Mallory Johnson a toujours su ce qu’elle veut, tout était une question de savoir quand elle y arriverait. Quand on lui demande s’il y a un moment où elle a réalisé qu’elle voulait devenir musicienne, la Terre-Neuvienne affirme ne pas pouvoir trouver un moment précis. « Je ne me souviens pas d’un moment de ma vie où je ne le savais pas », affirme-t-elle avec confiance. « Ç’a juste toujours été une chose sûre. »
Issue d’une famille très musicale — « presque impossible de trouver une tante, un oncle ou un cousin qui ne joue pas d’un instrument » — elle a grandi au son des mélodies de Dolly Parton et Loretta Lynn. À 11 ans, elle signait sa première co-création au sein du groupe familial, The Cormiers.
Dès ce moment, son curriculum vitae n’a cessé de se bonifier : plus jeune interprète de l’hymne national au Air Canada Centre de Toronto, tournée mondiale en compagnie de The Cormiers, et lauréate du prix Spotlight Performance de l’Association de la musique country canadienne en 2017.
Comme bon nombre d’auteurs-compositeurs et d’interprètes du country, Johnson savait quel était son objectif : s’établir à Nashville pour collaborer avec les plus grands noms du domaine. Après un bref séjour à Toronto, Johnson s’est donc installée aux États-Unis : « Nashville est un plus gros bassin », dit-elle comparativement à ses origines. « Les auteurs sont là, les maisons d’édition sont là, les maisons de disques sont là. Il ne s’agit pas de savoir si la bonne personne va vous entendre, mais quand. »
En effet, les opportunités se sont manifestées. Elle a assuré les premières parties d’artistes tels que Rascal Flatts, Blake Shelton et Carolyn Dawn Johnson. L’an dernier, elle a lancé son premier EP éponyme qui propose moult solos de guitare entraînants, des histoires touchantes et des mélodies accrocheuses – qui servent de canevas pour sa voix puissante dont elle est en plein contrôle et qui est au centre de chaque pièce.
Elle lancera de nouvelles musiques cet automne, preuve que Johnson a su se faire entendre des bonnes personnes dans l’industrie de la musique de Nashville. Au tour du reste de monde, maintenant.
Alex Cuba : à la poursuite du sublime
Article par Kerry Doole | mardi 8 octobre 2019
Les chansons sur le nouvel album d’Alex Cuba intitulé à juste titre Sublime ont été créées dans la chaleur du Mexique et la froideur du nord de la Colombie-Britannique, où il habite. Lors de son récent passage à Toronto pour promouvoir son album, l’auteur-compositeur-interprète et polyinstrumentiste lauréat de prix JUNO, Latin Grammy et SOCAN nous expliquait que « l’inspiration pour cet album m’est venue lors d’un de mes voyages d’écriture au Mexique.
« J’ai trouvé un bon public là-bas et j’ai également un contrat d’édition avec Universal », explique Cuba. « Le service A&R de Universal Music Publishing Mexico fait du bon travail et me met en contact avec des gens très talentueux. J’ai commencé à écrire des chansons là-bas et j’y suis très inspiré. Quelques-unes de ces chansons écrites il y a environ 18 mois se sont retrouvées sur l’album. »
Son processus d’écriture s’est également poursuivi chez lui, à Smithers, Colombie-Britannique. “« Je m’enfermais dans mon garage/studio, dans le froid, jusqu’à 3 h du matin », dit-il. « Le studio est équipé d’une fournaise au gaz, mais elle est parfois trop bruyante, alors j’utilise une petite chaufferette électrique. C’est très frisquet malgré tout ! »
« J’aime ce moment de création quand je suis seul avec ma guitare. J’ai été musicien pendant très longtemps avant de devenir un chanteur et un auteur-compositeur, et je remercie Dieu d’entendre immédiatement les arrangements quand j’écris une chanson. Je me rends ensuite directement en studio pour l’enregistrer. C’est ce que j’appelle le moment de vérité. C’est très important pour moi que la musique n’a pas l’air sur-produite ou surarrangée. »
Le matériel que l’on entend sur Sublime est intime et chaleureux, et c’est précisément cette ambiance que Cuba recherchait. “« Je savais depuis le début, quand j’ai commencé à préparer mes démos, que cet album aurait un petit quelque chose de différent. Je voulais qu’il soit plus intime, dénudé et vulnérable », confie-t-il.
« J’aime ce moment de création quand je suis seul avec ma guitare ».
Pour y arriver, Cuba a décidé de s’autoproduire (en compagnie de l’ingénieur et mixeur de renom John « Beetle » Bailey) et de jouer tous les instruments sur l’album. « J’entendis si clairement ce que je voulais comme résultat final que je trouvais que ce serait mieux ainsi », explique l’artiste. « On a beau travailler avec les meilleurs musiciens, mais parfois, communiquer ce qu’on veut est difficile. Il y a certains instruments, les congas notamment, que je jouais dans un enregistrement pour la première fois de ma vie, mais John a rendu le processus vraiment confortable pour moi. »
La musique sur Sublime a beau avoir été enregistrée de manière totalement autonome, l’album a néanmoins un aspect collaboratif très important. Quatre des chansons sont le fruit de diverses collaborations et Cuba a fait appel à des artistes renommés sur six des morceaux, incluant la vedette émergente Silvana Estrada, Pablo Milanés (l’un des fondateurs de la Nueva Trova), ainsi que la légende cubaine Omara Portuondo, bien connue pour sa participation au Buena Vista Socal Club.
Leçons apprises : trois astuces d’écriture et de composition
* « Je crois que c’est important, lorsqu’on écrit en compagnie d’autres artistes, d’être préparé à voir les choses de leur point de vue. Soyez ouvert à ce qu’ils ont à dire et imprégnez-vous de l’instant présent. » * « N’ayez pas peur de créer quelque chose d’unique avec les progressions d’accords de vos chansons ; c’est ça qui les rendra différentes. Je suis toujours fier lorsque j’écris des chansons avec des progressions d’accords ‘cools’. Trop de musique de nos jours est dans les mêmes tonalités. On n’a pas besoin de ça ! » * « Je garde toujours des mélodies en mémoire dans mon téléphone. Si je vais dans une session d’écriture est que mon collaborateur et moi ne trouvons rien de nouveau dans la première demi-heure, je me tourne vers ces mélodies. La chimie opère parfois plus vite avec une personne plutôt qu’une autre, et utiliser ces mélodies peut être l’étincelle qui déclenche cette chimie, alors arrivez préparés ! »
« Je suis tellement fier d’avoir chanté avec une de mes héroïnes », affirme Cuba au sujet d’Omara Portuondo. “« Elle a 89 ans et a pratiquement plus d’énergie que moi en studio ! »
Sublime est le septième album solo de Cuba et il est très fier de pouvoir affirmer qu’il n’a jamais enregistré le même album deux fois. Ses albums précédents touchaient au rock, au funk et aux diverses saveurs de la musique latine, et c’est ce qui fait qu’il est impossible de cataloguer cet artiste qui a grandi à Cuba et habite maintenant le Canada. « Il m’a fallu beaucoup de courage pour en arriver ici », dit-il au sujet de son nouvel album. « J’arrive avec un nouvel album qui est plutôt doux et mélodique. Il ne cadre peut-être pas avec le climat actuel de la musique, mais c’est exactement ce que je voulais faire et c’est peut-être ça qui me distingue des autres. »
« Je veux que les gens ressentent l’honnêteté de ma démarche et qu’ils sachent que je fais de la musique parce que j’aime ça, pas parce que je souhaite être riche et célèbre… Je ne me suis jamais perçu comme un artiste de la mouvance latino-urbaine. Tout ce qui compte pour moi c’est de demeurer fidèle à moi-même. »
Il est néanmoins ravi que la musique latine soit désormais reconnue internationalement dans la foulée d’un « hit » majeur comme « Despacito ». « Jamais je n’aurais pensé entendre de la musique latine pendant que je prends un café au Tim Hortons », s’esclaffe Cuba. « Les règles ont changé et c’est notre tour », ajoute-t-il plus sérieusement.
Jared Miller, compositeur de musique de concert
Article par Perry Stern | vendredi 4 octobre 2019
Il serait tout à fait normal de penser que « non » ne fait pas du tout partie du vocabulaire de Jared Miller lorsqu’on jette un rapide coup d’œil aux compositions listées sur son site Web.
Jared Miller, à gauche, s’amuse avec l’orchestre.
On y retrouve un total de 43 œuvres composées depuis 2006 — piano solo, longues ou courtes, pour petits ou grands ensembles — et il y a de toute évidence très peu de commandes que le musicien de 31 ans désormais établi à New York a refusées. Nous avons joint Miller le globetrotteur au téléphone alors qu’il était à Nashville, à peine revenu d’un voyage en Espagne où il a dirigé l’Orchestre national des jeunes du Canada pour l’interprétation de sa composition Under Sea, Above Sky, une commande de la Fondation SOCAN et de l’orchestre. C’est à Nashville, deux jours plus tard, qu’il assistera à la première américaine de Ricochet—Reverb—Repeat, une œuvre commandée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour l’orchestre symphonique de Victoria, qu’interprètera l’orchestre symphonique de Nashville.
Né à Los Angeles, Miller arrivera avec sa famille à Burnaby, en Colombie-Britannique, alors que Jared est âgé d’un an. Il est demeuré dans cette province pendant les deux décennies suivantes et il a complété son baccalauréat à l’université de la Colombie-Britannique. « À ma grande surprise et pour mon plus grand bonheur, on m’a ensuite accepté dans le programme de maîtrise de Julliard. Je suis donc déménagé à New York il y a neuf ans et après avoir complété ma maîtrise, je me suis inscrit au programme de doctorat en musique. J’y suis resté encore cinq années et depuis je suis pigiste. » De 2014 à 2017, pendant l’obtention de son doctorat, il était compositeur en résidence de l’orchestre symphonique de Victoria et il faisait régulièrement la navette entre New York et la Colombie-Britannique.
Et n’allez pas croire que l’objectif de Miller était la productivité : la constance de la qualité de ses compositions le dément avec éloquence. En 2012, il a remporté le Morton Gould Award d’ASCAP et la Juilliard Orchestra Competition et il a remporté le Prix de la Fondation SOCAN pour les jeunes compositeurs en 2011, 2015 et 2019.
Quel est donc le secret de cette impressionnante créativité ? « Je ne peux pas me concentrer sur une seule chose pendant très longtemps, je suis comme ça », explique-t-il. « Ça veut dire que j’entreprends plusieurs projets, parfois même plusieurs de front. » Mais ce n’est pas seulement la quantité et la qualité du travail de Miller qui sont impressionnantes. C’est avant tout son éclectisme et son intelligence créative.
Traffic Jam, la première commande qu’il a reçue, était destinée aux Jeux olympiques d’hiver de Vancouver en 2010. On pourrait penser qu’un jeune compositeur qui reçoit sa première commande lucrative aurait tendance à écrire quelque chose de sérieux, monumental et héroïque pour un tel événement athlétique. Non : « j’ai écrit un morceau satirique au sujet des problèmes de congestion et de construction avec lesquels Vancouver a dû composer en raison de la tenue des jeux », explique Miller. Traffic Jam a depuis été jouée par des orchestres symphoniques partout dans le monde.
En 2017, il a reçu une commande de l’orchestre symphonique de Toronto et de l’orchestre symphonique de Victoria, et le résultat, Buzzer Beater, est une ode musicale aux Raptors de Toronto où les musiciens imitent les trompettes et les sifflets que l’on entend lors d’un intense match de basketball.
Toujours en 2017, Miller a été engagé par l’orchestre symphonique de Détroit et il a écrit une œuvre intitulée Lustre. « On m’a donné carte blanche », raconte-t-il. « J’ai donc fait mes recherches au sujet de la riche histoire musicale de Détroit. Il s’est concentré sur les sonorités de du house et du techno, des genres musicaux nés dans cette ville. “J’ai voulu réimaginer et recréer les différents sons que l’on entend dans le techno, mais dans un contexte orchestral”, explique le musicien.
Les mois à venir verront Miller faire des apparitions un peu partout au Canada — 27 octobre à Hamilton, 10 décembre à Montréal, 29 janvier 2020 à Winnipeg — et il n’y a aucun doute que de nombreux projets sont à prévoir. “Quand je ne travaille pas sur plusieurs œuvres en même temps, je suis toujours en train de penser à plusieurs œuvres”, confie le prolifique compositeur. “C’est comme ça que je fonctionne le mieux.”