TiKA the Creator (alias TiKA Simone) avoue avoir beaucoup de difficulté à parler de ses sentiments. Elle préfère donc les exprimer en chanson.

L’artiste R&B torontoise a commencé à écrire de la musique à l’âge de 14 ans, malgré qu’on ne l’encourageait pas du tout à aller dans cette direction — un juge dans un concours de talent au secondaire lui a déjà dit que « chanter ça n’est pas pour toi » —, et c’est toujours demeuré un aspect central de sa vie. Au fil des ans, Simone a toujours encouragé la bouillante scène musicale de sa ville notamment en étant curatrice et promotrice. Mais lorsqu’elle a souffert de dépression, son amour de la musique a pris une autre forme.

« La musique est devenue un véhicule pour apprendre à décrire ma détresse, ma déréalisation, ma dépression et la maladie mentale en général », confie-t-elle. « Je trouve cela plus facile de chanter ma douleur dans un langage que tout le monde comprend, par opposition à mal me faire comprendre dans une conversation. »

Pour Simone, qui pratique également la médiation lorsqu’elle enregistre, ce processus cathartique c’est le « free flow ». Il en résulte que ses mélodies se manifestent fréquemment de manière très aérienne et lumineuse et il en émane une sensibilité positive. Elle ne se cache pas de ses expériences pénibles, mais en parle avec légèreté et en soulageant les auditeurs comme un baume dans ce monde parfois accablant. Tout ça lui a permis, jusqu’à maintenant, d’assurer les premières parties de John Legend, Ne-Yo et SonReal. Elle partira par ailleurs bientôt en tournée en Europe.

« La musique est puissante », dit Simone. « En tant qu’individu, je m’efforce de vivre dans la lumière, car il y a simplement trop de fois où j’aurais pu mourir, mais je ne l’ai pas fait… C’est important d’être authentique, mais c’est également important de regarder au-delà de ce que je connais et de mes pathologies. J’espère que les auditeurs trouveront la paix à l’intérieur d’eux-mêmes. »

En plus de sa tournée, Simone souhaite lancer cette année un premier album complet accompagné d’un court métrage. « Il y a plein de trucs que je n’ai jamais fait que je suis sur le point de faire pour la première fois », explique-t-elle visiblement excitée.



La dépression fait mal. Elle se tapit. Elle attend. Souvent, elle s’immisce subrepticement et se manifeste dans toute sa noirceur lorsqu’on s’y attend le moins. C’est précisément ce qui s’est produit pour le populaire auteur-compositeur-interprète country canadien Tebey (alias Tebey Ottoh). Bien qu’il ait lutté contre la dépression et l’anxiété d’aussi loin qu’il se souvienne, un de ces épisodes inattendus l’a submergé il y a quelques années et ne voulait plus lâcher prise.

« L’industrie de la musique était en train d’avoir le meilleur de moi », confie Tebey. « C’est une industrie dure et qui use. La quantité de “bullshit” que je devais gérer quotidiennement était phénoménale. Puis, en vieillissant, j’ai parfois moins de tolérance envers la BS. J’ai frappé un mur. Je ne me sentais pas créatif et je n’avais plus envie de créer de la musique. »

Tebey s’est ouvert publiquement au sujet de sa maladie mentale et il a écrit une lettre pour Bell dans le cadre de sa campagne Cause pour la cause. « Je veux être honnête avec les gens », dit-il.

Parfois, la création musicale aide les artistes dans leur guérison. Pas cette fois-ci. Pas pour Tebey, du moins pas initialement. Le soutien de sa femme et une sabbatique avec sa famille durant laquelle ils ont visité l’Asie (Corée du Sud, Thaïlande et Tokyo) ont permis à l’auteur-compositeur le repos nécessaire pour retrouver l’état d’esprit qui allait permettre à sa muse de revenir. Il admet néanmoins qu’il a été privilégié de pouvoir décrocher sans avoir à s’inquiéter de ses finances après le succès de « Somebody Else Will », qu’il a coécrite avec l’artiste country américain Justin Moore et qui a atteint le commet du Billboard en 2017, devenant ainsi son premier numéro en tant qu’auteur-compositeur aux États-Unis.

Nous avons rejoint Tebey à Toronto le jour du lancement de son nouveau EP de six chansons intitulé Love a Girl coréalisé en compagnie de Danick Dupelle (Emerson Drive), son « cocapitaine » qui l’a aidé à sortir des sentiers battus et à orienter ses chansons dans une nouvelle direction. C’est le quatrième enregistrement de Tebey dans la foulée d’une longue période de production d’albums pour d’autres artistes, d’écriture et de coécriture de succès pour une palette d’artistes très diversifiée, de la pop au country, dont notamment One Direction, Cher, Fifth Harmony et Big & Rich.

Le premier extrait de Love a Girl, « Denim on Denim », coécrit en compagnie de la membre SOCAN Kelly Archer et l’auteur-compositeur américain Nathan Spicer, est une pièce aux accents country qui, au moment de notre entrevue, commençait déjà son ascension dans les palmarès. Les cinq autres pièces sont autant d’exemples du talent de Tebey à fusionner pop et country. « Nous avons pris des risques sur ce disque », affirme l’artiste. « Je crois qu’on a réussi. »

« Prenez la pièce titre, “Love a Girl”. Les paroles sont country à 100 %, mais au niveau de la production, on est ailleurs complètement. Je pense que cette pièce est le plus loin dans le royaume de la pop que nous ayons jamais été », affirme Tebey. « Les frontières sont de plus en plus floues particulièrement avec les “fans” de country. Ils écoutent Chris Stapleton et passent sans la moindre hésitation au dernier de Drake ! Je me promène sur les terrains de camping lors de festivals comme Boots and Hearts et j’écoute leurs “playlists”. »

« Who’s Gonna Love You », que Tebey a écrite pour son épouse, est une autre des chansons du disque qui, au moment de notre entrevue, est pressentie pour avoir une belle carrière radiophonique. Des paroles comme celles-ci parleront sans aucun doute aux auditeurs :

I’ve been known to steal a couple of curly fries from her side of the table on a date (Il m’est arrivé de lui voler quelques frites lors d’un rencart)
I’ve been known to flip the finger to the guy driving slow over in the fast lane (J’ai déjà fait un doigt d’honneur au gars qui roulait lentement dans la voie de dépassement)
And when I steal the covers on the bed, or lose a twenty on a stupid bet (Et lorsque je tire toutes les couvertures de mon côté du lit ou perds un vingt dans un pari stupide)
She shakes her head, smiles at me and says, who’s gonna love you if I don’t? (Elle secoue la tête, sourit et me dit, qui va t’aimer si ce n’est pas moi)

« Je parle de toutes les conneries que je fais jour après jour et qui la rendent dingue », confie Tebey. « Je suis convaincu qu’en entendant ces paroles, les gens sourient et se disent “c’est exactement moi ! ». »

Lorsque vient le temps d’écrire des paroles qui collent dans l’esprit des auditeurs, il croit qu’une mélodie mémorable demeure la clé d’une grande chanson. « Ça ne changera jamais », croit Tebey. « La production, ce qui est “hot” en ce moment change constamment, mais une mélodie classique, non… Elles sont éternelles. Pensez à une chanson comme “I Want It That Way” des Backstreet Boys, ou des classiques de Journey. Ce sont des mélodies qui ne se démoderont jamais. Il n’y a rien de mal à utiliser les sons à la mode et les méthodes de production dernier cri pour demeurer à jour, mais la mélodie est reine. »

Tebey admet volontiers être un auteur-compositeur mélodique. Ces dernières lui viennent naturellement, mais également de manière très méticuleuse. « Il faut parfois que j’y travaille longuement afin d’en trouver une », explique-t-il. « Faut dire que je ne me contente pas de demi-mesures. Je me dois d’explorer chaque option d’une mélodie avant de pouvoir me dire “elle ne peut pas être mieux que ça”. C’est un truc que les jeunes auteurs-compositeurs ne font pas. Ils se contentent de demi-mesures sans même s’en rendre compte. Il y a une grosse différence entre une bonne mélodie et une mélodie inoubliable. »

Lorsqu’on lui demande s’il y a des mélodies inoubliables sur son nouvel EP, Tebey éclate de rire et dit « on ne peut pas frapper un coup de circuit à chaque présence au bâton ! »

Les trois conseils de Tebey pour la co-création

  • « Collaborez avec des gens qui n’écrivent pas dans le même style ou le même genre que vous ; la diversité est bénéfique. »
  • « Collaborez avec des gens avec qui vous aimez travailler et écrivez avec des gens qui vous mettent au défi. C’est très important. J’aime travailler avec des gens qui sont de meilleurs auteurs-compositeurs et plus populaires que moi. On peut toujours apprendre. J’apprends sans arrêt. »
  • « Chaque session est différente. Plus on écrit avec quelqu’un, plus on comprend leur processus. Mais il n’a toujours aucune formule magique. Il faut continuer à peaufiner son art et à être 10 % meilleur que les autres en tout temps… C’est mon objectif. »

Lorsqu’il est question de son art, Ashley Gorley, de Nashville, est le héros de Tebey au chapitre de la création musicale, mais c’est Max Martin qui demeure le jalon ultime, celui qui frappe plus de coups de circuit que tout le monde. « C’est le plus grand auteur-compositeur pop de tous les temps. » [Martin est un auteur-compositeur suédois qui a gagné le Prix ASCAP de l’Auteur-compositeur de l’année à 10 reprises, un record, et qui arrive en troisième position derrière Paul McCartney et John Lennon pour le plus grand nombre de Nos 1 dans les palmarès Billboard. Il a écrit ou coécrit des succès pour Taylor Swift, Katy Perry et Pink, pour ne nommer que celles-là.]

Mais peu importe les simples au palmarès et les ventes, pour Tebey, le succès d’une chanson tient de la manière dont elle touche l’auditoire. « C’est lorsque les gens dépensent leur argent durement gagné pour télécharger votre chanson que vous savez que vous les avez touchés », croit-il. « Certains Nos 1 ne touchent pas nécessairement les “fans”, même si ce sont d’immenses succès radio. Je veux écrire des chansons qui touchent les gens. C’est un coup de dés, par contre. On ne sait jamais ce qui va devenir un “hit”. Il n’y a pas de formule magique. Écrivez la meilleure chanson possible et fiez-vous à vos tripes. »

L’autre clé est l’honnêteté. « C’est ce qui est important. En tant qu’auteur, et pour tous les auteurs-compositeurs en devenir qui liront ceci, mon meilleur conseil est de demeurer vous-mêmes. On ne peut pas être quelqu’un d’autre : les meilleurs groupes, artistes, auteurs-compositeurs, etc., font ce qu’ils font le mieux, pas ce que quelqu’un d’autre fait le mieux. »

Outre la création musicale, ce que Tebey fait le mieux, c’est d’aider les autres à affronter leurs démons. Né à Peterborough et désormais établi à Nashville, la vedette country rentrera bientôt chez lui à la fin du mois pour un tournoi de golf caritatif qu’il a mis sur pied l’an dernier et qui devrait amasser environ 25 000 $ pour des projets en santé mentale par le biais de la Fondation Your Family Health Team des Greater Peterborough Health Services. « C’est une cause qui me tient vraiment à cœur », dit-il.



Les Hôtesses d’Hilaire se moquent des ego fragiles et/ou disproportionnés peuplant l’écosystème musical dans Viens avec moi, un opéra rock conjuguant prog rock, champignons magiques et Lucien Francoeur.  

En 2003, Wilfred LeBouthillier est couronné grand gagnant de la première édition de Star Académie. La semaine dernière, Serge Brideau, hirsute gros nounours à la tête des Hôtesses d’Hilaire, soupait en compagnie du deuxième interprète le plus célèbre de La ballade de Jean Batailleur. « C’est un des premiers qui a écouté l’album, parce que je voulais qu’il comprenne que je ne l’insultais pas », explique le chanteur, au sujet de celui avec qui il a jadis occupé les bancs de la polyvalente W.-Arthur-Losier de Tracadie, au Nouveau-Brunswick.

Mais pourquoi Wilfred aurait-il pu être insulté par Viens avec moi ? Parce que l’opéra rock en question croise les trajectoires d’une version fictionnelle de Serge Brideau, héros de l’émergence éternelle cédant peu à peu à l’appel de l’ego et de la coco, et celle de Kevin, mignon blanc-bec rêvant plus que tout d’exhiber ses cordes vocales le dimanche soir à la télé. Vous aurez compris que Wilfred et Kevin ont en apparence beaucoup en commun, à l’exception près que Wilfred n’a pas, à ce qu’on sache, la réputation d’affectionner les champignons magiques (on y reviendra).

Alors qu’à peu près tout le monde a cessé d’assimiler à un péché digne du bûcher la participation d’un artiste à une téléréalité chantée, voici donc les Hôtesses d’Hilaire qui imaginent un carnavalesque opéra rock de plus de 80 minutes autour de la notion d’authenticité. Vendre son âme, ça veut dire quoi, à l’heure où tout le monde vend déjà son image à rabais sur les réseaux sociaux ?

« L’ironie dans tout ça, c’est que je n’avais jamais tellement écouté La Voix avant », confie Serge Brideau au bout du fil, depuis la résidence de sa gérante, au bord de la rivière Petitcodiac. « Il a fallu que je me force, parce que je voulais m’imprégner de la philosophie de l’émission et voir ce qui vient chercher les millions de gens qui regardent ça chaque semaine. C’est fascinant comment à chaque fois que quelqu’un pousse une note, la foule vient hystérique. Pour moi, c’est pas ça chanter. Tu chantes parce qu’il y a des mots qui te touchent. C’est pas une compétition de culturisme. »

La grotesque caricature des Hôtesses d’Hilaire, alliant prog rock, théâtre et pastiches de chansons pop, demeurerait plutôt convenue si le groupe ne tournait pas également en ridicule un underground se plaisant à magnifier la déchéance, tel qu’incarnée par le personnage de Serge, qui sombrera dans les abysses de la glorification de soi et de l’ébriété ininterrompue. « Je ne juge personne, han, surtout pas ceux qui vont à La Voix, jure le vrai Serge. Je sais qu’en musique, tout le monde est en mode survie. Tout le monde prend des chemins différents pour arriver au même but, qui est de vivre de ta musique. C’est beau dire « Je suis intègre », mais si tu vis encore chez tes parents ou sur le dos de ta blonde, ça vaut pas grand-chose. »

De l’art de ne pas essayer fort

« Des fois, c’est quand t’essayes pas trop fort que ça marche… C’est fucké pareil, la vie, hein? », annonce à Kevin, dans les loges du Centre Bell, un Lucien Francoeur devenu prophète, avant de le propulser sur la route sinueuse, mais révélatrice des drogues psychédéliques, qui lui permettront de s’émanciper de la prison du formatage.

Serge Brideau raconte. « On a fait la première partie d’Aut’Chose et Lucien m’avait vraiment dit ça en me parlant du Rap à Billy. « Écoute mon Serge, j’ai travaillé comme un chien depuis les années 70 sur mes tounes, pour rien, pis j’ai écrit le Rap à Billy sur le coin d’une table en dix minutes pis c’est ça qui m’a mis sur la mappe. »

Si la drogue entraînera un des protagonistes de Viens avec moi vers le proverbial fond du baril, elle permettra aussi au gentillet rossignol Kevin d’ouvrir ses perspectives. « Les drogues psychédéliques, les champignons et le LSD, ça va te faire voir des choses que tu ne veux peut-être pas voir. Tandis que les amphétamines, la cocaïne, ce sont des drogues qui te font oublier et qui te donnent une confiance qui n’est pas toujours méritée. Les deux drogues dans l’histoire sont importantes, parce que celui qui microdose des shrooms, il a une espèce d’éveil, alors que celui qui fait de la poudre s’autodétruit. »

Bien qu’il ne fréquente (heureusement pas) les mêmes extrémités que son alter ego, Serge se dit parfois usé de la route qui ne finit jamais. Pourquoi alors continuer ? « Parce que j’aime ça être sur le stage avec les boys. Je pense souvent au Blues du businessman et ça aurait pu être moi ça, l’ambulancier de 50 ans saoul dans un party qui gratte sa guitare et qui est rendu pathétique. J’aurais passé à côté de cette vie-ci. »

Le double de Serge, lui, connaîtra une rédemption digne d’un magazine à potins lorsqu’il sera avalé en fin de course par la maudite machine du télé-crochet Pousse ta note, où il deviendra juge et entonnera l’hymne à la tempérance Obstacle émotionnel (chanson pissante dont les paroles semblent avoir été produites par une générateur automatique de texte de Roger Tabra, sur une musique digne d’un Pag au bout du rouleau).

Tout le monde serait donc achetable ? « Oui ! Les musiciens qui finissent pas être coach à La Voix, ils ont leur prix. Je ne sais pas combien ils sont payés, mais ils ne font certainement pas ça par passion pour l’émission. Ils finissent par vieillir et leurs priorités changent. C’est normal que tu prennes des décisions de même quand t’as dédié des années à faire quelque chose de pas si lucratif et que tu t’aperçois que tu vieillis. Je ne juge pas ça du tout. C’est facile pour moi de dire que je suis pas achetable ; je n’ai jamais reçu de propositions qui m’ont fait réfléchir. Et puis tsé, j’aimerais ça que La Voix invite les Hôtesses. Mais faudrait que ce soit en direct par exemple ! Ce serait ça ma condition. J’irais pour pas cher, mais faudrait que ce soit en direct. » Quelqu’un connaît le numéro de téléphone de Charles Lafortune ?

Les Hôtesses d’Hilaire assureront la première partie de Galaxie aux Francos le 14 juin et présenteront leur opéra-rock à Coup de cœur francophone le 1 novembre, à Montréal.