses bonnes vibrations aux États-Unis dans les prochaines semaines, invité au fameux festival South by South West à Austin, au Texas. Lui, l’homme qui semble prendre racine dans tout pays qu’il visite, qui fait fi des frontières, au pays de Donald Trump, ça a valeur de symbole.

Le matin de notre entrevue, justement, le New York Times publiait un reportage depuis Tijuana, au nord-ouest du Mexique, où sont entassés depuis des mois des centaines de réfugiés haïtiens espérant passer la frontière. « Je comprends qu’avec tout ce qui se passe ces temps-ci, c’est difficile, mais il faut garder espoir. La plupart de ces Haïtiens sont sortis du Brésil », dans ce pays où le musicien a enregistré son superbe dernier album The Brasil Sessions, paru l’an dernier. « On leur promettait de meilleures conditions de vie que dans leur pays d’origine, explique Vox Sambou. Ce n’était pas le cas ; ils ont pris la route en direction des États-Unis, certains ont même perdu la vie pour s’y rendre… »

« Le moment que l’on vit aujourd’hui est important : c’est le moment de se réveiller et de se mettre ensemble, construire des ponts, se reconnecter, c’est la seule manière d’y arriver, de résister, poursuit le musicien, positivement inébranlable. Aussi, il ne faut pas avoir peur de parler haut et fort, de dénoncer. On ne peut pas seulement se dire que ça se passe ailleurs, aux États-Unis, dans une société qui n’est pas la nôtre. Car en y voyant clair, les décisions d’une seule personne ont aussi un impact sur nos vies. Or, ensuite, j’observe autour de moi : la grande marche des femmes [dans les capitales américaines], les manifestations, tout ça me rend optimiste parce que c’est la preuve que les gens font attention à ce qui se passe, ils sont éveillés. »

S’il y a de l’espoir, c’est dans la force du nombre, dans l’unité, assure le musicien. « On voit ce que font les gouvernements, ce que fait le Président des États-Unis, tous ces gestes qui visent à diviser… Mais les gens refusent d’être divisés, les Noirs d’un côté, les Blancs de l’autre. Les gens veulent juste vivre en paix, c’est tout. Ça m’inspire, c’est ce qui me pousse à écrire, à faire de la musique : connecter avec le plus de gens possible. »