Callum Afcouliotis a tout appris à l’aide d’un iPod dès son plus jeune âge. Le chanteur, dont le nom de scène est COTIS, se souvient encore de l’époque où son grand frère y copiait des tonnes de chansons juste pour lui et il s’y « plongeait corps et âme afin de tout écouter ». Dans le lot se trouvaient de morceaux de Kanye West et Kid Cudi.

Mais son frère était loin de se douter que toute cette musique pousserait COTIS à écrire ses propres « petits raps et chansonnettes ». Ce n’était pas grand-chose, au départ (« j’écrivais genre un refrain aux six mois »), mais c’était néanmoins clair que la création musicale deviendrait un exutoire important pour lui.

Maintenant âgé de 19 ans, COTIS se taille lentement mais sûrement une place aux frontières de la pop, du R&B et du hip-hop, et il attire de plus en plus d’attention. L’an dernier, il a lancé « Phone Light Up », son meilleur succès à ce jour avec plus de 3,6 millions d’écoutes sur Spotify. On peut y entendre le « flow » mélodique de COTIS — qui n’est pas sans rappeler Post Malone, par moments — sur un « beat » puissant sur mesure pour les clubs. C’est ce qu’on l’on pourrait appeler un « banger ».

Mais même avec un tel succès, que l’on retrouve sur son plus récent EP, intitulé Wait! , en compagnie de pièces plus pop comme « All Night » et « Ride », COTIS est le premier à admettre qu’il a l’impression de « ne rien avoir accompli encore ». En cette ère numérique, il peut être facile de s’enorgueillir d’une seule réussite, mais ce jeune homme sait qu’il a encore des croûtes à manger.

« Je cherche encore ma propre identité en tant qu’artiste, et c’est ce qui compte le plus pour moi », confie-t-il. « Les diffusions en continu, c’est bien, mais ce que je veux vraiment, c’est sortir des “bangers”. Ma priorité pour l’instant, c’est la constance de la qualité de ce que je fais. »



Mathieu Lafontaine ne roule pas ses « r » dans la vraie vie. Sur scène, dans la peau de Claude Cobra, il devient celui qui fait rire, mais sans n’être qu’une farce. « Heille! Fais-tu frette ? T’es-tu ben dans ton coton ouaté ? », c’est une question que plusieurs ont déjà posée à un ami, mais elle est dorénavant synonyme de ver d’oreille. Le hit Coton ouaté, de Bleu Jeans Bleu, est une œuvre accrocheuse et brillante, mais son succès est également dû à l’œuvre du timing.

L’album Perfecto, paru à la fin du mois de janvier est venu consolider la prestance du quatuor qui profitait déjà d’un bon vent dans le dos. « C’est comme si le troisième album confirmait que c’est pas une joke », lance le chanteur et auteur Mathieu Lafontaine.

Le clip annonçant la sortie du single Coton ouaté, paru à la fin du mois d’avril, a créé un petit effet boule de neige. Le refrain s’inscrivant à merveille dans un printemps qui ne finissait plus de ne pas arriver a vite capté l’intérêt des Québécois vraiment impatients de se mettre en culottes courtes. « Ce serait prétentieux de dire qu’on pensait avoir écrit une phrase avec autant de potentiel, admet Mathieu. Si on n’avait pas eu la vidéo avec la chorégraphie et si on avait eu un printemps où il fait chaud, ça n’aurait peut-être pas marché. »

Selon le chanteur, aujourd’hui, il y a un « coton ouaté challenge » sur les réseaux sociaux pour essayer de faire la chorégraphie, des écoles ont sélectionné la chanson pour leur spectacle de fin d’année et l’expression engendre de plus en plus un référent à la chanson. « On rêve vraiment que ça s’installe comme une expression : “Fait tu frette?“ Et que tout le monde réponde : “T’es-tu ben juste en coton ouaté?“ On voudrait vraiment que ça devienne une phrase assez forte pour faire partie des communications des gens comme quand les gens disaient “Ma vie c’est de la marde“ en chantant Lisa Leblanc. »

« Pour que ta musique drôle soit considérée comme de la vraie musique, il faut vraiment que tu travailles fort »

Les gars de Bleu Jeans Bleu ne sont pas des humoristes qui font de la musique. « T’as de l’humour sur trame musicale et t’as de la musique qui va s’adonner à te faire rire, précise le chanteur. On veut vraiment s’assurer de toujours fiter dans la catégorie musique. » Souvent comparé aux Trois Accords, le groupe trouve le rappel très flatteur tout en assurant que l’objectif n’a jamais été de les imiter. « Les deux projets ont des similitudes, mais en ce qui concerne le style musical, nous on n’est vraiment pas limité par un style. Les Trois Accords ont toujours été pop-rock. Nous, on dirait qu’on peut aller partout : funk, jazz, rap… », énumère-t-il.

Les ritournelles amusantes ont également su capter l’intérêt des enfants qui « ne sont jamais gênés d’écouter la même toune 20 fois de suite », souligne Mathieu. Ceci fait en sorte que les vers d’oreilles se propagent des enfants aux parents qui, eux, peuvent choisir d’aller se procurer l’album pour éviter de n’entendre que « J’ai mangé trop de patates frites » à répétition.

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Sur scène, le plaisir est contagieux, mais les arrangements musicaux mènent le bal. « C’est théâtral, mais les tournures de phrases, si tu ne portes pas attention ou si tu ne parles pas français, ce n’est pas hilarant. Petit pudding (sortie sur Franchement wow en 2016), c’est une chanson un peu triste si tu ne sais pas qu’on parle d’un pudding. L’accent est toujours sur la musique, même si c’est amené au plus profond du champ gauche. »

Ce n’est pas parce que c’est humoristique que c’est écrit sur le coin d’une table. Il y a un dur labeur qui se cache derrière chaque sourire au visage d’un auditeur. « Pour que ta musique drôle soit considérée comme de la vraie musique, il faut vraiment que tu travailles fort », dit Mathieu, qui est le seul membre du groupe à ne pas avoir de formation en musique. « Je suis le non instruit du lot, s’amuse-t-il à répéter. Grâce à ça, je peux faire n’importe quoi parce que j’ai la liberté de l’innocence. Je ne m’empêche pas de faire des choses sous prétexte qu’elles ne sont pas théoriques. » Le chanteur demeure réaliste : sans un groupe grandement outillé musicalement, cette naïveté qui l’habite et qui lui sert serait quasi-impossible.

Le plaisir des Bleus a contaminé (avec joie) tout le monde sans toujours avoir à passer par le canal des radios commerciales, ce qui représente une certaine fierté pour le groupe. « Le bouche-à-oreille a fonctionné, on dirait, assure le leader du groupe. Une connaissance m’a dit que sa voisine d’en haut, une dame âgée a failli manquer une livraison postale à cause de nous. Elle l’a entendu dire au livreur “J’écoutais les Bloue Jeans Bloue et je ne vous ai pas entendu.“ »

« Il faut se satisfaire en ayant tout le temps faim, dit Mathieu, qui souhaite vivre le momentum en l’appréciant le plus possible. Rien n’est acquis et on va tout faire pour garder le plaisir qu’on a et renouveler le divertissement qu’on propose. »

Le divertissement sera sur la route cet été. L’horaire était déjà « juteux » et les shows se multiplient encore. Sortez ! Et sortez vos cotons ouatés, on ne sait jamais !



LoudAprès avoir fracassé plusieurs records avec son premier album, Loud bat le fer quand il est chaud avec Tout ça pour ça, un nouvel opus qui compte une fois de plus sur le talent et la complicité d’Ajust et Ruffsound, deux des producteurs les plus en vue au pays. Sans faire d’histoire, le rappeur montréalais nous fait l’honneur de replonger dans le processus de création de chacune de ses 10 nouvelles chansons.

Sans faire d’histoire
« Elle a un peu le même rôle qu’avait So Far So Good sur mon précédent album, c’est-à-dire celui de faire un bilan des derniers mois et de mettre la table pour ce qui s’en vient. Je sais pas pourquoi, mais je peux pas m’empêcher d’ouvrir mes albums de cette manière-là. Je trouve ça nécessaire de dire où j’en suis rendu. Certains auraient pu s’attendre à quelque chose de pop en partant, mais non, j’entre de manière très classique. C’est un peu pour établir dès le départ que c’est un album de rap. En terme de bilan, forcément, c’est sûr que c’est assez positif, vu que ça parle surtout de ce qui s‘est passé dans la dernière année et demie. À mon sens, c’est le beat qui m’a amené vers quelque chose d’aussi positif que ça. Ça sonne comme un anthem d’été. »

Médailles
« Au premier degré, c’est une chanson qui parle d’accomplissements et de réussite, mais si tu l’écoutes attentivement et si tu regardes le clip, tu constates que je parle aussi de l’envers de la médaille, de tout ce qui vient avec le succès. La musique, ça reste un choix personnel, je me sens pas coincé dans un deal que j’aime pas, mais c’est certain qu’une fois que ton projet est lancé, les opportunités sont nombreuses, et ça devient difficile de dire « non » et de prendre une pause. Tu deviens pris dans une loop continuelle et tu peux pas vraiment en profiter tant que tu t’arrêtes pas. C’est pas mal la seule chanson dont les paroles sont venues avant la musique. J’avais le refrain et le pré-refrain en tête, et les gars ont fait le beat à partir de ça. »

Jamais de la vie
« Pour celle-là, Ruffsound et moi, on est allés chez Banx & Ranx (NDLR : prolifique duo de producteurs montréalais au rayonnement international) et on a cherché des mélodies avec eux. En fin de compte, on a trouvé l’ébauche de cette toune-là, que les gars ont ensuite retravaillée. Ça a été assez long comme processus, car on savait qu’elle avait une qualité radio, tout particulièrement dans le refrain, et on voulait être certain de l’amener à un autre niveau. D’ailleurs, c’était important pour moi que le refrain ait un côté universel, et je crois que tout le monde peut s’identifier à cette idée de vouloir être en contrôle de sa vie, à cette idée de ne pas vouloir entrer dans le moule. Dans un contexte pop, c’est quasiment le devoir du refrain de pouvoir résumer l’idée générale de la chanson, même si les couplets sont un peu plus personnels. »

Salles combles
« C’est une chanson faite pour les shows avec un refrain qui s’apparente quasiment à une chanson à répondre. Le texte aussi parle de shows, de la dernière tournée que j’ai eue, mais aussi des difficultés de tourner au Québec et des débuts de carrière qui peuvent être assez ingrats. Avec LLA (Loud Lary Ajust), on a vécu des moments où les déplacements nous coûtaient tellement cher qu’on jouait presque gratuitement. Même qu’à des endroits où tu as moins de public, tu peux finir par jouer à tes frais. À travers ce récit-là, il y a une certaine fierté, car depuis le début de mon projet solo, j’ai une centaine de shows qui ont été présentés à guichets fermés. C’est quelque chose que je voulais souligner et célébrer. »

Longues vies
« Ça vient d’une réflexion ou même d’une certaine angoisse qui m’habite parfois : celle de perdre sa place. C’est classique de le dire, mais plusieurs trucs qui fonctionnent vraiment bien et vraiment vite n’ont pas toujours une très longue durée. Le monde finit souvent par se lasser de quelque chose qui joue trop partout. La question qui se pose par rapport au marché québécois, c’est donc « combien de temps on peut push jusqu’à tant que ça devienne trop ? ». Forcément, ça va arriver à un moment donné… Dans la chanson, je fais aussi un clin d’oeil à Prodigy et Nipsey Hussle, deux légendes du rap qui sont mortes dernièrement. C’est pour ça que le titre, Longues vies, est au pluriel. C’est pas une réflexion uniquement centrée sur moi, mais plus une réflexion générale sur combien de temps on peut rester au sommet. »

Sometimes All The Time (avec Charlotte Cardin)
« À la base, je suis un grand fan de ce que fait Charlotte Cardin. On avait déjà mentionné l’intérêt de travailler ensemble, mais il n’y avait rien de concret sur la table jusqu’à tant que je lui envoie cette toune. Le lendemain, elle m’a renvoyé son couplet par voice memo, et on l’a pratiquement pas retouché après. L’angle de la chanson se prêtait vraiment bien à un duo classique avec deux couplets où l’on s’adresse chacun l’un à l’autre et un refrain rassembleur durant lequel on se rejoint. Charlotte pouvait aussi s’identifier au sujet de la chanson, qui parle des répercussions des relations à distance quand on est toujours sur la route ou bien à l’hôtel. Les communications sont toujours un peu complexes, souvent impossibles. On finit par se parler quand on peut se parler, mais c’est jamais optimal. »

Off the Grid (avec Lary Kidd)
« C’est un clin d’oeil à LLA à travers un autre exercice de recap, de bilan. Il y a du positif, mais encore une fois, il y a aussi l’envers du décor. Quand tout ton temps est mappé et que tu sais exactement tout ce que tu vas faire tout le temps, il y a ce désir-là de disparaître sans avertir, de s’en aller loin, de bouger librement. C’est une envie qui m’a toujours habité, comme je le disais sur Hell, What a View. Avec les années, j’ai réussi à trouver un équilibre entre ce que je suis et mon image publique. J’ai notamment réussi à mettre mes limites par rapport aux médias et aux réseaux sociaux. Je gère ça de la manière qui me plait, sans chercher à avoir toujours trop d’exposure. »

Fallait y aller
« Celle-là, elle vient de la même session que Jamais de la vie chez Banx & Ranx. À mon sens, ces deux chansons-là, elles vont ensemble. On les a travaillées là-bas, et je suis allé les écrire de mon bord après. C’est une réflexion sur mon parcours, sur le fait que ça fait super longtemps que je fais ça. Il y a eu des hauts et des bas, mais surtout, il y a eu des paliers qu’on a franchis. Après LLA, clairement, il y avait la possibilité que tout soit fini, qu’il ne se repasse jamais rien d’aussi gros dans ma carrière. En fin de compte, le timing de la chose a été la clé. Quand c’était le temps d’y aller, on y est allés à fond. »

Pas sortables
« Le texte est un peu arrogant, je dirais. C’est une chanson à écouter pour te primer avant quelque chose… genre un match de UFC. (rires) On l’a vraiment imaginée comme la chanson mosh pit, durant laquelle le public va virer fou en spectacle. À la base, je me suis juste imprégné de l’énergie du beat. J’avais pas le choix d’y aller hard là-dessus. C’est une des rares productions qui étaient pas mal déjà arrangées avant que je me mette à écrire le texte. Ruffsound, Ajust et Realmind (NDLR : coproducteur du hit et Prix de la chanson SOCAN 2018 Toutes les femmes savent danser et de plusieurs chansons de cet album) l’ont composée dans un chalet l’automne passé. Même la finale avec la guitare et les cordes était déjà là. »

GG
« GG, ça veut dire « Good Game » (« Bien joué ») dans l’univers du online gaming. C’était vraiment l’idée faire une conclusion dans les règles de l’art, en me permettant notamment d’aller dans des zones plus personnelles. Durant le couplet, la musique est tellement minimaliste et effacée que ma voix prend toute la place au centre. Ça m’a donné l’occasion de m’ouvrir davantage sur ce que je suis, sans trop de tabous. C’est pas quelque chose que j’aime faire tout le temps, mais dans un contexte comme ça, ça s’y prêtait bien. À la fin, le build-up minimaliste culmine avec une explosion en instrumentation live, un genre de jam qui rappelle les productions de Justice League ou de Kanye West. On voulait surprendre les gens avec une fin épique. »