Photo: Jocelyn Riendeau

Photo: Jocelyn Riendeau

Tout ce que l’on devrait savoir sur Vincent Vallières se retrouve sur une seule et même photo à l’intérieur du livret de son septième et nouveau disque, Le temps des vivants. Le cliché montre le musicien dans son antre de création, chez lui. Sur sa table de travail, des objets épars, des cordes de guitares en paquets, un Petit Robert, derrière, une murale de disques et à côté, quelques guitares et une photo d’Yvon Deschamps. C’est dans cette pièce que les premières ébauches trouvent leur chemin jusqu’au laboratoire de la seconde étape.

Pas une mince affaire de reprendre du collier après la longue et grisante aventure qui a suivi la parution de Fabriquer l’aube. On va s’aimer encore, ça vous dit quelque chose ?

« Je me suis dit : pose tes valises, vois ce que l’avenir te réserve. Depuis mes débuts en 1999, je vis le même cycle. Je termine un disque et une tournée et je recommence. Avec les années, j’ai appris à dire non parce que j’ai travaillé très fort au début de ma carrière pour me faire dire oui. On a fini notre plus grosse tournée il a deux ans au Festival de la Poutine et au moment de partir chacun de notre bord, j’ai dit aux gars : attendez-moi pas, vous êtes libres. Trouvez-vous de la job ailleurs parce que je ne sais pas quand je recommence ».

Michel-Olivier Gasse et sa blonde ont fondé Saratoga ; Simon Blouin, le batteur, s’est retrouvé en tournée européenne avec Véronic Dicaire ; et André Papanicolaou a réalisé des disques et part ces jours-ci en tournée avec Pierre Flynn. Avec eux, Vallières avait enregistré trois albums, Le repère tranquille (2006) qui s’est vendu à quarante-cinq mille exemplaires, Le monde tourne fort (2009), presque autant, à l’instar de Fabriquer l’aube (2013).

Durant ce hiatus de deux ans, Vallières est redevenu un fan de musique, il est allé voir plein de concerts et a passé beaucoup de temps à fouiner au paradis du disque vinyle montréalais, le magasin Aux 33 tours.

« Ç’a été un long processus avant que je ne lâche un coup de fil à François Plante (son nouveau collaborateur), confie le chanteur, mais je n’ai jamais douté de ma capacité à écrire des nouvelles chansons. Est-ce que je vais réussir à me surprendre encore, est-ce que je vais réussir à me dépasser ? Et ultimement : est-ce que je peux être meilleur ? » La réponse est venue en la personne de Philippe B., le prolifique musicien et réalisateur québécois. Vallières avait besoin d’une opinion franche.

« Je lui ai dit : je te joue mes tounes, pis tu me dis ce que t’en penses parce qu’il est capable de faire un diagnostic. Et j’ai engagé George Donosso III (guitares, batteries, etc.) qui travaille avec The Dears et qui a des idées très arrêtées sur le son de ses productions. À la base, ils ne sont pas des fans de ma musique, forcément, ils ne reçoivent pas mes chansons de la même manière. Dans cette optique, je veux qu’ils me brassent et qu’ils me déstabilisent. On a jammé dans notre local, à trouver des sonorités, à rajouter par exemple de la basse synthétiseur, du farfisa ou du vibraphone, chose que je n’avais jamais faite auparavant, mais en gardant l’énergie des maquettes ».

Il enchaîne : « à force de jouer plusieurs versions des maquettes, j’ai réécrit des couplets complets et même diminué certains tempos. » Pays du nord incarne parfaitement ce qu’explique Vallières. Elle est le résultat de multiples tentatives. « En fin de compte, le son final de la chanson a remodelé le texte : le personnage part dans une forme d’errance, il avance et la nuit se pointe, mais j’ai changé l’histoire. Dans mon texte initial, il y avait des enfants… »

Gagnant du Prix Félix-Leclerc de la chanson en 2005, du Prix Gilles-Vigneault en 2007, du Félix de la chanson de l’année en 2011 (On va s’aimer encore) et de plusieurs Prix Chansons populaires de la SOCAN (Café Lézard – 2008, Entre partout et nulle part – 2011, On va s’aimer encore – 2012, Loin et L’amour c’est pas pour les peureux – 2015), qu’est-ce qui a changé chez Vincent Vallières ? Et comment sa musique à la facture rock-country-folk qui lui colle tant à la peau a-t-elle évoluée ?

Le temps des vivants marque une nouvelle étape. Ça saute aux oreilles dès les premières notes. C’est un travail collectif, avec en prime Papanicolaou qui revient avec ses guitares et Amélie Mandeville qui y appose sa voix. Les chansons sont rafraîchies d’un habillage sonore plus téméraire. C’est clairement et indiscutablement encore du Vincent Vallières, mais le chemin emprunté est différent. Plus moderne. Hâte de les jouer devant public ? « Il n’y a pas si longtemps, conclue-t-il, le milieu de la chanson était très différent. La radio, en ce sens, m’a aidé. Quand tu te pointes devant trente mille personnes dans un festival et que ce n’est plus juste tes fans mais le grand public qui connaît sept ou huit des quinze chansons du spectacle, les briquets se lèvent, on chante en même temps et c’est fantastique. Les gens se reconnaissent dans les chansons des artistes, ils ont envie de les écouter. »

Et de les acheter, aurait-il pu rajouter.