Son premier album paru en 2004 et intitulé Storyteller s’est écoulé à plus de 1,6 million d’exemplaires à travers le monde, il a eu de nombreux succès dans le Top 10 au Royaume-Uni, donné de nombreuses prestations à guichets fermés devant des foules de plus de 30?000 personnes en Inde, en Afrique et en Amérique du Nord… On pourrait s’attendre à ce que l’artiste indo-canadien Raghav soit un nom familier chez nous…

Il l’est en partie, principalement dans la communauté d’Asie du Sud, qui a depuis le début adopté les chansons de l’artiste établi à Calgary et qui se déplace en masse pour assister à ses concerts au Rogers Centre de Toronto, au Nassau Veteran’s Memorial Coliseum de Long Island ou au Shrine Auditorium de Los Angeles. « Je n’ai tout simplement pas encore percé le marché nord-américain en général », explique-t-il.

Tout cela a commencé à changer, toutefois, depuis qu’il a signé une entente avec Cordova Bay Records en 2011 et lancé sa chanson ­ mise en nomination aux Junos ­ « So Much » mettant en vedette Kardinal Offishall. « Fire », le deuxième extrait de son album The Phoenix paru en 2012, est rapidement devenu son simple ayant le mieux réussi au Canada, lui valant au passage des nominations aux Canadian Radio Music Awards et Canadian Indie Awards en 2012, en plus d’obtenir une certification Or. Raghav a récemment signé une entente avec l’étiquette américaine Ultra Records et, au moment d’écrire ces lignes, s’apprêtait à lancer « Fire » chez nos voisins du sud à l’été 2012.

Mais ses disques ne sont toutefois qu’une des façons dont Raghav exploite sa créativité. Il travaille actuellement sur une production bollywodienne en collaboration avec A. R. Rahman (Slumdog Millionaire) et une autre, hollywoodienne, en compagnie de Rahman et du compositeur Stephen Schwartz (Wicked), lauréat de plusieurs Oscars et prix Grammy. « A.R. me connaît depuis un bon moment déjà », explique Raghav. « Je me trouvais en Inde au même moment que lui et il m’a passé un coup de fil. On a commencé à travailler sur des chansons pour le film bollywoodien et, depuis ce temps, on dirait qu’on se suit et qu’on travaille ensemble un peu partout sur la planète. »

Le but de Raghav a toujours été de devenir un auteur-compositeur plus sophistiqué et d’élargir son vocabulaire musical de production en production. Bien que la musique indienne qui l’a bercé dans son enfance informe toujours ses créations R&B/pop débordantes d’énergie, The Phoenix le voit également puiser son inspiration dans le monde du blues, du R&B et des traditions musicales qu’il a découvertes lors de ses voyages au Kenya, au Pakistan et au Népal.

« Le premier langage que vous apprenez demeurera toujours votre langue maternelle », dit-il. « Ça m’a permis de briser la barrière des gammes, ainsi, quand je crée une chanson et je veux aller ailleurs musicalement, je le peux, car vous ne pouvez pas vous permettre de toujours faire la même chose. La fusion est là pour vous permettre de donner différentes formes à vos créations. » — KEVIN YOUNG

 

Parcours

  • Raghav avait 16 ans lorsqu’il a remporté le National Songwriters Association of America Award
  • À l’adolescence, Raghav a étudié avec le « coach » de voix Seth Riggs, qui a notamment travaillé avec Madonna, Stevie Wonder et Michael Jackson.
  • On a décrit sa musique comme de « R&B à l’américaine avec des saveurs sud-asiatiques et des enjolivures hip-hop ».


Porcelaine a fait son apparition en 2010 avec un mini-album homonyme de cinq titres. À l’époque, le projet reposait sur les épaules de la Montréalaise Mélanie Scala. Un mouvement naturel a fait migrer le projet solo vers la formule collective : « L’élaboration du deuxième album s’est passée différemment. Mon ancien complice dans Maharajah, Simon Bédard (guitares, voix), a co-composé avec moi toutes les pièces de La foire aux animaux. Les autres musiciens étaient dans notre entourage. Au début, on cherchait des collaborateurs en maîtrise de leur instrument, on les avait engagés pour les spectacles. Mais voilà, ils ont proposé leurs lignes et, de fil en aiguille, se sont greffés au groupe. J’avoue que ça m’avait manqué dans l’aventure solo. »

La musique, Mélanie l’a dans le cœur comme on embrasse une vocation. Au cours des trois dernières années, l’ancienne messagère à vélo – qui fut même à une époque lutine de Père Noël dans les centres d’achats – a donné vie à deux enfants, un ep et un album. Vivre de musique et d’eau fraîche, ce n’est pas la voie facile pour une artiste sans compromis, « mais c’est ma passion alors j’y mets l’énergie. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds de la musique. La clé, c’est de rester réaliste, tout en se permettant de rêver ».

Transe collective
Le combo Porcelaine a donc lancé un album le 1er mai dernier et un vinyle en juillet sur lequel s’entend très clairement un solide ancrage dans la décennie 70. Folk-pop atmosphérique aux orchestrations ambitieuses et foisonnantes, la proposition du groupe flirte par moments avec le psychédélisme, sans aller s’y complaire, un peu comme chez Monogrenade. À la flûte traversière, Maude Langevin-Charlebois tutoie le fantôme d’Harmonium, en particulier sur la très belle « Langue de bois », dans laquelle un oiseau se fait un nid avec… une langue de bois ! « Ah oui, c’est drôle, cette chanson-là s’est écrite tellement vite. Je suis partie de nulle part : j’ai commencé par taper sur des casseroles, j’ai ajouté un peu de synthétiseur et quand la flûte est arrivée, tout a décollé ! D’ailleurs, c’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais de la flûte sur l’album. Ensuite, les paroles ont coulé de source : il est grand le mystère de la création, » rappelle en rigolant la chanteuse. En ce qui concerne les années 70, « oui, cela fait partie de nos sensibilités. Dans ce groupe, nos goûts musicaux se rejoignent. Nos affinités vont de Gainsbourg à Fleet Foxes et je suis de près la scène montréalaise. En cours de route, on s’est aperçu que notre processus s’apparentait beaucoup à celui des groupes de cette décennie-là : on a le même esprit libéral, on n’est pas enfermé dans quelque chose de cérébral, loin de là. On y va au feeling, en faisant fi des moules et des modes ».

Dès qu’on entre dans La foire aux animaux, ce qui saisit et éblouit, c’est la voix, ou plutôt les voix, harmonieuses, déballées sans emphase, coulantes et fluides, roulant les unes sur les autres. Même lorsqu’elle chante seule, Mélanie Scala a pris beaucoup d’assurance depuis le mini-album de 2010. Les harmonies vocales constituent sans aucun doute l’une des forces de Porcelaine. « C’est ce que l’on souhaite mettre de l’avant. On travaille dans un esprit collectif ; chanter ensemble rapproche, rassemble et unit. L’album en est teinté et je remarque que c’est ce qui rejoint et touche les gens. »

Ce qui nous amène à aborder la question des textes, par moments naïfs mais poétiques, ailleurs hypnotiques ou cryptés. Étonnamment, il n’y a pas tant d’animaux dans cette belle ménagerie. Un œuf de corbeau, un oiseau qui construit son nid avec une langue de bois, mais où sont les éléphants rencontrés sur la pochette ? « Les animaux, c’était surtout un prétexte pour parler des humains. Parfois, nos émotions sont en phase avec nos instincts, mais notre tête nous en éloigne. On sacrifie nos instincts – qui relèvent de l’animal en nous – au profit de notre logique qui veut tout contrôler… Plusieurs de nos textes sont issus de cette réflexion. Nous avons des armes poétiques (…) À la foire aux animaux, nous étions dans la même cage, rassemblés comme un troupeau avant l’abattage, » chante Mélanie sur la chanson qui donne son titre à l’album. Elle conclut, un sourire dans la voix : « La foire aux animaux, c’est aussi un clin d’œil au processus de création de l’album, au groupe qui s’est formé tout naturellement pendant le travail. Cet album a vu le jour parce que nous étions plusieurs et que nous avons mis toutes nos émotions en commun. » La musique : y a-t-il plus beau ciment pour lier les êtres ?



Bernie Finkelstein a porté de nombreux chapeaux au cours de sa carrière : impresario, propriétaire d’une étiquette de disques, producteur, éditeur et promoteur de concerts. Mais peu importe le chapeau, sa passion pour la musique a toujours guidé son incroyable périple. Véritable pionnier, il a fait de True North Records une des maisons de disques indépendantes les plus importantes au monde bien avant que le terme « indie » ne soit sur toutes les lèvres. Pas si mal pour un décrocheur de Downsview, en banlieue de Toronto.

« Les plus importantes qualités de Bernie sont sa loyauté, son amour passionnel de la musique, et sa capacité d’élaborer des stratégies à long terme dignes des meilleurs champions d’échec », affirme Bruce Cockburn, dont Finkelstein a longtemps été l’impresario.

C’est la curiosité qui a poussé le jeune Finkelstein à se rendre à Yorkville, l’épicentre du mouvement hippie à Toronto en 1967 avec ses cafés, l’omniprésence des drogues de toutes sortes et, bien entendu, de la musique. Certains des plus grands noms de la musique canadienne — such as Gordon Lightfoot, Joni  Mitchell et Neil Young — ont fait leurs premiers pas sur scène dans des salles du coin aujourd’hui disparues : The Riverboat, The Penny Farthing ou The Mynah Bird.

« J’ai eu de la chance », dit Finkelstein au sujet de ses débuts dans l’industrie de la musique. « Je rêvais d’une vie de beatnik lorsque j’ai quitté la maison à 17 ans. J’étais mauvais à l’école, et je suis tombé dans la musique. Ç’a été un heureux hasard parce que je suis tombé dans quelque chose que j’aimais, pour laquelle j’étais passionné et, surtout, une chose pour laquelle j’avais d’excellentes aptitudes. »

Mais outre un peu de chance, son acharnement lui a permis de suivre cette voie. Quand Finkelstein croyait en un artiste, sa détermination sans bornes attirait l’attention des gens — que ce soit pour la négociation d’une entente de distribution aux États-Unis ou pour faire grimper une chanson dans les palmarès Billboard. Ceux qui ont pu en bénéficier lui sont éternellement reconnaissants.

« Je ne suis pas du genre “mais si…”, mais on peut supposer que si ce n’avait pas été Bernie, quelqu’un d’autre aurait joué son rôle », explique Bruce Cockburn, « Mais c’est Bernie qui l’a joué. Et je suis persuadé que nous connaîtrions tous une scène musicale bien différente si on imaginait un univers où il n’existe pas. »

 

 

 

 

 

 

 

Au fil des ans, outre Cockburn, Finkelstein a mis sous contrat — sur son label True North Records, comme impresario ou les deux — des artistes incontournables tels que The Paupers, Murray McLauchlan, Rough Trade, Blackie & The Rodeo Kings et Stephen Fearing, pour n’en nommer que quelques-uns.

Actuellement en semi-retraite après avoir vendu True North en 2007, ce membre du Panthéon de la musique canadienne passe ses journées en compagnie de sa femme sur leur ferme du comté du Prince-Édouard ou à leur résidence de Toronto Nord. Il a récemment publié son autobiographie intitulée True North: A Life in the Music Business chez McClelland & Stewart.

Fait plutôt intriguant, toutefois, son livre ne traite à peu près pas de son travail d’éditeur musical. Retour en 1970 : Finkelstein et Cockburn deviennent partenaires dans Golden Mountain Music. L’an dernier, le duo a vendu l’entreprise à Rotten Kiddies, une filiale de l’éditeur américain Carlin Music. Tout comme pour la vente de True North en 2007, Finkelstein explique sa décision par le fait que la passion n’y était tout simplement plus.

« L’industrie canadienne de l’édition musicale est de plus en plus complexe », explique l’homme. « J’ai commencé à une époque où, quand votre truc se vendait à un million d’exemplaires, on vous payait en un seul versement pour ce million d’exemplaires. De nos jours, c’est l’inverse. Il y a un million de trucs et chacun d’eux ne perçoit qu’un sou. L’idée de connaître les tarifs de Yahoo en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Indonésie ne m’intéresse tout simplement pas. »

La carrière de Finkelstein en tant qu’éditeur a pris son envol dans les années 70. « Je me suis rapidement aperçu, en tant que jeune homme faisant son chemin dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui l’industrie de la musique, que la possibilité de gagner sa vie et de bâtir une entreprise était marginale, quasi non existante », se souvient l’homme. « J’ai donc réalisé que je devrais toucher à tous les aspects du métier. Parallèlement à cela, mes artistes me disaient “Untel veut devenir mon éditeur, que devrais-je faire??” J’ai réalisé que la probabilité qu’un artiste accepte de céder sa part d’éditeur, à l’époque, était très élevée. »

Finkelstein a donc mis en place une structure où les artistes étaient leurs propres éditeurs et, en échange d’une partie de ces droits, il agissait à titre d’administrateur. « Je ne le réalisais pas à l’époque, mais cela a rendu mon entreprise très fluide », explique-t-il. « À cause de cela, nous étions un guichet unique lorsque quelqu’un voulait une licence pour une œuvre d’un de mes artistes. Aujourd’hui, en 2012, tout le monde parle d’ententes 360, mais nous le faisions déjà il y a très longtemps. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au vu et au su des changements qui secouent l’industrie de la musique, Bernie Finkelstein se dit heureux d’en être sorti au moment où il l’a fait. Il n’aime pas particulièrement l’étiquette de « retraité », mais il est loin de se plaindre de son nouveau rythme de vie plus relax.

« Il y a des jours où ça me manque, surtout lorsque je discute avec des amis qui sont encore au travail, mais je crois qu’il était temps que je quitte l’industrie », confie-t-il. « Permettez-moi une métaphore sportive. Je crois que j’ai eu une carrière respectable : mes statistiques étaient plutôt bonnes, peut-être même suffisantes pour accéder au Panthéon, et je ne voulais pas continuer à jouer et risquer de faire baisser ma moyenne. Je suis trop fier pour ça. »