Avec une récolte de sept trophées depuis deux ans aux Maple Blues Awards et d’un prix Juno en 2015 pour le meilleur album blues, Steve Hill, le guitariste québécois caracole au sommet du blues canadien d’un océan à l’autre. Et ce n’est que le début.

La raison de cette reconnaissance? Les quatre tomes autoproduits par Steve Hill intitulés Solo Recordings, Vol. 1, Vol. 1 ½ (EP), Vol. 2 et le Vol. 3 paru il y a quelques semaines, ce qui porte à neuf le nombre de disques publiés en vingt-cinq ans de carrière par l’épatant guitariste qui a trouvé son point de salut avec un inestimable filon exploité en solitaire.

« C’est ce que j’aime de la nouvelle réalité de l’industrie: la proximité avec le monde, tu développes un contact. »

« Avec la réalité de l’industrie qui est en changement, confie-t-il à Paroles et Musique, je ne pouvais plus me payer des musiciens. Il a fallu que je me réinvente. Avant d’être solo, j’étais endetté de 30,000 dollars. Quand je jouais au Club Soda, je posais moi-même les posters partout à Montréal avec mon bassiste. »

Et les ventes de disques n’étaient guère plus encourageantes. « Avant de créer No Label, mon étiquette, je gagnais un dollar et demi par copie après 40 000 copies vendues, avec ma dernière compagnie de disque, je faisais 40 cents par copie vendue. Aujourd’hui, je n’ai plus de gérant, plus de label et je sors du Québec! Quand je vais à Toronto ou dans l’Ouest canadien, mes albums sont en magasin (Outside Music est son distributeur, N.L.D.R.). La job est mieux faite par moi, affirme fièrement Hill, 20% de mes ventes sont en format digital, le reste c’est de la copie physique. »

Avec la reconnaissance médiatique, ici et ailleurs, et les prix et accolades accumulés, tout baigne pour Steve Hill: « Mes salles sont pleines. Après mes spectacles, je descends de la scène, je ne passe même pas par la loge et je vais directement à la table de produits dérivés (t-shirts, disques, posters) et je rencontre le monde pendant une heure, je prends des photos, je jase avec eux, je signe des guitares, des seins, n’importe quoi ! (éclats de rire) C’est ce que j’aime de la nouvelle réalité de l’industrie: la proximité avec le monde, tu développes un contact. Le monde m’écrit sur Facebook et je leur réponds rapidement. »

Steve Hill

Photo: Scott Doubt

Avec un tel succès, le guitariste donne 125 spectacles par année, le téléphone ne dérougit pas et les temps libres sont rares. « Récemment, je n’avais pas de spectacle pendant quelques jours, alors au lieu d’aller dans le sud, j’ai pris un break d’être frontman et j’ai été juste guitariste en acceptant de jouer en studio deux tounes avec (l’auteur-compositeur-interprète) Pépé et Marc Déry qui réalisait son disque, et ensuite je me suis pointé au Bistro à Jojo juste pour le plaisir de jammer. Quelques jours plus tard, poursuit-il, je faisais une session en studio pour Erik West Millette (Trainz), pis Kevin Parent était dans le studio d’à côté en train de travailler sur son prochain album. Il m’a invité à collaborer sur une chanson. J’aime ça jouer et c’est rare que je sois disponible pour ce genre de truc. »

Mais pour l’heure, Steve Hill, l’artiste, est un homme-orchestre. Il tient d’un pied la cadence sur une grosse caisse tandis que de l’autre, il tape au besoin un shaker, sorte de canette de fortune remplie de « p’tit change » enrubannée à son pied droit. Et pour compléter l’arsenal, une baguette de tambour est fixée au bout de son manche de guitare avec laquelle il frappe avec conviction un « high hat », ce jeu de cymbales superposées de toutes les batteries de l’univers.

Tout en multipliant des riffs de guitares hypnotisants, alternant entre blues rural, blues moderne, rock, country et folk. « Tout se joue en temps réel, aucun échantillonnage. Je vais vraiment à l’essence de qui je suis comme artiste », s’emballe celui qui se qualifie lui-même de « vraie guidoune de la guitare. J’en possède plus d’une trentaine, en plus de vingt amplis. »

Deux autres tournées canadiennes sont à l’agenda 2016 et Steve Hill étudie présentement des offres pour des concerts aux États-Unis, en Europe et au Brésil en 2017.

Rentrée montréalaise le 28 avril, au Club soda, Montréal.

 



Vingt ans après ses débuts modestes au Zest de la rue Bennett dans l’est de Montréal, le concours-vitrine Les Francouvertes est plus que jamais un incontournable. Si, à elle seule, la liste de ses gagnants passés a de quoi impressionner, c’est plutôt son impact sur l’ensemble de la scène musicale québécoise qui a consolidé sa réputation à travers les années.

Mercredi 13 avril 2016, 23 heures. L’excitation est palpable au Lion d’or à Montréal, au moment où la directrice des Francouvertes, Sylvie Courtemanche, s’apprête à dévoiler le nom des trois groupes qui croiseront le fer au Club Soda pour la grande finale de la 20e édition.

Au terme de cette troisième soirée de demi-finales, durant laquelle se succèdent les généreux prix distribués parmi l’ensemble des 21 participants, Mon Doux Saigneur, Caltâr-Bateau et La Famille Ouellette sont consacrés. Ils tenteront, par le fait même, de mettre la main sur le grand prix, incluant une bourse de 10 000$.

Francouvertes

Si la déception se lit sur plusieurs visages, l’euphorie transparaît sur les autres. « Ça fait quatre ans qu’on s’inscrit sans succès, et là, on s’en va en finale… Oui, je suis câlissement sur le cul ! », déclare spontanément Étienne Dupré, bassiste de Caltâr-Bateau. « Le plus drôle, c’est que je joue également de la batterie pour Mon Doux Saigneur… On peut dire que ça s’annonce comme une grosse soirée ! »

« C’est l’fun de voir qu’il y a un bon feedback comme ça », indique, plus calme, Émerik St-Cyr, leader de Mon Doux Saigneur. « Ça me montre que je suis peut-être pas fou et qu’une passion, ça peut être un moyen de survivance bien légitime. »

Évitant de justesse la finale avec son groupe Fudge, David Bujold est quelque peu déçu. « J’trouve ça torturant de savoir que j’ai fini quatrième », confie-t-il. « Ça a passé tellement proche… »

Loin de sortir perdant du concours, le chanteur et guitariste repart tout de même avec quelques prix, notamment une bourse de 1000$ offerte par la SOCAN pour sa chanson Ju. « Ça fait une couple de concours que je fais, et le prix de la chanson primée m’a toujours paru un peu inatteignable… Malgré la défaite, ça reste donc une bonne soirée », dit-il.

À quelques centimètres de lui, les six membres de La Famille Ouellette ont de la difficulté à contenir leurs émotions. « On s’attendait VRAIMENT PAS à ça », admet J-S Houle, claviériste et chanteur de la formation. « Le premier show qu’on a fait tous ensemble, c’était aux préliminaires. Les Francouvertes, ça a été notre raison pour sortir de l’ombre et enfin se partir un projet à nous, entre amis. »

Histoires de coups de foudre

Huit ans auparavant, le trio électropop La Patère rose  avait également donné son premier spectacle à vie lors des préliminaires des Francouvertes. Quelques semaines plus tard, il remportait la 12e finale du concours.

Fondateur et directeur de l’étiquette Grosse Boîte, Éli Bissonnette était membre du jury lors de cette soirée. « C’était la première fois que je les voyais sur scène, et j’ai pogné une grosse grosse claque. Le lendemain, je leur ai écrit pour les féliciter, puis pas longtemps après, on les a signés », se souvient-il. « On ne vient pas nécessairement aux Francouvertes avec l’intention de signer quelqu’un, mais on n’est jamais à l’abri d’un coup de cœur. Ça a été la même chose avec Émile Bilodeau l’an dernier. »

Francouvertes Loco Locass

Le 7 février 2000, une situation similaire s’est produite. Le trio rap Loco Locass remportait les honneurs au terme d’une finale maintenant mythique qui l’opposait notamment aux Cowboys fringants. « On n’avait même pas 10 shows à notre actif quand on a gagné le concours. C’est vraiment là qu’on a appris à chauffer une foule », se souvient Chafiik. « On savait que les Cowboys avaient toute une énergie, donc on a tout fait pour repousser nos limites en finale. »

Dans le jury se trouvait notamment Patrice Duchesne, alors directeur artistique chez Audiogram. « Pour un groupe qui n’avait presque pas fait de scène comme nous, Les Francouvertes, ça a été une école en accéléré », relate Batlam. « Ça a été la rampe de lancement pour notre disque et, par la bande, le coup d’envoi de Loco puisque Audiogram a ressorti notre album en magasin quelques mois après. »

Plus récemment, le directeur disques de l’étiquette Spectra Musique François Bissoondoyal a, lui aussi, fait une belle découverte. « Les Francouvertes ont beaucoup contribué à la signature de Philippe Brach », admet-il. « Ça faisait un bout qu’on le suivait de près, mais disons que ça a aidé de le voir dans un cadre optimal, dans une salle spacieuse avec un bon son et un public attentif. »

Il n’y a évidemment pas que les victoires qui soient significatives aux Francouvertes. L’an dernier, Eric Harvey, gérant d’artiste chez Ambiances Ambiguës et fondateur de l’étiquette Duprince, y a repéré la chanteuse Rosie Valland, qui a pourtant été écartée de la grande finale. « J’avais déjà écouté son premier EP, mais c’est vraiment quand j’ai vu sa profondeur sur scène en demi-finales que j’ai décidé de l’approcher », raconte-t-il. « En septembre 2015, on a profité de la sortie de son album pour lancer officiellement Duprince. »

Au-delà de l’étiquette

Fort de sa deuxième place en 2002, le groupe rock Karkwa a également profité de sa «défaite» aux Francouvertes. Impliquée dans le concours depuis 1996, la directrice Sylvie Courtemanche se rappelle de cette édition, qui a finalement consacré le défunt groupe reggae Kulcha Connection. « Louis-Jean Cormier m’a avoué, plus tard, que c’était la meilleure chose qui soit arrivée à Karkwa. La deuxième place leur a soi-disant botté le cul pour aller plus loin », raconte celle qui a repris les rênes de l’évènement en 2005, lors de son déménagement du Zest au Lion d’or. « Gagner Les Francouvertes quand ce n’est pas le bon moment, ça peut aussi te nuire. »

Karim Ouellet

Karim Ouellet, lui aussi, a terminé deuxième aux Francouvertes. Déjà signé sous une étiquette lors de sa participation en 2011 (chose qui n’est maintenant plus possible depuis la nouvelle règlementation), le chanteur  n’avait pas d’objectifs précis en tête.

« C’est mon gérant qui m’a parlé pour la première fois des Francouvertes. Je venais de faire paraître un disque, et on cherchait un moyen de faire de la promo », explique l’artiste signé sous Coyote Records. « L’affaire, c’est que j’avais déjà fait Granby et que je n’avais pas vraiment envie de refaire un autre concours… Mais rapidement, j’ai compris que Les Francouvertes, c’était plus intéressant, notamment parce que c’est un concours à l’affut de ce qui se passe sur la scène locale. »

Signé sous Grosse Boîte, Bernard Adamus était dans la même situation un an auparavant. Avec un disque en poche, Brun, le chanteur a profité de son passage au concours pour prendre de l’expérience sur scène. « Tout ce que je recherchais, c’était de l’assurance et de la crédibilité. J’avais un rush d’adrénaline chaque fois que je montais sur scène », se remémore-t-il. « Je me rappelle que c’était un feeling spécial parce que je connaissais la moitié des bands Bernard Adamusavec qui je jouais. Je les avais croisés, à un moment ou à un autre, au Quai des brumes ou à L’Inspecteur Épingle. »

S’il est vrai qu’un certain microcosme folk local alimente le concours depuis bon nombre d’années, on peut voir quelques changements se profiler à l’horizon.

Cette année, par exemple, plusieurs finalistes (notamment Ponteix, Cy, Simon Daniel et McLean) provenaient de diverses régions hors Québec. « C’est peut-être l’effet Hay Babies », avance Sylvie Courtemanche, à propos de ce groupe acadien qui a remporté l’édition 2013. « Ça arrive souvent qu’un groupe influence les cohortes suivantes. Pendant plusieurs années, on recevait beaucoup de démos fortement influencées par Karkwa ou Les sœurs Boulay. »

Loin du son de ces artistes, les trois finalistes actuels (tous montréalais) amènent un vent de fraîcheur à l’évènement, ne serait-ce que par l’ampleur de leur orchestration et l’audace de leurs mélanges musicaux.

« C’est vraiment particulier cette année, constate Sylvie Courtemanche. On a affaire à des gros bands avec des arrangements beaucoup moins dépouillés que l’année passée… Disons que ça commence à coûter cher de coupons de bière !

Grande finale des Francouvertes
Club Soda, 9 mai

 



Jessy Fuchs ne pense pas comme les autres, et ça ne date pas d’hier. Fondateur de l’étiquette indépendante Slam Disques, directeur artistique, réalisateur de clips, leader du duo punk rock Rouge Pompier et bassiste / compositeur pour le défunt group eXterio, l’homme à tout faire n’avait que 16 ans lorsqu’il s’est inscrit à la SOCAN. C’était au milieu des années 90, époque où il avait surpris tout le monde lors d’un atelier organisé par la SOCAN sur l’art de la composition.

« Les panélistes expliquaient les secrets derrière une bonne chanson », se souvient Jessy Fuchs (prononcez «fuche»). « J’étais assis sur ma chaise et j’étais fâché par ce que j’entendais. Pour composer une bonne chanson, il fallait faire ceci, il fallait faire cela. À la fin, il y avait un micro pour permettre au public de poser des questions. J’y suis allé. J’ai dit que j’avais 17 ans et que je n’étais vraiment pas d’accord avec eux. Tout le monde s’est retourné vers moi. J’ai expliqué qu’ils étaient en train de faire un moule, de donner une recette qui coupait toute créativité. Qu’à mon avis, il existait autant de bonnes manières d’écrire une grande chanson qu’il existait de grandes chansons. Les gens dans la foule ont applaudi. Je suis retourné m’assoir, et j’ai réalisé que j’aimais ça. Que j’étais bon là-dedans: brasser de la marde! »

« Les acteurs de la scène musicale ont tendance à ne pas trop s’exprimer publiquement. Personne ne veut déplaire au risque de perdre ses appuis. Ça devient politique. »

Dix-huit ans plus tard, le musicien est souvent appelé à donner son opinion sur différents enjeux liés à l’industrie du disque. Certaines de ses chroniques ont été publiées par le Huffington Post, tandis qu’on l’invite fréquemment à l’émission Catherine et Laurent diffusée simultanément sur les ondes de la radio communautaire CIBL et la station de télé communautaire MATV. Il a critiqué l’ADISQ qui, selon lui, sert les producteurs de disques au détriment des artistes. Il a reproché aux musiciens de ne pas être capables de se vendre en entrevue. Les sujets sont multiples, les coups de gueule livrés avec aplomb.  « Les gens aiment que je sois à la fois musicien, gars de label et que je n’ai pas la langue dans ma poche. C’est rare. Les acteurs de la scène musicale ont tendance à ne pas trop s’exprimer publiquement. Personne ne veut déplaire au risque de perdre ses appuis. Ça devient politique. »

Et c’est vrai? Peut-on perdre gros en critiquant ses pairs? « Il n’y a rien de dramatique dans la prise de position. Il y a tellement d’avis qui sont donnés un peu partout. J’ai compris qu’avec le temps, les choses se tassent, et les gens finissent toujours par passer à autre chose. » Selon Jessy, personne ne devrait être gêné de défendre son point de vue.

« On ne pourra jamais plaire à tout le monde, et c’est aussi vrai pour les artistes qui lancent des disques. Peu importe qu’ils évoluent dans la pop ou le rock, trop de musiciens font des compromis pour plaire à un paquet de monde. Lorsque je suis réalisateur ou directeur artistique sur des albums de Slam Disques, je préviens toujours les groupes avant de donner mon avis. Je leur dis que mon opinion ne doit pas compter davantage que celui de leur blonde ou de leurs amis. Je leur dis aussi qu’au final, je leur laisserai toujours prendre les décisions parce que si je les ai mis sous contrat, c’est parce que j’ai confiance en eux. Que je suis prêt à assumer leurs choix. Si je les aimais pas, j’avais juste à pas les signer. »

Vivre avec 12 000$ par année

Rouge Pompier

Rouge Pompier (Photo : Jean-François Lemire)

Fondé en 2002, Slam Disques (O Linea, Athena, Couturier, Jeffrey Piton, Les Conards à l’Orange) célèbrera ses 15 ans l’an prochain. Un exploit si l’on considère le marché de niche convoité par l’entreprise: les ados fans de punk rock francophone. Suffit d’analyser les chiffres de ventes pour réaliser que la grande majorité des parutions de Slam Disques ne s’écoulent à guerre plus de 500 ou 600 exemplaires. Seule exception, eXterio a vendu près de 30 000 albums, mais c’était il y a huit ans. « Notre secret? C’est cinq employés passionnés qui travaillent pour un salaire que j’aimerais plus élevé, une stagiaire bénévole, et moi – qui jusqu’à tout récemment, travaillais 120 heures par semaine pour zéro dollar. Sauf pour acheter une voiture il y a deux ans, je ne me suis jamais versé de salaire pour mon travail chez Slam Disques. »

Vivant avec 12 000$ par année qu’il recevait en droit d’auteur pour les chansons d’eXterio (dont le succès Whippet), de Rouge Pompier et quelques autres collaborations, notamment avec Les Chick’n Swell, Jessy a fait des sacrifices. « J’ai pas de famille, j’ai pas vraiment de dépenses. Toutes les sommes reçues pour les 108 vidéoclips que j’ai filmés, réalisés, montés et scénarisés se sont retrouvées dans les poches du label, pas dans les miennes. La marchandise d’eXterio et celle du premier disque de Rouge Pompier a été payée par le label, et les profits sont revenus au label. Pour moi, la réussite n’est pas liée à la quantité d’argent que je peux faire, mais au nombre de projets que j’ai réussi à bien mener. »

Cet acharnement caractérise aussi son travail de compositeur. Pour Chevy Chase, le nouvel album de Rouge Pompier paru le mois dernier, Jessy et le batteur Alexandre Portelance ont produit 145 maquettes, dont 45 ont été enregistrées puis soumises aux fans pour qu’ils décident les 13 pièces immortalisées sur le disque. « Je ne veux rien savoir des groupes qui écrivent 12 chansons pour faire un disque de 12 chansons. Si tu penses que tout ce que tu écris est bon, on est dans marde. En composant 145 tounes, je n’avais aucune limite et j’allais dans toutes les directions possibles sans me censurer: des chansons sombres, des chansons connes, des engagées, des plus pop… Après, les fans ont choisi les meilleurs. »

 

Une bonne chanson, la base

L’une des compositions sélectionnées par les fans, Ta peau tu la brûles, exprime parfaitement la philosophie derrière la carrière de Jessy. « J’y explique qu’on est le seul responsable de notre sort. Y’a personne de plus grand qu’toi pour te pendre. J’ai commencé à produire des concerts et des disques parce que je voulais travailler dans le milieu de la musique. Ado, je savais que je n’étais pas plus intelligent que les autres, mais je savais qu’en travaillant comme un défoncé, j’y arriverais. Hier, j’étais invité dans une classe de cinquième année primaire pour expliquer aux jeunes comment j’avais réussi à vivre de ma passion. À chaque fois, je livre le même message. Tu veux devenir astronaute? Parfait! N’écoute pas les gens qui vont te dire « pourquoi ». Écoute les gens qui vont te dire « pourquoi pas ». Ce sont eux qui t’aideront à réaliser tes rêves. »

D’ici trois ou quatre ans, ces jeunes seront justement le public cible de Slam Disques, un marché qu’on dit peu attiré par la musique francophone et encore moins enclin à payer pour sa musique. « Pour ce qui est de la musique francophone, c’est faux. Les jeunes écoutent de tout. Si la toune est bonne, elle peut être en français, en anglais ou en portugais, ça ne les dérange pas. Par contre, c’est vrai que payer pour la musique ne fait partie de leur réalité. Pour eux, toutes les chansons du monde sont accessibles gratuitement sur YouTube. C’est là que ça se passe. Ma job est de m’assurer qu’ils trouveront facilement les chansons de mes artistes et qu’ils aient ensuite le goût de les voir en show, peut-être d’acheter un t-shirt. »

Et pour le réalisateur de clip, une simple vidéo des paroles (les populaires lyric videos) ne suffit pas. « Rouge Pompier a lancé des vidéoclips pour toutes les chansons de son premier disque, Kevin Bacon. Pour le premier extrait de Chevy Chase, Autobus, on a sorti une vidéo des paroles et un vidéoclip traditionnel. Parce que si tu sors juste une vidéo des paroles, tu passes dans le beurre. En 2016, sur Internet, il faut que tu répètes plusieurs fois le même geste promotionnel pour obtenir un impact. Surtout qu’un vrai bon clip inventif se partage toujours davantage sur les réseaux sociaux. »

D’ailleurs, s’il y a bien quelque chose que Jessy a appris en 20 ans de métier, « c’est que t’as beau avoir le meilleur plan de promo possible, si t’as pas un bon disque avec des bonnes tounes, ça ne marchera pas. Tout part de là, du compositeur. Avant, j’étais persuadé que j’arriverais à trouver des stratégies de marketing infaillibles. Fuck la stratégie, compose des bonnes chansons et ça va bien aller. T’as beau avoir le meilleur plan de promo au monde, si le disque est poche, le disque est poche. »

Rouge Pompier sera au Club Soda, à Montréal, le 22 avril 2016
Avec Kamikazi, Les Connards à l’Orange, Athena et Noé Talbot