Le lancement de l’album Les souvenirs qui ne meurent jamais (Les disques Passeport), au début du printemps, a marqué la fin d’un long processus d’introspection pour Steve Veilleux. Un recueil de chansons intimistes qui s’est avéré salvateur pour la figure centrale du groupe Kaïn. « J’en ai bavé pour cet album-là, pleuré pour cet album-là. Il a fait mal à écrire. Il m’a mené loin de ma zone de confort des dernières années. Présentement, j’ai vraiment l’impression de sortir un peu du désert, de plonger dans une oasis. »

 

S’adjoignant les services d’Éric Goulet à la réalisation, l’auteur-compositeur-interprète originaire de Drummondville s’est permis d’explorer des thèmes qu’il n’avait jamais abordés au sein de la populaire formation folk-rock, cette dernière ayant un mandat résolument festif. « La dernière année a été un gros tournant dans ma vie. J’ai eu mon deuxième enfant. J’ai eu 30 ans. Ça fait dix ans que je joue avec Kaïn. » Trois albums, les tournées, l’écriture entre deux séries de spectacles, le tout de façon presque incessante depuis cinq ans. Puis le besoin de plonger en soi. Une chanson a surgi. Puis d’autres se sont imposées. Un projet que chérissait depuis deux ans celui qui souligne que la scène demeure le lieu où il se sent entier, « où mon insécurité, ma peur de décevoir, tout ça est comme mis sur pause. En entrant sur scène, je tombe dans mes pantoufles. C’est là que je me sens le mieux ».

 

Un voyage intérieur qui lui a permis de mettre en perspective divers aspects de sa vie et de donner naissance à un Steve Veilleux nouveau. Toujours aussi enthousiaste, souriant, chaleureux, posé, les deux pieds sur terre, mais plus authentique. Et riche d’une vision nouvelle de la vie. Sur le plan personnel ou artistique, aucun retour en arrière possible. « L’écriture a été l’élément déclencheur de toute cette remise en question. En fin de compte, je peux dire, en toute franchise, que je peux enfin avoir le sentiment de commencer à être bien dans ma peau. Avec tout ce que ça implique. Sans avoir gagné la Grande Guerre, je me sens enfin bien avec toute l’insécurité qui m’habite. »

 

Comme celle d’entreprendre la tournée de son premier album solo seulement plusieurs mois après sa sortie. Pas facile pour cet insatiable hyperactif. « Les dernières années de tournées avec Kaïn, ce n’était pas la vraie vie. C’était surréaliste. Ça nous a un peu dépassés. On a beaucoup vécu dans nos valises. Il a fallu que je réapprenne à savourer les petits bonheurs de la vraie vie. Aller au parc avec mes enfants, aller voir un film en famille. »

 

La trépidante aventure Kaïn, lauréat de nombreux honneurs dont deux prix de la SOCAN, n’est pas pour autant terminée. Simple aparté, question de prendre un peu de recul. « Et je vivais une année de transition sur le plan personnel. Donc tout était en place pour que je me donne pleinement pour cet album-là. »

 

Pourquoi écrire ? Pourquoi la scène ? « Quand je ne le fais pas, je vire fou. C’est pour me tenir en santé mentale et physique, à flot. Si je ne fais pas ça, j’ai un gros manque dans ma vie. C’est très cliché de le dire, mais c’est très thérapeutique de faire de la musique, de chanter. Il n’y a rien qui me rende plus heureux que d’écrire une nouvelle chanson. Et ce phénomène est amplifié lorsqu’il y a un paquet de gens qui se collent derrière ta musique, qui nourrissent ce mouvement-là, ce bonheur-là.

 

« Et c’est ce qui me permet de ne jamais tenir pour acquis le métier que je fais. Je savoure chaque matin la place de la musique dans ma vie. Mon but, c’est d’en faire toute ma vie, peu importe les circonstances. D’en vivre ou d’en survivre, ça m’est complètement égal. Je pense qu’une journée dans ce métier-là, ça vaut une vie avec une sécurité. Le débat est réglé depuis longtemps dans ma tête. D’aussi loin que je me souvienne, c’est ça que je voulais faire. Les cartes sont brassées, c’est à moi de bien jouer. »

 

Actuellement en train de conclure sa tournée acoustique avec Marie-Luce Béland, pour laquelle il a écrit la majorité des pièces de l’album À l’envers, Steve Veilleux s’apprête à remonter sur scène, cet été, avec Kaïn. Le temps de renouer des liens et de faire la fête durant une dizaine de spectacles. Suivra, à compter de septembre, la tournée tirée de sa nouvelle production.

 

« Tant qu’à faire l’exercice, je veux aller jusqu’au bout. Je l’ai fait en studio, je l’ai fait en l’écrivant. Je veux le faire sur la route aussi, ça va de soi. Partir en tournée avec trois ou quatre autres gars complètement différents, avec leurs histoires, avec leur vécu. Cet album-là, j’en suis fier comme l’un de mes enfants. Je veux qu’il vive le plus longtemps possible. Je ne veux pas couper le gaz en dessous de cette fusée-là, peu importe le bout que le monde va décider qu’elle fera. »