La compositrice, remixeure et DJ Geneviève Ryan-Martel avoue s’être laissée prendre à son propre jeu. Révélée par la pop électronique atmosphérique de son projet initial RYAN Playground, elle a eu envie « d’explorer un autre genre de musique, jusqu’à la limite de l’ironie », offrant un déroutant premier EP de compositions trance et eurodance à l’automne 2020 sous le pseudonyme TDJ. « Mais plus l’idée avançait, moins la musique était faite avec ironie. C’était devenu très réel pour moi, très affirmé », en témoigne TDJ123, son hédoniste premier album.

« Par ironie, je parle de la sonorité de ces chansons, explique-t-elle. J’avais envie de m’attaquer à des références [de la musique de club] de la fin des années 1990, début 2000 », période bénie pour les amateurs de trance et de house progressif, « une musique d’euphorie. J’avais l’impression d’être limite ironique en faisant ça, dans le sens qu’on pouvait clairement entendre ces références musicales sans que je leur accorde beaucoup de sérieux. Mais j’aurais dû le savoir… je suis bien trop intègre pour simplement faire des blagues à propos de la musique que je crée, au contraire. »

À ses premières expériences musicales il y a six ans, RYAN Playground tâtonnait du hip-hop expérimental pour y construire le nid dans lequel elle déposera sa voix délicate. Ce fut donc avec stupéfaction que nous accueillions son premier EP sous le nom TDJ (pour « Terrain de jeu », un autre genre de « playground ») il y a deux ans, suivi d’un deuxième, d’un troisième, de l’album TDJ BBY en décembre dernier, hallucinante collection de reprises eurodance/trance de succès populaires (celle de Cyndi Lauper devenue I Drove All N8, de Britney Spears transformée en Hit Me BBY), et maintenant de TDJ123 regroupant des compositions originales.

Ces chansons trance/prog pétillantes, colorées et extatiques, c’est la voix d’une Geneviève Ryan-Martel ayant trouvé son élan de liberté dans « une volonté de repartir sur de nouvelles bases » sans nécessairement tourner le dos définitivement à l’identité musicale de RYAN Playground. « Or, c’est comme si TDJ a fait surface au même moment où je vivais personnellement des changements ». La jeune musicienne débutante et gênée a pris de l’assurance.

« Ça a voir avec le fait que je deviens une adulte – ou, en tous cas, je suis plus en moyen de savoir ce que je veux, ce qui me permet de me projeter vers quelque chose de très précis, explique Geneviève. [Le son TDJ] est effectivement très hédoniste, mais je pense que même avec [la musique de] RYAN Playground, il y avait aussi ce côté positif, quoique dissimulé derrière ma gêne. Avant, je n’assumais pas; là, c’est 100% affirmé, cette volonté de faire une musique joyeuse », émancipée qui tombe pile après deux ans de pandémie, ce qui n’est pas tout à fait une coïncidence, confirme-t-elle.

Compositrice, réalisatrice, interprète, guitariste-multiinstrumentiste, Geneviève Ryan-Martel dit s’être plongée dans l’émoi provoqué par la découverte, toute jeune, de ces musiques électroniques populaires pour donner un souffle et une couleur à TDJ. Elle cite l’influence du « vieux Tiësto » – elle a même baptisé son chien du nom du célèbre compositeur et DJ néerlandais! – et les anciens héros trance Push et ATB.

La musique et le rythme lui viennent généralement en premier, suivent les paroles. « Souvent, les paroles seront minimales – jamais beaucoup de mots dans mes chansons, et ils me viennent rapidement. Je ne m’assois pas pendant des heures avant de pondre un texte, j’écris sans trop y réfléchir. Les idées me viennent naturellement et je suis inspirée la plupart du temps par des choses très personnelles ayant un lien avec ce que je vis, c’est difficile à expliquer… C’est drôle, quand j’ai réécouté l’album une fois terminé, j’y reconnaissais le fil de ce que j’ai vécu ces dernières années, ces derniers mois, quasiment dans l’ordre. Ce n’était pas voulu! »

Celle qu’on verra à Ile Soniq et au MEG Montréal avant d’aller honorer des contrats en Europe et aux États-Unis fait partie d’une nouvelle génération de jeunes compositeurs – parmi lesquelles on peut compter la Montréalaise Maara – ramenant sur les planchers de danse l’esprit des raves des années 1990. « Je pense qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle scène propre à notre époque, mais qui ne renie pas son histoire, estime Geneviève Ryan-Martel. L’important est d’accorder une place au présent dans cette musique d’avant. Et je pense que la musique qu’on fait, Maara et moi, donne la trame sonore de la vie de gens qui ont envie de triper et d’avoir du fun. »